Le talent de savoir décrocher !

Comme je l’indiquais dans mon précédent post, je suis en vacances ! A l’autre bout du monde même. Et pourtant, je continue d’écrire des billets, j’avance ardemment sur la rédaction de mon nouveau bouquin (dans toutes les bonnes librairies en septembre ;), et continue de répondre à mes emails….

La question est donc la suivante : devrais-je apprendre à « décrocher » ? Je suis assez partagé sur la question, voici le pour et le contre :

Décrocher permet de se renouveler

De l’importance de sortir du cadre…. Paul Watzlawick dans son ouvrage de 1975, « Changements, paradoxes et psychothérapie » explique que pour résoudre un problème il suffit parfois de sortir du cadre. C’est ce qu’il appelle un changement d’ordre 2 ! Lorsque l’on fait un cauchemar, on a deux possibilités : se débattre dans son cauchemar (changement d’ordre 1), ou se réveiller (changement d’ordre 2). Le changement d’ordre 2 est un changement radical d’état !

Partir en vacances, décrocher, facilite les changements d’ordre 2. Quand on a trop « le nez dans le guidon », on ne voit plus les problèmes avec le recul nécessaire pour envisager de bonnes solutions, voir de nouvelles solutions. Après quelques heures de vacances, de nouvelles rencontres, de nouveaux paysages, de nouvelles habitudes, de nouvelles idées nous viennent, et avec elle des solutions parfois évidentes que l’on n’avait même pas envisagées.

En l’occurrence, après trois jours de vacances, j’ai réalisé que je m’enterrais dans un chapitre parce que finalement, il n’avait rien à faire dans le livre (JN, je t’interdis d’en parler à Claire 🙂 ! Je l’ai donc tout simplement supprimé, ce qui m’a permis d’avancer plus sereinement… Première conclusion : mieux vaut parfois décrocher pour mieux recommencer que s’acharner !

Le besoin de décrocher est un leurre

La question est la suivante : quand on aime ce que l’on fait, pourquoi décrocher ? Ne ressent-on pas ce besoin lorsque l’on subit son travail ? Lorsque l’une de nos activités nous pèse ?

Il faut savoir distinguer deux choses : la fatigue corporelle qui est un phénomène naturel lorsque l’on se démène pas mal et que l’on ne dort finalement pas tant que ça. La fatigue psychologique, que l’on ressent lorsque l’on est contrarié, stressé, sous pression, que les choses n’avancent pas comme on le souhaite…. Voir que l’on se sent aliéné !

Je pense que le besoin de décrocher se ressent dans le deuxième cas ! Et décrocher permet de tenir, mais pas d’améliorer la situation…. La vraie question à se poser est alors de savoir comment améliorer la situation en question ! Sa relation avec son manager, avec ses collègues, la nature même de son travail, etc.

Dans le premier cas, il s’agit simplement de changer de rythme, de ralentir, de prendre le temps, l’histoire de recharger les batteries et revenir en forme. Mais pas la peine de se forcer à se couper d’activités qui nous plaisent…

Je suis en revanche persuadé que décrocher est absolument nécessaire dans sa vie de tous les jours par de petits gestes simples :

  • Laisser le smartphone dans sa veste pendant le diner, ce n’est pas une gameboy et on n’a plus 15 ans !
  • Ne pas se sentir obligé de répondre aux emails du dimanche soir, sauf si cela est absolument nécessaire
  • Savoir parler d’autre chose que du boulot à ses copains
  • Etc.

Sans quoi, peu de chances de ne pas se sentir aliéné et d’échapper au service de désintoxication au Blackberry de la Pitié-Salpêtrière 😉

Et toi Catherine, qu’est-ce que tu en penses ?

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Décrocher est un réel talent, d’autant plus que son métier est une passion.

« Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour dans ta vie. » Confucius

Plein de bon sens Confucius sauf que… Prendre de la distance est important.

  • Pour renouveler son sens critique
  • Pour reposer son esprit et éviter la surchauffe
  • Pour ne pas finir par croire que sans nous rien est possible
  • Pour prendre le temps de regarder ce qui se fait ailleurs que ce soit dans son secteur d’activité ou non
  • Pour alimenter son esprit d’autres choses qui viennent nourrir notre créativité
  • Pour ne pas s’essouffler

Dans nos métiers de « connectés », il est peut-être complexe de prendre ce recul pourtant si nécessaire.

Nous travaillons à faciliter les flux d’informations et de conversations. Nous créons, alimentons et valorisons des canaux interactifs. La plupart du temps quel que soit notre statut (salarié ou indépendant), nous travaillons sur nos smartphones et PC personnel. Ils sont paramétrés, optimisés pour nous faciliter la vie, pour nous rendre plus efficaces. Alertes et notifications en tous genres ponctuent nos journées pour nous rendre plus réactifs dans les conversations, notre veille, bref notre travail.

Décrocher commence déjà par le fait de trouver normal de désactiver toutes ces notifications le soir venu ou le week end, que nous ne nous sentions pas coupables ou contraints par de pseudos astreintes que nous créons nous-même. Se donner de véritables temps de respiration dans une journée est important.

Décrocher c’est avoir la conscience absolue que nous ne sommes pas indispensables. Il parait normal et il est rappelé dans toutes les consignes liées à la gestion des risques que des sauvegardes de données doivent être réalisées… N’en serait-il pas de même avec les personnes. Un back-up, c’est important!

Décrocher est indispensable pour ne pas s’épuiser et garder le goût du plaisir dans ce que l’on fait. Dans cette époque du 2.0, l’excitation est grande, les idées sont légions, le rythme s’accélère voire s’emballe. Signe très positif de prise de conscience des entreprises de l’intérêt du 2.0, période de maturité des entreprises sur le sujet. Il faut toutefois veiller à ce que l’épuisement ne survienne pas auquel cas le risque serait plus présent de voir passer le plaisir en arrière-plan, laissant alors le devant de la scène à la contrainte. Il ne faudrait pas perdre de vue que dans tout ce que nous faisons il y a certes une dimension technologique mais toutes nos réalisations sont au service de l’humain avec toutes les exigences qui le caractérisent. Il faut donc être en capacité de rester en veille pour lui offrir les meilleurs services, être à son écoute et pouvoir maintenir une interaction constructive en toutes circonstances mêmes les plus stressantes. Cette prise de distance dans les moments de tensions n’est réalisable que si l’on est soi-même disponible c’est-à-dire le moins atteint possible par des tensions internes.

Pour finir, Confucius avait raison (c’est un sage) choisis un métier que tu aimes et tu n’auras pas à travailler un seul jour dans ta vie, si et seulement si tu entretiens cet amour.

Catherine Ertzscheid
Co-auteur de Le Community Management : Stratégies et Bonnes Pratiques pour Interagir avec vos Communautés, Editions Diateino, septembre 2010