Journaliste, je ne suis jamais passée par le processus de recrutement classique en entreprise. Pour mon premier job, à BFMTV, l’entretien s’est résumé à : « Tu viens de sortir de l’ESJ je crois ? Tu serais disponible pour débuter la semaine prochaine à l’édition ? Il y aurait un jour de formation et tu peux commencer ta première pige dès le lendemain. » Dans ce milieu, c’est d’abord l’école dont on est issu qui compte, puis le réseau qui fait tout ensuite. Quelques années plus tard, dans une société de production, mon entretien a commencé par : « Ah tu as réalisé un sujet avec Olivier ? Il est top ce caméraman ! Et tu as eu Stéphane comme red chef ? C’est drôle, on a commencé ensemble à FR3… » et ainsi de suite au gré du déroulé de mon CV, jusqu’à ce qu’on me confie un reportage.
Il y a quelques mois, j’ai décidé de switcher du journalisme au monde des startups. J’ai donc dû me frotter à la lettre de motivation, exercice auquel je n’avais pas été confrontée depuis le temps de mes recherches de stages ! A ma grande surprise, lors de mes premières entrevues, on était très loin du cliché du type « Citez-moi trois qualités et trois défauts ». Un point commun avec le journalisme : le tutoiement, souvent de rigueur. Mais les ressemblances s’arrêtent là… pour le reste, des questions personnelles, déroutantes, intrigantes, parfois cocasses.
Best of de mes meilleurs entretiens en startups.
- Le plus déstabilisant. « Peux-tu nous raconter ton plus grand moment de honte ? » Ou sa variante : « Ce dont tu es le plus/ le moins fier ». Difficulté pour le candidat : trouver rapidement un exemple d’une honte ou d’un échec sur lequel il a tout de même su rebondir. Dans mon cas, un reportage catastrophique, dont j’ai tiré une leçon : toujours être présente lors du visionnage de mon sujet par la chaîne de télévision.
- Le plus original. « On débarque à l’improviste chez toi pour dîner. Qu’est-ce que tu nous prépares de bon ? »
- Le plus intriguant. Lors d’un premier entretien à l’écrit, via un formulaire typeform, j’ai dû me plier à un test de typing. Un test de quoi ?! Vous avez bien lu, un test pour connaitre le nombre de mots que je tape à la minute. Si cela vous intrigue autant que moi : 10fastfingers.com
J’ai d’abord cru à une blague mais je me suis prêtée au jeu. Comme ils demandaient une copie d’écran prouvant nos résultats, j’ai répondu dans le formulaire : «Résultat excellent, il faudra me rencontrer afin que je vous en fournisse la preuve. » Et à mon grand étonnement, le CEO de la startup m’a ensuite expliqué que pour lui, c’était un test très important car il n’embaucherait pas une personne censée gérer leurs réseaux sociaux, et notamment les livetweet, si elle ne savait pas taper vite. Mais… qui, à part mon père qui tape encore avec un doigt, ne sait pas écrire rapidement sur ordinateur aujourd’hui ?! #generationYZMillenium - Le plus éclairant. « Que diraient tes amis de toi ? » ou encore « Quels sont les trois adjectifs que ton meilleur pote utiliserait pour parler de toi ? ». Selon le directeur d’une association d’accompagnement de startups, friand de ce type de questions en entretien, « Parler des amis permet de sortir du cadre sans être intrusif, car on reste centré sur le candidat. »
- Le plus personnel. « As-tu des frères et sœurs ? Que font-ils dans la vie ? Dans quel secteur d’activité travaillent tes amis ? Qu’est-ce que tu fais le week-end ? » Une responsable RH rappelle que dans le processus de recrutement, « Il est illégal de poser des questions concernant la famille du candidat ou tout ce qui est relatif à ses mœurs. »
- Le plus WTF. « Si tu étais un animal… ?»
Au-delà de ces questions parfois déconcertantes, les entretiens en startups donnent souvent lieu à des mises en situation, intéressantes je trouve pour tester notre capacité à gérer des problématiques futures une fois en poste. Exemple : « Nous organisons bientôt une journée team building, suite aux nombreux recrutements dans la boite. Quel programme nous proposes-tu ? ». Ou dans le même genre : « Quel est le premier article que tu publierais sur notre blog ? ».
Dans cet écosystème, le recruteur cherche à détecter tout autant, si ce n’est davantage, un savoir-être plutôt qu’un savoir-faire. J’ai parfois eu l’impression qu’au-delà de mes compétences, mon interlocuteur m’interrogeait pour voir si j’allais être une collègue sympathique, avec qui il aimerait passer du temps. La prédominance du savoir-être, du « mindset » comme dise les startupeurs, a effectivement du bon. Ma rencontre avec les co-fondateurs de la startup que j’ai intégrée il y a trois mois a eu lieu dans un café. Après une heure de discussion sur un mode informel, nous étions tous les trois d’accord sur une chose : il fallait qu’on travaille ensemble.
Julie Albet
Responsable de la communication – Brainlinks