L’analyse RH du film Margin call

Avant-hier, j’ai vu l’excellent Margin call, avec Kevin Spacey, Jeremy Irons, Stanley Tucci, …, traitant du jour précédant la plongée des marchés dans la crise financière.

Le film qui est un huis clos et se passe à l’étage des traders qui s’apprêtent à commettre l’irréparable. Il est choquant à bien des égards car si c’est d’abord le monde de la finance qui est ciblé, il est difficile de ne pas y voir un rapprochement avec bon nombre d’entreprises.

Quand la RH se veut brutale

Le film démarre par une « charrette », c’est-à-dire le licenciement brutal de nombreux employés. On voit les « videurs » arriver à l’étage, tout le monde sait ce qui va se passer mais personne ne sait qui va être touché.

Une personne s’approche d’un employé et lui dit de le suivre. Dans une pièce confinée, on explique à l’employé en question que l’entreprise doit se séparer de lui, que l’accès à son poste informatique vient d’être bloqué, et qu’il a un carton et dix minutes pour reprendre ses affaires et partir.

J’ai vu le film avec une amie qui a vécu 6 ans à New-York et qui m’a précisé que c’était en-dessous de la réalité. En général, les affaires sont empaquetées au moment même où l’on parle à la personne qui est invité à regagner directement la sortie….

On est là face au niveau zéro de la reconnaissance de tout ce que le collaborateur a pu apporter à l’entreprise, au niveau zéro du respect, et on se dit que la gestion des talents est bien loin !

Le système français est loin d’être parfait, mais tente malgré tout de protéger les collaborateurs d’une telle brutalité.

Quand l’intérêt individuel prime sur l’intérêt collectif

Le cœur de l’intrigue réside dans cette unique question : vaut-il mieux protéger l’intérêt de l’entreprise et plonger les marchés financiers dans le chaos, ou faire primer l’éthique et accepter que l’entreprise assume toutes les erreurs commises ? Et ce pour ne pas les faire payer aux entreprises et aux citoyens…

Bien sûr, le film soutient la thèse que c’est la réponse une qui a été apportée par un certain nombre de groupements financiers. L’abstraction est immédiate et renvoie aux questions de la responsabilité et de la solidarité en entreprise !

Ces deux questions évoquent une multitude de mythes ou de problématiques bien connues :

  • Un commercial remplacera-t-il un de ses collègues lors d’un rendez-vous s’il n’est pas intéressé à l’affaire associée ?
  • Ce même commercial valorisera-t-il l’atteinte de ses objectifs sur la faisabilité des projets vendus ?
  • Une DG décidera-t-elle de recruter pour soulager ses équipes et accroitre la satisfaction de ses clients au détriment de son EBITDA ?
  • Un manager acceptera-t-il de prendre sur son temps libre pour mentorer une personne en difficulté de l’equipe voisine ?
  • Etc.

Les comportements solidaires en entreprise, au risque de paraître une nouvelle fois utopique, sont non seulement vertueux en regard de la satisfaction globale (des équipes et des clients), mais ont souvent un impact positif sur la performance de l’entreprise à moyen terme.

Ce type de comportement ne se décide pas à un instant t pour faire face à un problème, mais émerge de valeurs managériales qui doivent être incarnées au quotidien, et sur la durée.

Quand la verticalité tue « le sens »

Le film montre très intelligemment que plus l’organisation comporte de niveaux hiérarchiques, plus l’information est tronquée, découpée, permettant à chaque niveau d’uniquement savoir ce qu’il a à savoir pour prendre une décision….

La personne en bas de l’organisation n’a aucune idée des intérêts qui se jouent vraiment pour l’entreprise. Et la personne en haut de l’organisation à une vision très désincarnée de la réalité, qui n’est plus constituée que d’indicateurs…. Quel que soit le niveau de l’organisation, personne n’a une vision globale et systémique de la situation, ce qui ne permet pas d’associer le moindre sens à ses actions, et de cerner et assumer leurs conséquences !

Cela permet cela dit d’agir sans avoir à porter la responsabilité de ses actions, ce qui est bien pratique, puisque comme le dit Kevin Spacey qui est le N-2 du big boss : « C’est parce que je n’en sais pas plus que je me maintiens depuis si longtemps dans l’entreprise ». Ce maintien à tout prix est bien sûr lourd de conséquences et une bonne organisation doit au contraire permettre à chacun de se responsabiliser et d’agir en conscience !

Le film est vraiment à voir pour toute personne en responsabilité managériale ou en charge des RH. Prévoir quand même un bon De Funes de retour à la maison car il n’est pas forcément très gai… Mais une personne avertie en vaut deux 😉