Toute les initiatives de gestion des talents visent à identifier et développer les talents, mais une question se pose : peut-on être pénalisé par son talent ? Je me suis posé cette question en regardant un reportage sur les guépards, et voici ce que ce reportage m’a inspiré :
Le complexe du guépard
Le guépard est considéré comme l’animal le plus rapide du monde avec des pointes pouvant atteindre 110 km/h. Il tire son talent de sprinter d’une allure svelte et fine. Si son poids très léger lui procure cet avantage unique sur les autres félins, tels que les lions ou les léopards, le guépard manque cruellement de puissance !
Pour chasser, il doit tout miser sur la fugacité de ses attaques et l’effet de surprise car il peut facilement finir par se faire attaquer par sa propre proie. Sa fragilité et sa légèreté le rendent nettement moins impressionnant que les autres félins, et il peut ainsi se faire voler sa proie par des hyènes ou des vautours. En résumé, il doit tout miser sur sa rapidité car il n’a pas beaucoup d’autres options….
Le guépard est une bonne illustration du fait que l’on peut être pénalisé par son propre talent. Le talent du guépard vient de sa légèreté, mais cette légèreté le rend plus fragile que les autres et finit pas se retourner contre lui…. La leçon donnée par le guépard est qu’il faut tout miser sur ses forces plutôt que tenter d’améliorer ses faiblesses, puisqu’en l’occurrence le guépard ne sera jamais aussi puissant que le lion ! A-t-on seulement une autre alternative que celle de jouer avec nos qualités ?
On finit pas s’habituer à l’extraordinaire
Une personne talentueuse peut également être pénalisée parce que les autres prennent l’habitude de ses exploits ! Michael Jordan mettait en moyenne trente points par match durant la majeure partie de sa carrière. Les rares soirs où il ne mettait que 20 points, ce qui est déjà largement supérieur à 80% des joueurs de NBA, les commentateurs avaient des sorties du type : « Je ne sais pas ce qu’il a ce soir, il n’a pas l’air dans son assiette… ». En revanche, quand il mettait ses 30 points, tout le monde finissait par trouver cela normal, et il fallait qu’il en mette 40 pour que les commentateurs s’extasient de nouveau.
Les gens s’habituent vite aux exploits, à l’exceptionnel, en considérant que c’est « normal » compte-tenu du talent de la personne. Du coup, le niveau d’exigence est sans cesse rehaussé, ce qui permet certes de ne pas s’endormir sur ses lauriers mais peut devenir aussi relativement frustrant pour la personne concernée.
Gare aux jalousies
Souvenez-vous du premier de la classe qui avait une meilleure note que vous en travaillant moins ? Vous le couvriez de louanges et le félicitez pour sa grande intelligence ? Ou le traitiez-vous de « tête d’ampoule » ? Les talents de l’entreprise peuvent également faire l’objet de jalousies diverses et variées, déjà en faisant l’objet de traitements particuliers :
- Promotion ne tenant pas forcément compte de l’ancienneté,
- Programme de développement spécifique,
- Reconnaissance des managers,
- Et tout simplement l’envie de jouir des mêmes qualités, des mêmes avantages, du même talent….
D’où l’enjeu, dans l’intérêt commun des personnes jugées talentueuses et de ceux dont le talent ne demande qu’à être repéré, de bien mettre en évidence les critères talent de l’entreprise ! Ce faisant, cela permet à l’ensemble de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un traitement de faveur ou d’être le « chouchou » de la classe, mais simplement de correspondre à ce que l’entreprise attend en termes de compétences, de comportements, de valeurs, etc.
En conclusion, mieux vaut se concentrer sur ses talents et n’avoir de cesse de les développer, sans s’attarder sur l’inutile, et en en faisant profiter les autres quand cela est possible 😉
Merci Alexandre pour cette illustration originale. Je rejoins tout à fait la proposition relative à l’explicitation des critères de talents/compétences et je rajouterai à leur évaluation qui doit être tout aussi transparente et objective (un vrai challenge managérial dans lequel les responsables RH ont un rôle important à jouer.
Tout ceci favorise effectivement la compréhension des besoins et des attentes de l’entreprise, la confiance et le dialogue.
Si on y ajoute une gestion qualitative et en dynamique sur les axes de la formation, de la mobilité, des rémunérations… les entreprises et les salariés convergent dans leurs intérêts communs et respectifs, quel que soit le terme de la collaboration.
Grrrrrrrrrrrrr !
L’excellent exemple du guépard peut amener une autre question : peut-on développer sérieusement plus d’un talent ?
La guépard est taillé pour la course et tout chez lui est orienté vers cette aptitude extraordinaire : ses muscles, ses os légers, ses pattes fines mais solides pour faire des croches-pattes à ses proies dans la course, ses griffes non rétractiles et non crochues pour une meilleure adhérence, etc.
La vulnérabilité du guépard ne vient-elle pas du caractère monomaniaque de son talent et de son impossibilité à développer une autre compétence ?
Un talent exacerbé comme celui du guépard (il est champion du monde de vitesse depuis des siècles !) ne peut-il pas être un frein à sa propre survie ?
Conclusion : focaliser vos énergies sur VOS talentS ?
Salut Marie-Pierre.
Toi, je sens que tu as quelques recommandations pour les guépards ! 😉
A bientôt et merci pour ton commentaire.
Alex
Salut Thomas.
Tu as raison, j’aurais du dire « ses talents ». Je pense vraiment que l’on peut avoir du talent dans des domaines assez différents.
Cela semble en tout cas être l’avis de la majorité des français qui plébiscitent chaque année Yannick Noak, qui a gagné Roland-Garros et qui remplit maintenant le Stade de France en chantant !
Perso, j’étais plutôt admiratif de Dennis Hopper qui en plus d’être un incroyable acteur, était aussi un très bon peintre.
Merci pour le commentaire et bonne journée 😉
Alex
Bonjour Alexandre. Pénalisé par son talent ? Je te rejoins en partie seulement sur ta conclusion. En effet, je pense que l’on peut faire un effort sur ses faiblesses en essayant de les niveler. D’abord car les jalousies vont naître dans la mise en avant de ces faiblesses afin de dénaturer l’expression du talent. Ensuite car cela peut nous rendre plus sympathique de démontrer aux autres que l’on a conscience de certaines faiblesses, voire de leur demander un avis quand nos faiblesses sont justement les talents des autres. Par rapport à ta conclusion, que je comprends dans le sens « cultivons notre talent sans subir les facteurs exogènes qui pourraient nous amener à ne pas l’exprimer », j’aurais tendance à insister sur le fait de chercher à compenser ses faiblesses. Deux écoles peuvent s’affronter : compenser ses faiblesses par une utilisation accrue de ses qualités… ou travailler sur ses faiblesses pour les niveler par rapport aux autres. Prenons l’exmple du boxeur Tyson : son talent était d’être un redoutable puncher avec une rapidité d’enchainements. Sa faiblesse était sa petite taille qui l’empêchait d’approcher les boxeurs avec plus d’allonge de sa catégorie. Pour compenser, il a développé et travaillé ses esquives de façon à pouvoir entrer dans la distance de ses adversaires et ainsi exprimer son talent. Idem en entreprise, lorsque l’on prend le temps de travailler ses faiblesses, on va peut être alors développer de nouveaux talents, et aussi montrer que l’on n’est pas qu’une bête de chiffres par exemple, mais que l’on a du recul sur soi et une volonté de progresser. En travaillant sur ses faiblesses, loin de s’exposer aux critiques des autres, on démontre une certaine capacité à travailler en équipe, puisque sinon, notre talent nous suffirait bien à nous mêmes.
Merci encore pour cet excellent article !
Jérôme
Salut Jérôme.
Merci pour cette belle illustration.
C’est vrai, il y a deux écoles ! (désolé JN ;).
L’exemple de Tyson est pertinent ! Mais je crois que le travail sur les faiblesses que tu évoques visait à mon avis simplement à lui permettre de tirer profit de ses forces, plutôt que de les voir inhibées à cause de sa petite taille.
Je suis impatient d’avoir d’autres illustrations dans d’autres commentaires 😉
Alex
J’adooore la comparaison !!!
Mais le plus souvent les collaborateurs ne connaissent pas bien leurs vrais atouts. ce qui est répendu c’est de faire des feeds back sur les axes d’amélioration…mais on voit moins souvent des retours sur les forces d’un collaborateur. On va parler des ces exploits dès qu’ils sont visibles mais pour atteindre les objectifs ou bien pour les dépasser il a souvent fallu un certain nombre d’interventions et de décisions favorables à cela !!!
Pour faire des feeds back aussi fins que les vrais atouts d’un colllaborateur il faut nécessairement le connaitre parfaitement…A-t-on le temps pour cela ?
Personnellement, je pense que les personnes talentueuses se remarquent. Encore faut-il effectivement avoir l’occasion d’interagir avec elle à un moment ou à un autre…. Tout l’enjeu des logiciels de gestion des talents tels que nous pouvons le proposer est de permettre à ceux qui identifient des talents de partager l’information ! D’où la nécessité de jouer avec tous les mécanismes 2.0 qui permettent de favoriser l’adoption de l’outil auprès des collaborateurs et managers, sans quoi l’info en question aura moins de chances d’être partagée….
Merci pour ton commentaire Louise.
Bonjour,
J’aime beaucoup cet exemple. J’ai l’habitude de dire que nous avons les qualités de nos défauts et les défauts de nos qualités.
Ceci a plusieurs utilités : tout d’abord, dans une situation managériale où nous devons émettre une critique comportementale envers un collaborateur, on peut pointer que son « défaut » n’est qu’une façade d’un talent. Inversement, lorsque nous sommes gratifiés pour nos talents, gardons en mémoire que l’équilibre est fragile et que la tendance peut facilement s’inverser. Cela nous rappelle à rester humble.
Au final, nous sommes tous porteurs de « caractéristiques » propres, et que la façon dont nous allons les utiliser au sein de notre environnement en feront tantôt des forces et des talents, tantôt des faiblesses. Je ne sais plus qui disait : « on ne réussit pas parce qu’on a du talent, on réussit parce qu’on met en place les conditions nécessaires pour que le talent puisse s’exprimer ».
Nous ne sommes donc pas Dieu (Tout-Puissant), mais nous sommes les seuls acteurs de notre destinée ^^
Noé, merci pour cette lueur socio-philosophique !
Je vous rejoins tout à fait sur votre appréhension de la notion de talent, qui est éminemment contextuelle !
On peut être le quidam d’hier et la star de demain, il suffit pour cela d’un changement dans l’écosystème : changement de stratégie, réorganisation, modification majeur de l’écosystème, etc.
Une fois encore, on comprend tout l’apport des managers de proximité dans les problématiques de gestion des talents puisque c’est sur eux que repose essentiellement aujourd’hui la création des conditions permettant aux talents de s’exprimer !
A bientôt.
Alex
Félicitations Alex pour ce merveilleux sujet! La nature est souvent notre meilleur maître… J’ai bâti mon projet d’affaires sur la créativité. J’ai développé, il me semble plusieurs atouts. Vous pouvez en juger vous-mêmes par la page Parlons pêche de mon site web. J’ai beau m’identifier à un héron bleu et faire preuve de stratégie, face à mon environnement, je me sens comme un guépard… En difficulté à faire un pas qui donnerait plus de stabilité à mes activités professionnelles, je suis confronté non pas à une problématique forces-faiblesses mais créativité, originalité et conformité. J’ai passé quelques entrevues d’embauche au cours des dernières années et le talent que j’ai développé apparaît souvent suspect aux recruteurs. Ils se font une idée du poste sans imaginer que la tâche pourrait tout aussi bien être exécutée en s’y prenant autrement, possiblement par une personne responsable qui n’aurait pas à se conformer à toutes les exigences d’une hiérarchie d’un autre temps. L’innovation, c’est bien connu provient souvent de l’imitation de la nature qui réalise les choses plus simplement. Avec le développement de l’économie verte, est-ce que les services des ressources humaines pourraient se tourner davantage vers la nature? Vive les guépard! Vive les Hérons bleus!
Un exemple concret issu du sport de haut niveau : Yoann Gourcuff.
Un talent lumineux à Bordeaux dirigé par Laurent Blanc, un talent fantomatique à Lyon dirigé par Claude Puel. Pourtant, il s’agit du même homme, simplement dans un contexte et un environnement différent.
Mais si on reprend l’exemple du guépard, peut-être un de ses coachs mettait en avant et utilisait sa vitesse, pendant que l’autre pointait avant tout sa légèreté.
Et effectivement, ici le management de proximité prend tout son sens. les 2 coachs parlent de la même chose, mais sous un angle de vue différent :
– dans un cas on se focalise sur les défauts : on demande donc un changement, soit un reniement de soi, générant systématiquement un mécanisme d’auto-défense (« pourquoi devrais-je changer parce qu’on me le demande ? pourquoi ne m’accepte-t-on pas comme je suis ? Je ne génère pas de confiance ? On ne veut donc pas de moi… »)
– dans un deuxième cas on cherche à développer le talent, à développer la compétence, à générer de l’optimisme et de la confiance en soi(« je dois m’améliorer pour être encore meilleur et mieux exprimer mon talent, mieux exprimer ma propre personnalité, je m’épanouie »)
D’autant plus que, une nouvelle fois, on parle exactement de la même chose, mais sous un angle de vue différent.
Bon, après, y’en a qui ne seront jamais fait pour jouer au football ^^
très bon exemple indeed !
merci
J’ai quand meme tendance a me dire que dans un monde qui change à une vitesse tout simplement hallucinante, se baser sur quelques talents, c’est un peu se mettre une balle dans le pied. Même si le talent c’est aussi de savoir anticiper les changements et de s’y adapter (ou non, tant que c’est fait sciemment).
Mais je trouve de toute façon le monde (du travail en particulier) assez schizophrène : on recherche des spécialistes, mais en même temps des gens qui savent être polyvalents ou qui seront apte a évoluer sur des postes / Métiers / missions / … différents de leur coeur de métier.