Un article très intéressant dans une édition du Monde de la semaine dernière explique comment la vague du numérique a bouleversé les formations artistiques.
Ce qui est expliqué me semble tout à fait transposable à l’entreprise, quelle que soit l’industrie considérée, et me laisse à penser qu’une compétence clé vient rejoindre les rangs des sempiternels savoir-faire et autres savoir-être : le savoir-apprendre. Voici quelques réflexions à ce sujet.
Embrasser plutôt que lutter
Tres clairement, le bouillonnement est tel dans tous les secteurs d’activité qu’il est nécessaire de faire preuve d’une grande réactivité, d’adaptabilité, de souplesse, afin de faire face à des situations perpétuellement changeantes. Ce qui signifie qu’être le « meilleur » dans son domaine est aujourd’hui vain sans capacité à prendre du recul, comprendre les évolutions de son domaine de prédilection, se remettre en cause et réajuster en permanence les conditions de déploiement de ses talents.
Ce qui est intéressant est que cela s’avère autant au niveau individuel qu’au niveau d’une entreprise toute entière. On pense évidemment aux maisons de disque, aux groupes hôteliers, aux assureurs ou aux compagnies de taxi faisant face à des Spotify, AirBnB ou Uber, des acteurs historiques du métier face à des nouveaux entrants venus de la technologie. Comprendre les mutations en cours est une opportunité, vouloir les endiguer revient à signer son arrêt de mort…
Au niveau individuel, je pense souvent au talent d’orateur. Vous pouvez certes avoir des convictions à partager et un certain talent pour communiquer, mais si vous n’êtes pas aujourd’hui capable de délivrer quelques messages forts qui tiennent en 140 caractères, votre « audimat » sur Twitter ne sera pas au rendez-vous… Et votre intervention ne sera pas relayée, et donc vite oubliée. Il vous faut donc dorénavant développer une nouvelle compétence : empaqueteur express.
Vous déplorez cette évolution ? Dommage, car le monde évoluera quand même, avec ou sans votre approbation ;).
Accompagner plutôt que transmettre
Dans le meme ordre d’idées, étant donné que toute connaissance technique apprise vous donnera au mieux un an d’autonomie, il est grand temps de repenser la notion de formation.
Se faire former reste utile, mais le rôle des formateurs doit davantage être d’apprendre à apprendre plutôt que de transmettre un consommable prêt à l’emploi, car celui-ci sera vite périmé. Si vous avez besoin d’une information afin de répondre à un problème opérationnel, vous savez qu’elle est disponible sur le Web. Le challenge reste néanmoins parfois de la trouver. Apprendre à chercher devient donc une compétence clé.
Si vous voulez acquérir une connaissance, vous savez que tous les supports dont vous pourriez avoir besoin sont également disponibles. En revanche apprendre à mettre les savoirs théoriques proposés en pratique sera – par définition – plus difficilement expliquable au travers d’une vidéo où d’un article. Or c’est bien cet accompagnement pratique qui permet de faire passer une information au rang de connaissance, d’où le succès jamais démenti du compagnonnage comme ultime forme d’apprentissage.
Apprendre à chercher l’information, apprendre à actionner des savoirs, voilà les enjeux de la formation de demain. Ce qui revient une nouvelle fois à faire passer l’apprenant d’une posture de consommateur à une posture d’acteur. Les formateurs sont-ils prêts à leur tour à développer les compétences qui leur permettront de passer de celui qui transmet à celui qui accompagne ? Affaire à suivre…
Revenir aux fondamentaux plutôt que surfer sur les tendances
Cette assertion peut d’abord sembler contradictoire avec la première. Mais dans un monde ou l’obsolescence est reine, tous domaines confondus, la seule chose qui ne change pas ce sont les fondamentaux du domaine, faisant ainsi office de phares dans la tempête.
Dans le domaine de la couture, de nouveaux logiciels ont beau apparaître tous les jours avec leur lot de compétences à développer en conséquence, certaines règles sont immuables. « Je ne peux pas faire n’importe quoi avec une ligne d’épaule, avec l’echancrure d’un col ou la coupe d’un pantalon sous prétexte que j’utilise un logiciel » explique un étudiant.
Il en est de meme dans le sport. Les plus grands basketteurs, avant de devenir les égéries des grands équipementiers et de faire des dunks renversés les yeux bandés au All-Star game, ont d’abord des bases extrêmement solides apprises a l’université.
Alors plutôt que de pénaliser un candidat qui ne sait pas utiliser tel ou tel logiciel, qui n’a pas deja utilisé telle ou telle technique, demandez-vous d’abord s’il comprend les enjeux essentiels relatifs au poste visé et s’il en maîtrise les fondamentaux.
Nul doute que la curiosité, l’envie et la capacité à prendre des risques font aussi partie du panier du succès. Parés pour l’aventure ? 😉