J’ai lu hier un article qui m’a fortement fait réagir : L’entreprise 2.0 ne survivra pas sans intégrer les réseaux sociaux professionnels. Si je résume un peu schématiquement l’article, il explique comment l’entreprise 2.0 se transforme en entreprise 3.0 en prenant en considération les exigences et besoins des salariés. Ce qui sous-tend-tend implicitement que l’entreprise 2.0 ne le fait pas et n’est finalement qu’une entreprise faisant usage des réseaux sociaux, ce avec quoi je ne suis pas du tout d’accord.
Toutes les personnes travaillant dans le domaine du « Social » (Anthony Poncier, Bertrand Duperrin, Claude Super, …) s’accordent pourtant à dire que le simple usage des médias sociaux ne permet pas à une entreprise d’obtenir l’appellation 2.0. L’entreprise sociale est une entreprise qui prône les vertus de la collaboration, qui ose partager l’information plutôt que de cultiver le secret, qui favorise la prise de responsabilités plutôt que le command-and-control, bref, qui a revu de fond en comble son mode de gouvernance et son organisation.
Cette transformation vise précisément à prendre en compte les nouveaux comportements et les nouvelles attentes des collaborateurs, en partie générées par l’usage massif des médias sociaux dans leur sphère privée. Ces derniers peuvent effectivement devenir photographes avec Flickr, musiciens avec MySpace, critiques de cinéma ou de peinture sur leur blog, sans avoir à recevoir l’aval d’un organisme professionnel (comme le dit très bien Seth Godin).
Il leur est ensuite extrêmement difficile de se voir réassigner leur feuille de route sans qu’ils puissent aucunement contribuer à la construction de celle-ci, en comprendre le sens, et voir leur zone d’autonomie et de décision réduite à néant. Il leur est également pénible d’utiliser des outils qui leur semble archaïques au sein de l’entreprise. Mais si ce dernier point contribue à l’insatisfaction des collaborateurs, il n’en est pas la cause première.
De toute évidence, la grande majorité des entreprises est encore loin du compte tant il s’agit d’une véritable mutation (thème central de mon dernier livre) et pas simplement d’une légère adaptation à un nouvel environnement. Finalement, le véritable enjeu de l’entreprise 2.0 est de libérer tout le potentiel du capital humain de l’entreprise en ne contraignant plus – de façon néfaste – les schémas comportementaux et cognitifs actuels de ses collaborateurs.
On ne pourra parler d’entreprise 3.0 qu’une fois que cette mutation aura été opérée, pas avant ! Sans quoi cela risque d’apparaître plus comme un échappatoire que comme un véritable paradigme. D’autant que si l’entreprise 2.0 s’appuyait sur l’avènement du Web 2.0, plaçant l’internaute en position d’acteur plus que de consommateur, les contours du Web 3.0 sont toujours assez flous. Il convient donc d’être extrêmement prudent quant à son utilisation, à moins de vouloir précisément minimiser l’influence de l’évolution du Web sur celle de l’entreprise.
J’espère que ce billet permettra de nourrir des échanges avec l’auteur, car le 2.0 c’est aussi le conversationnel 😉
Je partage ton point de vue Alex, après si l’entreprise 2.0 comme tu/nous le disons n’est pas le fait d’installer un outil, mais bien de libérer le potentiel humain, pourquoi quand cela est fait, elle devient 3.0 ?
Ce ne sont donc que des mots, et en plus on parle de plus en plus de social business et de moins en moins de 2.0 ou 3.0
Mais oui, si les salariés ne sont pas intégrés, le résultat ne sera pas au RDV
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Peu importe le nom que l’on donne, le défi que tu as soulevé / souligné reste (et restera pour un bon bout de temps) au coeur des transformations souhaiter.
Si je ne me trompes pas, c’était le « cible » du concept de wirearchy. Une éventualité ? On verra.
This (below) is what was supposed to be cited as context for my original comment …
« Finalement, le véritable enjeu de l’entreprise 2.0 est de libérer tout le potentiel du capital humain de l’entreprise en ne contraignant plus – de façon néfaste – les schémas comportementaux et cognitifs actuels de ses collaborateurs. »
L’entreprise ne peut pas se construire sans les salariés et quel que soit le nom qu’elle aura demain, son évolution passe par le fait de donner du SENS (le fameux WHY) : ce pourquoi les outils sont maintenant disponibles mais les hommes pas forcément encore prêts !
« Sous les pavés la plage ! » 😉
Après le néotaylorisme et la logique financière à court terme, une nouvelle conscience collective pour un aboutissement individuel !!
Comme d’habitude d’accord avec Anthony. L’entreprise 2.0 devait déjà prendre en compte les besoins des utilisateurs et c’est parce qu’on s’y est refusé qu’elle n’a pas vu le jour. Alors au lieu de changer le versionning il vaudrait mieux se concentrer sur les vrais problèmes.
Si à chaque fois qu’on fait preuve de déni de réalité il faut changer le numéro de version de l’entreprise je prédit l’entreprise 10.0 pour dans 3 ans.
+10 !
ah ah 🙂
« Si à chaque fois qu’on fait preuve de déni de réalité il faut changer le numéro de version de l’entreprise je prédit l’entreprise 10.0 pour dans 3 ans. » -> ça a failli être ma conclusion, merci Bertrand.
Et merci à Jon, Anthony et Claude pour vos commentaires
Merci pour ton commentaire Anthony. D’ou mon point de ne pas commencer à utiliser l’appellation 3.0 alors que l’entreprise 2.0 telle que nous l’entendons commence à peine à voir le jour
Il y a surtout de vrais Zéros dans le conseil aux entreprises sur les transformations actuelles s’appuyant sur le digital.
Pour ma part je constate un retour aux fondamentaux que sont le bon Intranet après les désillusions du RSE.
Reste à recommencer le chemin de manière moins techno et plus humble pour déclencher la dynamique interne, l’engagement des salariés.
La naissance et la courbe de croissance de « l’entreprise 2.0 » peuvent-être mis en parallèle avec la naissance et la courbe de croissance de la crise de 2008. Il est fort probable que ce soit cela qui l’ai sapé en grande partie.
On peut ne plus parler de crise tant l’on voit qu’il n’y a plus rien de conjoncturel. On ne revivra plus jamais dans le même monde d’avant 2008. On demande aux gens toujours plus de concessions (allongement de l’âge de la retraite, fin du CDI,…), on dirige et on manage dans l’urgence et souvent à courte-vue. L’ensemble de la société est également assez morose. Il suffit de parler autour de nous pour se rendre compte que beaucoup de personnes, d’une manière ou d’une autre, ne s’épanouissent plus au travail et en dehors. Beaucoup veulent changer de vie, certaines de façon parfois assez radicale.
Il est illusoire d’imaginer que les gens laissent tout cela à la porte de l’entreprise et que l’on va pouvoir leur demander d’évoluer, de collaborer, de s’initier à de nouveaux outils, etc…
La vérité c’est qu’une grande partie des gens viennent pointer (beaucoup payer la nourriture et les traites) et n’en n’ont plus rien à foutre pour parler crûment.
Nous attaquons notre premier mois officiel de récession et le taux de chômage n’a jamais été aussi élevé. Je pense que la seule chose qui pourrait venir au secours de l’entreprise 2.0 c’est le plein emploi et une croissance durable et au moins égale à 2%. Sans cela, essayer d’injecter du social dans l’entreprise sera l’équivalent de coller un pansement sur une jambe de bois. A priori donc, ce ne sera pas encore pour bientôt… et d’ici là on pourra tranquillement observer les échecs (nécessaires cependant) d’entreprise 3.0, 4.0, 5.0…
Nier les effets de la crise sur le moral des personnes touchées serait totalement hors de propos. Mais si l’on regarde le verre à moitié plein (ou même un quart plein…), c’est aussi parce que la crise est là que toutes ces questions de bien-être émergent si fortement. C’est une forme de réaction à un environnement de plus en plus hostile qui contraint soit à « baisser les bras », soit à chercher des perspectives de bien-être ailleurs…
Dans le contexte actuel, la fluidité du marché de l’emploi est nettement moindre, tout comme les augmentations en fin d’année. Le bien-être en entreprise ne viendra donc pas de la valorisation financière qui nous est accordée ou des opportunités de carrière incroyables qui peuvent se présenter. Il peut venir de plusieurs « petites choses » : le sens que l’on donne à son poste, ses relations de travail, à commencer par celles avec son manager, l’environnement de travail (possibilité de télétravail par exemple), les responsabilités qui nous sont accordées sans qu’elles soient directement rattachées au poste occupé…
Bref, autant d’éléments qui peuvent contribuer positivement sur la satisfaction, la reconnaissance, la motivation, autant d’éléments contributifs du bien-être. Pourquoi les entreprises ont intérêt à favoriser tout cela ? Simplement parce que de façon symétrique, elles ne peuvent motiver par les salaires ou les perspectives de carrière, et que le lien performance-motivation n’est plus à démontrer.
Et pour paraphraser André Comte-Sponville, « on travaille pour de l’argent, mais on décide de travailler dans telle entreprise plutôt que dans telle autre parce que l’on sent que l’on y sera plus heureux ».
« Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots, rien que des mots… »
J’aime votre paraphrase mais au risque de paraitre monomaniaque, on décide de travailler dans telle entreprise plutôt qu’une autre parce qu’on a le choix. Donc en plein-emploi. Nous sommes donc d’accord sur le diagnostic 🙂
Qu’est-ce que tu chantes bien Damien 🙂
Parler de « 3.0 » avant d’avoir digéré et appliqué le « 2.0 » c’est se tirer une balle dans le pied! C’est une bonne manière de discréditer les démarches participatives actuelles en faisant croire que le « x.0 » n’est qu’un label marketing. Alors pour tous ceux qui croient et qui œuvrent pour l’évangélisation du concept « 2.0 », sachez être patient! Certes, il est bon de faire du brainstorming autour du futur « 3.0 », mais n’enterrez pas le « 2.0 » avant d’en avoir tiré pleinement profit et démontré son efficacité en milieu professionnel. Sans cette assise solide, il est fort à parier que le « 3.0 », quel qu’il sera, s’effondrera sur les ruines du « 2.0 ».
Il me semble que les notions de confiance et de transparence, sur les marchés financiers et en économie plus largement, sont très présentes (la bourse, les échanges économiques,…).
C’est bien sur la base de la notion de confiance ou de la défiance qu’un pays gagne ou perd sont triple A.
L’éconimie impacte le marché de l’emploi.
Ne pensez-vous pas qu’en entreprise c’est la même chose, que cela favorise les échanges (de qualités) ?
C’est ce que définit Harvey Leibenstein par le facteur X, appelé l’efficience X.
Hello, deux choses me viennent en lisant ce débat intéressant et de bonne compagnie 😉
A) La course du versioning de « modèles » d’organisation me fait beaucoup penser à celui des logiciels… n’est ce pas Alexandre 😉
1) il y a là aussi des petits malins qui vous collent une version ronflante pour accrocher le chaland et cacher la misère (ou la normalité)
2) il faut constater qu’au-delà de cette vielle astuce, la vitesse du changement a augmenter avec plus de nouveautés, plus fréquemment (merci le SaaS / logiciels)
3) il y a les ronchons qui nient ou résistent à ce mouvement soit parce qu’ils sont conservateurs (parfois et dans une certaine mesure avec raisons) soit parce qu’ils essayent de se démarquer des autres en étant à contre temps (des éditeurs comme des consultants)
B) J’ai déjà débattu sur l’excès de zèle de certains à vous balancer une version 3.0 ou 4.0 pour faire un effet marketing ou comme le dit très bien Bertrand, oublier la difficulté de la mise en œuvre.
Toutefois, en attaquant le fait de parler de l’entreprise 3.0 gare à ne pas censurer ou castrer la discussion prospective sur l’autel du présent, du réalisme; que cela soit pour des vrais raisons ou un jeu de posture.
Nous avons toujours eu besoin de cet exercice d’anticipation, c’est notre nature humaine et c’est essayer de comprendre la mouvement des plaques tectoniques de notre monde, de celui des organisations.
Préparer le future de l’organisation (et couple avec la vision stratégique) c’est aussi le rôle des directions générales et rêvons un peu des DRH, car comme la vitesse des changements de versions des logiciels, celle des organisations s’accélère aussi.
a+