J’ai récemment participé à plusieurs débats, tables rondes et autres interventions traitant de l’évolution du métier de RH face à l’avènement de toutes les tendances actuelles : MOOC, social recruiting, social recognition, etc.
Lors de tous ces évènements est survenue à un moment ou à un autre la question de l’évolution de la fonction RH face à toutes ces évolutions : quel impact sur le rôle des RH, leurs pratiques, voir même pour les plus anxieux leur raison-d’être ?
En effet, s’il est aujourd’hui possible grâce à l’e-learning, et en particulier grâce aux MOOC, de se former de façon autonome comme bon nous semble, quel est le rôle des responsables de formation au sein de l’entreprise ? Certainement plus de passer une partie de l’année à constituer un plan de formation, majoritairement composé de formations présentielles, et l’autre partie de l’année à s’assurer que chacun s’inscrira et ira bien suivre les formations préconisées.
De la même manière, si grâce – ou à cause – des sytèmes d’e-recrutement et des médias sociaux tout le monde peut maintenant être impliqué dans le processus de recrutement, des managers aux collaborateurs en passant par les contacts de ces derniers, quel est le rôle des recruteurs ? Et avec eux des cabinets de recrutement ?
Par ailleurs, chacun d’entre nous a pris l’habitude de donner son avis sur les films que l’on voit, les livres qu’on lit, etc., grâce au mécanisme d’évaluation à étoiles popularisé par des Amazon et autres Allociné. Il nous est peu à peu demandé de donner notre avis sur nos pairs, à l’instar de ce que l’on faisait dans le cadre des évaluations dites à 360°, sur des sites comme Linkedin ou Globoforce. On peut même évaluer les entreprises comme on évaluerait un restaurant sur le site Glassdoor. Que va valoir l’avis d’un manager concernant un collaborateur quand des dizaines de personnes auront émis un avis à son sujet ? Comment les RH vont-elles alors traiter et pondérer les résultats des entretiens annuels d’évaluation ?
Et au-delà de l’évolution de la fonction RH, c’est le rôle et l’importance des rencontres dans la vie réelle (ou IRL pour In Real Life) qui sont remises en cause. Lors de chaque évènement, il y a toujours une personne dans l’assemblée pour poser une question du type : « Pensez-vous que les rencontres physiques sont amenées à disparaître au profit d’échanges numériques ? ». Avec comme classique illustration, la question : « Les MOOC vont-ils tuer l’enseignement tel qu’on le connaît aujourd’hui ? ».
Loin de « tuer » les rencontres dans la vie réelle, je pense que toutes ces évolutions vont au contraire améliorer les interactions que l’on peut nourrir lors de rencontres physiques. Imaginez des étudiants qui ne viendraient plus en cours en amphithéâtre pour prendre des notes dictées par un professeur, mais pour lui poser des questions sur la base des informations qu’ils ont recueilli au préalable ?
Imaginez un recruteur qui ne demanderait plus, le CV à la main, d’où vient le candidat, ce qu’il a fait, quelles compétences il a développé, mais chercherait à le connaître davantage pour mieux comprendre ses aspirations et intentions profondes, et savoir si son ADN est compatible avec celui de l’entreprise ? Et un candidat qui saurait « déjà tout » de l’entreprise et qui utiliserait son temps de parole pour poser des questions essentielles pour faire son choix ?
Dans le même ordre d’idées, imaginez un manager qui n’évaluerait pas un collaborateur en se basant sur des « on dit » et sur le seul projet sur lequel il l’a vu à l’oeuvre, mais qui s’appuierait sur le feedback de l’ensemble des personnes avec lesquelles ce collaborateur à interagit ? Et qui tirerait profit de l’entretien annuel d’évaluation pour aller plus loin, et réfléchir avec ce dernier à la meilleure façon de le développer au sein de l’entreprise ?
En fait, les moyens digitaux dont nous disposons aujourd’hui ne visent pas à se substituer au réel mais à le compléter, l’améliorer, l’augmenter. Il s’agit en fait d’optimiser le temps passé ensemble, qu’il s’agisse d’un élève avec son professeur, d’un candidat avec un recruteur, d’un collaborateur avec son manager, en faisant l’économie du recueil d’informations déjà disponibles sur le Web. Le temps ainsi gagné doit être consacré à faire ce qui ne peut être fait que lors d’une rencontre physique : nouer une relation transparente, directe, grâce à un échange bénéficiant des signaux comportementaux, de l’ambiance dans laquelle s’effectue la discussion, etc. Le numérique, loin de tuer le « réel », est au contraire là pour le préparer !
Et puis, juste pour rigoler, on pourra se demander après avoir vu le film « Her » ce qu’est vraiment la « vie réelle » à laquelle l’acronyme IRL fait allusion ;).