Ecrire un livre est un projet délicat. C’est toujours long, parfois réjouissant, souvent douloureux, et assurément bouleversant. Bouleversant car si vous faites ça un tant soi peu sérieusement et que vous potassez votre sujet, vous ferez des découvertes qui vous feront a minima changer d’avis sur certains sujets, voire changer tout court. C’est un peu ce qui m’est arrivé sur celui-là je crois tant je souhaitais être en accord avec mon sujet.
Je travaille dans le domaine des Ressources Humaines depuis bientôt vingt ans (aïe, ça fait vieux ça… ). D’abord dans le conseil, et depuis une dizaine d’années dans le logiciel. Avec une et une seule obsession : permettre à chacun de révéler son potentiel, ses talents, ce qui le différencie du reste des habitants de la planète. En d’autres termes, trouver ce pour quoi il est fait, et l’aider à le faire.
Au fil des ans, je me suis retrouvé à parler de plus en plus du travail lui-même, des entreprises, de la façon dont elles devraient fonctionner pour aider les personnes qui évoluent en leur sein d’avoir une chance d’aligner ce qu’elles font avec qui elles sont, et ainsi être davantage sur leur chemin de vie. Sûrement parce que tout autour de moi, je n’ai vu que des gens avec la boule au ventre le dimanche soir, et ne vivre à peu près tranquillement qu’en vacances. Et encore, sur trois semaines, on pouvait clairement voir durant la dernière semaine les visages commencer à se crisper et les pensées s’assombrir… On est bien loin du « thanks god it’s monday » de Gary Vaynerchuk.
C’est en 2016 que la volonté d’écrire un livre sur le futur du travail s’est vraiment manifestée. Le moment où l’on démarre la rédaction d’un nouveau livre intervient quand la frustration de ne pas pouvoir pleinement développer ses idées est supérieure aux sacrifices que cela va demander (expérience acquise suite à mes deux premiers bouquins…). Le sujet du futur du travail n’était pas follement original (il y a au moins aujourd’hui une cinquantaine de livres traitant de ce sujet), mais comme chacun des auteurs ayant abordé la question, je voulais présenter ma vision des choses, mon prisme personnel. J’ai ainsi commencé à travailler à un projet intitulé « Travailler, demain ». Je suis parti cinq jours tout seul fait un tour de moto en Toscane dans l’espoir de revenir avec un plan qui tient la route et quelques chapitres, ce que j’ai à peu près réussi à faire entre deux verres de Montepulciano.
Dans le même temps, je constatais à quel point il est difficile pour les personnes évoluant en entreprise, qu’il s’agisse des collaborateurs ou des managers, de répondre aux injonctions à la mode du type : « Soyez transparents » ; « collaborez davantage » ; « oubliez l’autorité, faites vivre votre influence » ; …. Tout ça est bien gentil, mais on fait comment ? On nous a juste appris tout l’inverse à l’école. Et ce n’est pas les études secondaires qui changent la donne, au contraire. Nous vivons dans un monde ultra-compétitif où règne le chacun pour soi, et il nous faudrait tout d’un coup la jouer façon « La petite maison dans la prairie » ? Je n’arrêtais pas de me dire que les problèmes du marché du travail prenaient leur source à l’école, et que c’est probablement ce à quoi il fallait s’attaquer. Sans quoi le changement serait, si ce n’est impossible, pour le moins très très long.
Et peu à peu, j’ai commencé à parler d’éducation dans le livre, modifiant peu à peu le plan, m’intéressant de plus en plus à toutes ces initiatives qui fleurissent autour de ces écoles dites alternatives. De Prince EA à Michael Moore en passant par tout ce qui touchait aux méthodes de Singapour ou de Finlande, je me suis fait mon idée. On est en 2017. Et en cette fin d’année, je passe une semaine à l’Université de la Singularité, à San José, en compagnie de Ray Kurzwzeil et consort, à réaliser que les technologies exponentielles allaient tout changer. Tout. En bien ? En mal ? Visiblement, ils ne se posent pas tellement la question. Mais je me dis que la balle est encore dans notre camp, je ne sais pas pour combien de temps encore… alors autant se poser la question maintenant !
Je tenais mon titre, je tenais mon livre. Au revoir « Travailler, demain ». Dans l’avion du retour, je modifie intégralement mon plan et me remet à l’ouvrage. Entre le réveillon du nouvel an et le 11 mai, date de remise de mon manuscrit à mon éditrice, je suis sorti quatre fois. Pas de soirée, pas de week-end, juste des recherches et de l’écriture. J’ai du visionné 200 vidéos sur Youtube, lu une cinquantaine de livres, compulsé un nombre d’articles invraisemblable. Emmerdé une bonne dizaine de personnes avec mes relectures et mes questions en tous genres aussi. Et revu une bonne vingtaine de films que je souhaitais utiliser en guise de références, d’illustrations, plutôt que de me référer à ces quelques auteurs dont tout le monde se revendique. Car après tout, la pop-culture a bercé l’enfance de tant d’entre nous qu’elle constitue un langage commun dont il serait dommage de se priver.
Je suis actuellement dans l’attente du jour de la sortie (le 3 octobre pour ceux que ça intéresse), un peu comme un gamin à la veille de la rentrée. Ce livre est plus qu’un livre pour moi : c’est tout simplement un projet de société, la société dans laquelle j’aimerais évoluer demain et que j’aimerais – à la hauteur de mes moyens – contribuer à bâtir. Alors forcément il y a beaucoup de choses dans cette attente, de l’espoir, du stress. Mais surtout de l’espoir en fait, celui qu’il touche suffisamment de gens pour faire bouger les choses, ne serait-ce que de quelques pas. Quoi qu’il en soit, la suite reste à écrire. J’ai hâte !