Bouillon de talent #2 avec Anthony Poncier

Un article par mois dans la rubrique Bouillon de Talent ! Après l’interview de Jean-Noël Chaintreuil, en charge des RH chez Air Liquide, c’est au tour d’Antony Poncier, Directeur/consultant chez USEO en management et entreprise 2.0, de répondre aux 10 questions pour ce deuxième épisode 🙂

1. Plutôt gestion des compétences ou management des talents ?

Au regard du titre de ton blog, il faut forcément dire, management des talents. C’est marrant d’ailleurs car dans un cas tu mets « gestion », il y a un côté administratif. Alors qu’avec « management » on retrouve le triangle du management (collaborateur, manager, RH) et donc un côté plus proactif et interactif.

Après la différence pour moi est qu’on acquiert des compétences et on développe des talents. Si on les développe, c’est qu’on les possède déjà, même si on l’ignore. Mais bon pour moi le mot « talents » est plus ouvert que « compétences », qui renvoie vers une grille et moins vers un parcours, un cheminement. Bref un espace à construire, voir co-construire si c’est bien fait pour les talents.

2. Qu’est-ce que le talent pour toi ?

Le talent s’est une somme d’aptitudes naturelles plus ou moins développées, qui parfois confinent au génie.

D’ailleurs pour paraphraser Sacha Guitry : « Ayez du talent, on vous reconnaîtra peut-être du génie. Ayez du génie, on ne vous reconnaîtra jamais du talent ».

Finalement chacun possède des talents. Au final, sans doute que l’esprit d’adaptation est le talent à avoir, car il peut faire croire que vous possédez tous les talents qu’on attend de vous.

3. Cite nous une personne publique que tu considères comme un talent et pourquoi ?

Trop compliqué pour moi de me limiter à une personne, alors je vais mettre en avant un talent qui peut aller à plusieurs personnes publiques (désolé je triche). Savoir raconter une histoire, être un conteur. Quelqu’un qui donne du sens, qui énergise les autres, qui mobilise et entraîne. Mais surtout qui donne du rêve.

Je dois être prisonnier de mon temps le story-telling ayant le vent en poupe ces dernières années, même si je me souviens avoir déposé un nom de domaine il y a 10 ans de cela, qui était storyteller…

4. Pourquoi parle-t-on tant de talent aujourd’hui ?

On parle autant de talent car les entreprises ont à faire face à deux contraintes majeures. Faire plus avec moins et surtout l’idée de succession.

Faire plus avec moins, c’est s’appuyer sur le meilleur de chacun pour résoudre cette équation (ce qui n’est pas synonyme de pressurer).

La gestion de la succession cela repose sur 2 piliers : transmission des savoirs avec le départ à la retraite d’une génération et attirer de nouveaux collaborateurs.

Et puis le mot talent est porteur de promesse faite par la RH, attention au retour à la réalité (pour elle comme pour les talents).

5. Penses-tu qu’il existe une approche plus française/européenne qu’anglo-saxonne des talents ?

Oui je crois qu’il y a des différences culturelles. En France, quand on regarde comment les talents sont gérés, tout repose sur l’école (l’ENA avec le classement de sortie qui détermine la carrière étant le cas le plus extrême) et les hauts potentiels dans les entreprises, ceux supposés avoir du talent, sont aussi ceux qui sortent des grandes écoles.

A l’opposé chez les anglo-saxons, même si cela repose sur un mythe en partie, il y a le côté self-made man. Construction de l’expérience, richesse et diversité des parcours et des cultures. Une approche semble plus statique et l’autre plus dynamique. Et surtout l’un est plus tourné vers la reproduction des élites que l’autre, même s’il n’en est pas exempt.

6. Les 3 priorités du management des talents ?

Attirer, accompagner, organiser

Attirer, car aujourd’hui tout le monde court après les « talents » (ils sont sans doute déjà chez vous) et il faut donc donner une vision, du sens pour donner envie à ces talents de vous rejoindre. Finalement une forme de contrat employeur/employé avec les engagements de chacun.

Accompagner, cela veut dire faire grandir, orienter, écouter, élargir la palette des talents, bref construire un endroit où la personne va pouvoir se développer dans différentes directions et pas uniquement en lien avec un poste et le talent qui a été « détecté ».

Organiser, cela veut dire rendre ce talent pluriel en capitalisant dessus avec d’autres pour développer une synergie collective, transmettre une passion, un savoir. De plus un talent seul est limité, mis en réseau il permet de progresser. Les grandes découvertes, même si l’histoire ne retient qu’un nom, sont souvent le fruit d’échanges multiples. Cela permet d’avoir des talents qui se complètent. Donc aussi créer du lien social, ce qui fait qu’on retient un talent. Car si on s’est donné la peine de l’attirer, on peut supposer qu’on souhaite le conserver, même si ce n’est pas une fin en soi.

7. Comment repère-t-on un talent quand on le croise ?

Est-ce qu’on doit forcément le reconnaître, est-ce que ce n’est pas lui qui doit se distinguer ?

Mais surtout souvent on repère un talent quand on cherche quelque chose ou quelqu’un en particulier. On le limite à un espace, un rôle, un aspect. Du coup on passe à côté d’autres talents peut-être plus importants, mais on n’était pas focalisé dessus.

Peut-être faut-il mieux ne pas avoir d’idée préconçue pour pouvoir repérer des talents qu’on aurait ignorés mais qui vont nous enrichir d’autant plus. Un truc à mi-chemin entre le « out of the box thinking » et le « not invented here ».

8. Quels sont les 3 impairs à ne pas commettre avec un talent ?

Je ne sais pas s’il y en a vraiment trois ou quatre ou deux. Ce dont je suis sûr c’est que bien souvent on cherche des gens différents, des profils atypiques que l’on juge talentueux, puis on cherche à les faire rentrer de force dans le moule. Autant prendre quelqu’un de « moulé », cela sera moins pénible pour vous et lui.

Il y a sans doute refusé de reconnaître un talent, car on se compare, on a l’impression d’être en compétition et on essaye de l’écraser au lieu de l’aider à s’épanouir, c’est dommage et contre-productif pour ne pas dire plus. Un entraîneur ne se compare pas à ses joueurs, c’est pareil.

Et pour faire trois, disons vouloir absolument régenter un talent. Même si cela est fait avec les meilleures intentions du monde. Parfois, il a juste besoin d’un espace pour s’épanouir (des fois cela prend du temps, il faut savoir être patient), pas d’être driver.

9. As-tu du talent ou es-tu un talent ?

Comme je le disais tout le monde a du talent, donc d’après ce postulat moi aussi. On n’est pas un talent pour soi-même, mais plutôt pour quelqu’un.

Donc on peut être un talent pour quelqu’un et pas pour d’autres, cela dépend des représentations. De plus je ne suis pas sûr que cela soit vrai dans la durée. Donc là encore j’imagine qu’on est tous le talent de quelqu’un, ce qui est difficile c’est de l’être sur le long terme.

10. Quelles sont d’après toi les futures tendances de la gestion des talents ?

Je ne sais pas si ce sont des tendances, mais pour moi comprendre qu’à l’heure de l’hyper-compétitivité, du temps réel, de l’infobésité, c’est que le talent ne peut plus se concevoir de manière individuelle, mais bien de manière collective.

Savoir s’entourer est aussi un talent. Et donc permettre à chacun de se réaliser de manière collective, mais aussi individuelle.

C’est marrant je me rends compte que dans les questions, rien (à part peut-être au début l’idée de management et compétences) ne devait me faire focaliser sur l’entreprise, heureusement les talents dépassent ce cadre, et j’ai centré mes réponses uniquement dans ce sens. Ca sera l’occasion d’ouvrir le jeu pour une prochaine interview 😉

Merci pour cet exercice qui a été plus compliqué que je ne le pensais !