Dans les pages Economie du Monde de mardi, Julie Battilana (professeure associée à la Harvard Business School) mettait en avant que « les salariés doivent remplir des objectifs de performance précis, mais n’ont souvent que peu d’autonomie pour y parvenir. Sans surprise, ces conditions de travail sont source de tension et parfois même de souffrance psychologique ».
Il existe de nombreuses directives européennes traitant de la souffrance au travail et les entreprises s’intéressent de plus en plus au problème. On peut considérer – si l’on voit le verre à moitié plein – que nous sommes entrés dans une ère plus humaine, valorisant le bien-être des collaborateurs par rapport aux simples enjeux de performance.
Julie Battilana pense quant à elle que « les entreprises, conscientes du coût que représente pour elles le mal-être au travail, aussi bien en termes de diminution de la productivité que de réputation, ne peuvent plus ignorer le problème ».
Ce qui est intéressant dans cet article, c’est qu’en traitant du stress et de la souffrance au travail, l’auteur met en évidence 3 mesures simples permettant d’accroître la satisfaction des collaborateurs, et incidemment réduire leur souffrance.
Ces 3 mesures sont :
Accroître le pouvoir de décision
L’auteur pense qu’accroître le pouvoir discrétionnaire des collaborateurs a un impact direct sur leur motivation, partant du principe qu’ils sont plus motivés lorsqu’ils peuvent prendre de façon autonome des décisions qui affectent directement leur travail.Je constate effectivement tous les jours au sein de TS que les collaborateurs ont de plus en plus soif de responsabilités. Là où quelques « résistants » préfèrent ne pas avoir trop de responsabilités pour justement ne pas être trop stressé, les autres veulent pouvoir prendre des décisions par eux-mêmes et en assumer les conséquences (positives ou négatives).
La difficulté pour ces derniers réside d’ailleurs dans le fait de trouver le juste équilibre entre le fait de ne pas pouvoir prendre une décision de façon autonome, et décider seul sans solliciter qui que ce soit d’autre, au risque de se priver d’un bon conseil. Ce juste équilibre nécessite probablement un peu d’expérience.
Améliorer le partage de l’information
Les gens ont besoin d’être informés de tout ce qui peut les concerner de près ou de loin car cela est à la fois une marque de respect, et à la fois une preuve de leur importance et leur intégration dans la stratégie de l’entreprise.Nous connaissons tous les pouvoir dévastateur du célèbre « Je viens d’apprendre dans le couloir que… ». Bien faire circuler l’information est néanmoins un art difficile à maîtriser, d’autant que cela se heurte parfois à des contraintes ou volontés politiques peu avouables…
Accompagner le développement professionnel
L’une des plus grandes sources actuelles de satisfaction des collaborateurs est de bénéficier d’un accompagnement personnalisé qui leur permette d’acquérir de nouvelles connaissances et compétences, de se développer ! Les processus d’évaluation ont – a minima – pour but d’évaluer les compétences à développer et de cadencer le plan de développement associé. Ce point est bien entendu lié à la première mesure puisque le développement professionnel passe à un moment ou à un autre par la prise de responsabilités nouvelles qui contraignent la personne à développer de nouveaux talents.
L’enjeu est donc double : donner du sens au travail des collaborateurs et faire en sorte qu’ils apprennent au quotidien. Lorsque cet enjeu est assuré, les collaborateurs sont plus satisfaits, mais aussi plus productifs. En résumé, tout le monde est gagnant !
Alors, selon vous, quels sont les principaux freins à la mise en oeuvre de ces mesures ?
Bonjour Alexandre. Merci pour cet article !
Quelques exemples de freins…
– la gouvernance d’entreprise et la marge de manœuvre du ou de la Directrice Générale
– le rythme d’innovation inférieur à la demande client et à celui du marché (du coup, on subit, on travaille dans l’urgence et on ne prend pas le temps de se pencher en profondeur sur les Hommes)
– la vision d’un leadership concentrée au « top » uniquement, et l’alimentation d’une déconnexion croissante avec le terrain
– les qualités en leadership (en mode « servant ») pour écouter et donner les moyens nécessaires aux salariés
– le manque de confiance aux salariés
– la valorisation du contrôle (sous diverses formes)
– la communication unilatérale
– l’accès et la circulation des informations (en lien avec le pouvoir)
– la structure organisationnelle renforçant les distances hiérarchiques et les silos
– l’idée de production de masse et le taylorisme
– le parcours professionnel et différentes expériences des dirigeants ayant une influence sur leur perception
– la valorisation des distances hiérarchiques et les rapports au pouvoir (en interne) / Culture d’entreprise
– l’égo du ou des dirigeants
– la vision très financière et tableaux de bord du business, sans prise en compte de l’humain et de la réalité du terrain
– la vision très financière pour « scaler » (forte influence dans le choix des KPIs) au détriment des Hommes
– la croissance rapide non maîtrisée
– le mimétisme et l’imitation de la concurrence (une des limites du benchmarking également)
– l’absence de vision & d’initiatives pour le développement professionnel
Merci Lilian pour cette réponse très complète !
Chaque thème peut quasiment faire l’objet d’un post 🙂
Avant donc d’écrire une dizaine de post pour rebondir sur tes propos, je ne garderai en ce samedi matin que la « valorisation du contrôle (sous diverses formes).
Il me semble en effet qu’à l’heure actuelle, la notion de « contrôle » a la peau dure et est vraiment persistante !
Concrètement, un manager qui ne contrôlerait pas ce que ses collaborateurs font seraient encore vu par ses pairs comme un artiste, un marginal qui fait un peu trop confiance à ses équipes et qui n’est plus en phase avec le business.
Pour autant, il me semble que la notion de contrôle doit évoluer vers une notion plus souple d’accompagnement/supervision/coaching.
S’il est nécessaire de définir des jalons, des points de passage précisant ce que l’on attend les collaborateurs, et d’organiser des points réguliers permettant de mesurer la distance restant à parcourir pour atteindre les jalons en question,cela s’apparente davantage à une aide au pilotage qu’à du contrôle.
Et il me semble que les collaborateurs sont en attente de ce type d’interactions avec leur manager !
Qu’en penses-tu ?
++
Merci pour ton retour 🙂
Les jalons et la clarification des attentes demeurent importants, pour éviter des écarts de perception et de réalisation. Les managers restent connectés aux objectifs business de l’entreprise et détiennent une connaissance approfondie du niveau des ressources (temps, cash, etc..), des buts d’usage de ces dernières ainsi que du crible des auto-contraintes de l’entreprise.
Le livre « Freedom Inc. » que je suis en train de dévorer, liste deux types d’entreprise :
– celles se focalisant sur le « Comment » (où le micromanagement est roi), source de tension, de stress
– celles se focalisant sur le « Pourquoi » (clarification de la destination et des ressources disponibles, et liberté sur le « Comment »); ici, l’autre objectif du manager serait de concevoir des conditions d’évolution, un environnement de travail stimulant.
Pour ce second point, il y aurait l’occasion de faire des points à chaque milestone, de manière à challenger et à responsabiliser les collaborateurs (si l’on poursuit l’idée de pouvoir discrétionnaire).
L’écoute, l’aide au pilotage est une vision absolument plus positive et plus valorisante que le contrôle strict/permanent. Cela induit également une perception spécifique du droit aux erreurs, qui seraient en fait des opportunités d’apprentissage. Dans le cas où l’erreur peut avoir un impact important et que le risque est gérable, les managers pourraient apporter leur expertise, jouer le rôle de mentor et ainsi alimenter la relation professionnelle existante.
Le « Managing Up » est également un point intéressant, où le collaborateur peut avoir des feedbacks intéressants, soit une dynamique bidirectionnelle.
Voici un article Forbes qui va parfaitement dans le sens de notre réflexion : http://www.forbes.com/sites/glennllopis/2012/03/12/5-ways-young-professionals-want-to-be-led/
A bientôt 🙂
Merci Lilian !