Ce billet fait suite à celui publié en novembre 2015 sur les impacts parfois désastreux du digital. Depuis, l’IA est entrée dans nos vies et les fantasmes qui l’accompagnent aussi. Que va-t-il advenir de nos emplois ? De nos modes de vie ? Le Terminator n’est-il qu’un mythe ? Toutes ces questions animent régulièrement nos discussions, mais en attendant, notre vie de tous les jours montre que l’on est encore très loin de tout cela. Je l’ai encore constaté ce matin, comme l’atteste le petit récit suivant.
9h15 : je suis devant les portes de ma banque pour un virement nécessitant – de toute évidence – une validation.
9h45 : voyant que cela s’éternise, ma signature ne ressemblant pas assez à la signature associée à mon compte bancaire, je décide de commander un VTC. Pensant que je n’en ai plus que pour 5 minutes.
9h45 : après avoir appuyé sur le bouton « valider », l’application Marcel m’indique que le chauffeur arrive dans 20mn, ce qui n’était pas indiqué avant. Trop long, je décide d’annuler. La course n’apparaissant pas dans l’onglet « Mes trajets », je décide d’appeler le service client (toujours au guichet de ma banque) qui me dit que je serai facturé de 30% du montant de la course étant donné que la course est dans moins d’une heure….
9h46 : je m’énerve un chouia….
9h47 : le malentendu est dissipé et la course est annulée. Pendant ce temps-là, j’essayer d’imiter ma propre signature devant une personne au guichet aussi perplexe que moi.
9h48 : je commande un Uber. N’ayant pas l’adresse, je la demande à la personne du guichet, qui m’indique le « 45 » de la rue. L’histoire montrera plus tard qu’il s’agissait du 145…
9h53 : le Uber arrive (au 45) et je n’y suis pas. Il m’appelle, assez logiquement, puis m’insulte, ce que je trouve un peu moins logique. Voyant mon trajet s’allonger à vue d’oeil, je lui présente mes excuses pour m’être trompé et lui donne la bonne adresse. Il se calme et me dit qu’il arrive.
9h54 : il m’appelle pour me dire qu’il ne trouve pas car j’ai rentré le 45 dans l’application…. Je lui dit d’utiliser un GPS s’il ne trouve pas…. Il me dit qu’il ne peut pas car j’ai rentré le 45 dans l’application… il finit par me dire qu’il arrive et me raccroche au nez (ce qui n’est certes plus très spectaculaire à l’heure du digital).
9h55 : il m’appelle pour me redemander le numéro de rue. Je lui redonne. Il me dit qu’il arrive. L’histoire montrera qu’il s’agissait en fait du chauffeur de Marcel qui n’avait pas été prévenu de l’annulation.
9h57 : le chauffeur m’appelle pour me dire qu’il est devant la banque. Je sors pour lui dire de m’attendre 5mn (oui je sais, je dis ça depuis 9h45).
9h57 : il m’appelle pour me dire qu’il ne trouve pas………. Je ressors pour lui dire que je ne comprends pas son appel, quand je vois qu’il n’est pas au téléphone. Je comprends que j’ai face à moi le chauffeur Marcel (en Zoé). Je lui dis de partir étant donné que j’ai annulé et que j’attends le chauffeur Uber, à qui j’explique où je suis en même temps au téléphone.
9h57 : une autre personne de la banque me tape sur l’épaule pour me dire qu’il faut en fait que je signe un autre document. Je rentre de nouveau dans la banque et après m’être exécuté… elle me dit que la signature ne ressemble pas à celle associée à mon compte…. On recommence.
9h58 : le chauffeur du Uber s’impatiente et n’arrête pas de m’appeler pendant que je passe mon concours de signature, je lui dis d’attendre.
10h : je finis par rejoindre le chauffeur du Uber qui me dit qu’il vient d’annuler. Je lui demande si je peux monter quand même, il me dit non et s’en va.
10h01 : et si je commandais un nouveau Uber ? Nathanaël viendra finalement me sauver.
14h25 : je reçois un email de Marcel, ma demande d’annulation est finalement bien prise en compte… heureusement que le chauffeur Marcel n’a pas attendu.
17h51 : je reçois un email de la banque, il manque une pièce au dossier pour valider le virement…
Tout ça pour dire quoi ? D’accord, ce n’est pas qu’un problème lié au digital, mais clairement, il rend par certains aspects notre vie bien plus compliquée. Pourquoi ?
Le dialogue humain est faussé par la « vérité » du digital
Un biais énorme que nous adoptons tous est de faire aveuglément confiance à ce qui provient de notre iPhone ou de notre ordinateur. Hors, tout signal numérique vient à la base d’un système conçu par un humain, cela est donc loin d’être infaillible. Comme l’indique Cathy O’Neil dans son livre Weapons of math destruction.
Le digital a plus de pouvoir que les humains
La personne au guichet de ma banque sait que c’est moi puisqu’elle m’a demandé une pièce d’identité. Mon chauffeur Uber sait que ce n’est pas la bonne adresse puisque je lui ai avoué mon erreur. Mais si l’informatique dit autre chose, elle a le pouvoir de bloquer toute opération. A la base, le digital doit aider l’humain à prendre de meilleures décisions mais pas les bloquer, non ?
L’organisation n’est pas à la hauteur des possibilités offertes
Pour ne citer que le problème lié au chauffeur Marcel, on constate bien que les organisations peinent à s’adapter à ce qu’autorise le digital. L’annulation aurait du se faire via l’application mais celle-ci présentait visiblement un dysfonctionnement. La personne du service client n’a pas exécuté manuellement l’action attendue mais une autre action, à savoir un envoi d’email bien trop tardif et une mauvaise (ou une non) communication avec le chauffeur. S’il y a bien une promesse que l’intelligence artificielle a intérêt à tenir, c’est celle favorisant une meilleure coordination entre personnes qui pensent moins vite qu’ils ne tapotent sur leur smartphone ou tablette.
Le digital fait parfois bien les choses
A bien y réfléchir, si je n’avais pas tant eu de problèmes avec mes chauffeurs, la personne de la banque n’aurait pas pu me taper sur l’épaule dans la rue pour que je vienne signer un document indispensable au virement. Ma cause d’énervement devenant finalement un gros coup de chance. Si l’intelligence régissait la société j’aurais juré qu’elle avait réalisé un miracle. En l’occurence c’est peut-être simplement le hasard… ou pas :).
N’hésitez pas à partager vos anecdotes en la matière dans les commentaires. En attendant le « Part 3 » qui ne manquera pas d’arriver 😉