J’ai lancé volontairement dans le dernier post une petite question pouvant prêter à polémique : existe-t-il des individus qui n’aient pas de talent ou de don particulier, et si oui, comment doit-on les manager ?
Il y a deux approches fondamentales autour de la notion de talent. La première approche est plutôt « élitiste » et sous-tend que certaines personnes occupent ou pourraient occuper des postes à fortes responsabilités, forts enjeux, et d’autres non. La gestion des talents consiste alors à manager de façon privilégiée ces quelques « élus ». Dans cette approche, les « non-talents » existent !La deuxième approche est plus « humaniste » et affirme que tout le monde, sans exception, a du talent mais que tout le monde n’a pas la possibilité, la chance ou l’opportunité de le révéler, voire même d’en prendre conscience ! Je dis que cette approche est plus humaniste car elle vise à révéler le potentiel de chacun dans une logique d’épanouissement personnel. La gestion des talents consiste alors à identifier le talent de chacun et à le développer, dans l’intérêt conjoint de l’individu et de l’entreprise.
L’objet de ce post n’est pas de savoir laquelle est « la bonne », mais plutôt de constater que les deux approches ont cours au sein de l’entreprise, en fonction de leur taille, leur organisation, leur culture, etc. Elles soulèvent les mêmes questions : quel mode de management l’entreprise doit adopter et quelles actions elle doit proposer aux personnes qu’elle n’a pas identifiées comme « talentueuses », qu’il s’agisse de 80% des effectifs de l’entreprise ou de 20%.
En effet, on parle sans cesse de tout ce qu’il faut faire pour les talents de l’entreprise. Est-ce que cela veut dire qu’il ne faut rien faire pour les autres ?
Je suis personnellement convaincu qu’il existe un « chemin » unifiant ces deux approches consistant à se poser les deux questions suivantes :
- Comment développer au mieux les collaborateurs dont on a décelé un talent particulier ?
- Comment détecter les talents potentiels que l’on n’a pas encore identifiés ?
La question n’est alors plus tant de s’occuper de quelques élus, mais plutôt de proposer un programme de développement pour ceux dont on a détecté un talent particulier, et de mettre en œuvre une démarche continue d’identification des talents pour déceler le talent des autres.
Un programme de développement des talents passe par des actions de formation, mentoring ou coaching, des actions de mobilité visant à proposer régulièrement des opportunités de carrière à l’individu, des actions de rémunération visant à valoriser ses performances, mais aussi des actions d’aménagement de conditions de travail adaptées, etc.
Si ce programme vise à offrir à moyen ou long terme un poste de directeur général d’une entreprise de 50000 collaborateurs, tant mieux pour lui, on est alors plutôt dans la première approche. Mais s’il s’agit de le développer pour l’aider à devenir responsable des services généraux de cette même entreprise c’est aussi bien, tant que cette fonction lui permet de mobiliser pleinement son talent !
Si vous « tiquez » à la lecture de cette dernière phrase, c’est que vous pensez probablement consciemment ou non qu’il y a des activités plus nobles que d’autres, et la notion de talent ne peut alors vraiment s’appliquer qu’à ses nobles activités. Je pense personnellement qu’il y a des activités plus visibles que d’autres, et que l’on a l’habitude de faire porter la notion de talent sur ces activités visibles. Mais cette visibilité est liée à plein d’éléments qui n’ont rien à voir avec le talent, des effets de mode, des besoins conjoncturels, etc.
J’ai un ami cuisinier dont la famille a souvent considéré qu’il était regrettable qu’il n’ait pas passé son bac et suivi une scolarité « normale ». Il a choisi cette filière en 3ème car il était doué pour cela. Depuis l’émission « Top chef », sa famille ne jure que par lui et reconnaît enfin son talent…. La reconnaissance de son talent est ici bien liée à un effet de mode, pourtant son talent lui a toujours été là.
En revanche, il est certain que certains ont un talent ou un don qu’ils ne peuvent exprimer au sein de l’entreprise car il ne se rapporte pas aux activités de leur entreprise ou aux activités de leur emploi. Si l’on se ramène à mon exemple précédent, à moins de devenir chef du restaurant interne de l’entreprise, l’ami en question n’aurait probablement pas pu exercer son talent de cuisinier.
La question est alors de savoir ce que l’entreprise aurait pu ou du lui proposer s’il n’avait pas fait cuisinier et qu’il avait suivi une filière plus traditionnelle…. Peut-être aurait-il révélé un autre talent, peut-être pas…
Hyper d’accord avec ça
« Je pense personnellement qu’il y a des activités plus visibles que d’autres, et que l’on a l’habitude de faire porter la notion de talent sur ces activités visibles »
les personnes « visiblement talentueuses » sont un feu de paille sans des équipiers « travailleurs de l’ombre », dont les talents principaux talents tournent autour de la rigueur et de la loyauté.
deux petits commentaires, en ligne avec ton argumentation.
1. on est passés en quelques années de la gestion des compétences à la gestion des talents. Problème : une compétence, c’est quelque chose que chacun peut assimiler avec les bonnes formations. Un talent, ça donne effectivement l’idée que c’est de l’ordre de l’inné. Et du coup, le risque comme tu l’as souligné c’est l’entreprise à 2 vitesses, avec des situations managériales pas faciles à gérer. Tu as intérêt à ce que tes managers soient eux-mêmes des talents!
2. j’ai entendu un jour quelqu’un dire : « gérer les talents, c’est facile. C’est gérer ceux qui n’ont pas de talent qui est compliqué ». Les hauts potentiels se gèrent tout seul : ils n’ont pas besoin de formation, ils ont des évaluations toujours excellentes, leur carrière est toute tracée, etc. Conclusion : les programmes RH devraient être consacrés à 90% aux autres collaborateurs… et c’est exactement l’inverse de ce qu’on observe dans les entreprises…
Une possible définition de la notion de talent pourrait être une aptitude particulière et naturelle dont dispose un individu, qui, lorsqu’il exerce son talent, prend du plaisir sans que cela ne lui coûte beaucoup d’effort. Lorsqu’un individu exerce pleinement son talent, il est donc épanoui, motivé, engagé.
Reste donc à concilier talent et besoin de l’entreprise… ça se complique ? Je crois que non, si la gestion des talents s’exerce à tous les niveaux de l’entreprise, en commençant par le management de proximité.
J’ai discuté il y a peu de temps avec un ami qui a pris le management d’une équipe de 4 personnes, toutes ayant le même périmètre et les mêmes responsabilités. Lorsqu’il a pris cette équipe, il a constaté un manque de motivation, un certain renoncement de la part des 4 personnes, qui d’ailleurs n’étaient pas occupées à 100% de leur temps mais faisaient du « présentéisme ».
Or il a aussi constaté que chacun avait des aptitudes particulières et complémentaires, comme par exemple la facilité à analyser des indicateurs, la capacité à imaginer des process… Très rapidement, il a demandé à chacune des personnes qu’elle réfléchisse aux questions suivantes: « dans quel type de tâche prends-tu du plaisir ? Comment, à ton sens pourrais-tu exercer pleinement ton talent dans l’équipe ? Par rapport aux enjeux de l’équipe dans l’entreprise, quel projet pourrais-tu gérer ? De quel type d’accompagnement aurais-tu besoin ? »
Il les a accompagnées pour répondre à ces questions puis il a partiellement réorganisé le travail, a confié des responsabilités transversales à chacun, a mis en place des plans personnels de développement… tout cela en lien avec les objectifs quanti/quali du périmètre global.
Immédiatement il a constaté des effets positifs sur la motivation et l’engagement, puis sur les résultats quantitatifs du périmètre (pourtant resté le même).
Cette anecdote me parait intéressante car elle illustre bien je crois le lien entre gestion des talents / management et performance. Elle introduit aussi la notion de « liberté » (mon ami manager a eu la liberté de faire ce qui lui semblait juste, la liberté d’autoriser ses collaborateurs à se projeter).
Reste à savoir comment, à plus long terme, les talents peuvent se concilier avec les futurs besoins de l’entreprise, sur quels postes… d’où l’utilité pour les RH de disposer des bons outils de gestion des talents 😉
A mon sens il n’existe donc pas de « non-talent », chacun dispose d’aptitudes particulières, la difficulté réside dans l’identification puis la mise en perspective avec les besoins de l’entreprise.
Concernant les feux de paille je ne sais pas, mais il est certain que Jordan n’aurait jamais été le Jordan que l’on a connu sans Scottie Pippen et Horace Grant 😉 Ton post va constituer une très bonne transition avec le « Part 2 », merci !
Très juste, merci pour l’input et la citation ! A bientôt j’espère
Merci pour l’anecdote qui constitue une parfaite illustration de ce que j’appelle les « talents potentiels »! Concernant l’existence ou non des talents, à suivre dans le « Part 2 » ;).