Je fais suivre aujourd’hui un article passionnant du Monde recueillant les propos d’Yves Clot, titulaire de la chaire de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) à Paris.
Ce chercheur met en avant la tension, pour ne pas dire le conflit, qu’il existe en permanence entre des Directions souvent centrées sur la seule notion de productivité, et des salariés soucieux d’assurer un travail de qualité. Il lie d’ailleurs directement le bien-être à cette possibilité laissée à chacun d’être fier de son travail.
Ce qui m’a amusé à la lecture de cet article est qu’il entre fortement en résonance avec la notion de digital workplace, récemment commentée dans un article de Bertrand Duperrin à l’occasion de l’édition du rapport de Jane McConnell à ce même sujet. La notion de collaboration dans le cadre de travail est commune à ces deux articles !
La collaboration est selon Yves Clot « ce qui permet de faire les diagnostics au bon moment dans le travail réel ». Elle est selon Bertrand Duperrin ce qui caractérise les early adopters de la digital workplace « qui intègrent la collaboration dans le flux de travail, notamment dans la gestion de projet ».
Cette collaboration est nécessité selon Yves Clot par le fait de vouloir positionner la demande des clients au centre de la production. Bertrand Duperrin explique quant à lui que la digital workplace met agilité et flexibilité au service de l’orientation client. Dans l’entreprise de demain, voyant ses frontières spatio-temporelles redéfinies, le client fait partie intégrale de l’écosystème de l’entreprise, au même titre que les salariés. Ce qui pose selon Yves Clot la question des critères de travail à privilégier : rapidité ou qualité ?
L’autonomie accordée aux collaborateurs se trouve également au cœur des deux réflexions. Selon Yves Clot citant Philippe Iribarne et son ouvrage intitulé « La logique de l’honneur », en France, les salariés placent leur fierté dans le travail : « Le non-respect des règles de l’art nourrit la méfiance de ceux qui « savent de quoi ils parlent » contre ceux qui décident de loin ». Toujours selon lui, « on tolère mal d’être citoyen à la ville et simple exécutant le reste du temps. Le travail reste un enjeu civique ».
Bertrand Duperrin parle lui d’une humanisation de l’entreprise : « les salariés ont davantage de choix quant à la manière dont ils travaillent. Les politiques BYOD, le travail à distance mais également la généralisation de la vidéo qui rend les échanges plus authentiques y contribuent. Cela concerne également la dimension apprentissage et formation qui devient une activité sociale, collective, intégrée au flux de travail« .
En bref, qu’il s’agisse de productivité, de « digitalisation » de l’entreprise ou de bien-être, tout passe par une mutation de l’entreprise en termes d’organisation et d’états d’esprit. Il faut comme le dit Yves Clot cesser – souvent en vain – d’essayer de « faire remonter les problèmes » mais plutôt « faire descendre l’organisation au ras des problèmes pour augmenter la participation des hiérarchies à leur solution concrète ».
Bonne lecture 😉
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Yves Clot est titulaire de la chaire de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), à Paris. Ses recherches portent à la fois sur le travail collectif et sur le collectif de travail. Le Monde l’a rencontré après que la direction de Renault lui a demandé d’engager une expérimentation sociale dans l’entreprise.
Quelles sont les évolutions qui expliquent ce que vous décrivez comme le « problème français du travail » ?
Il y a d’abord des changements mondiaux. Le principal, c’est la place ambiguë que prennent les consommateurs dans la production. Le « client roi » est vite l’esclave d’une innovation fascinante.