A qui appartient notre identité numérique ?

Hier matin, j’ai vu sur le mur Facebook d’un copain une image extraite du film ‘Taken’ montrant Liam Neeson menacer quiconque « spoillerait » (du verbe « spoiler » que l’on traduirait par « gâcher en racontant des trucs ») le prochain Batman. Cette image détournée m’a fait beaucoup rire et je l’ai immédiatement partagé sur mon mur.

Après quelques ‘Like’, un autre copain ajoute un commentaire : « Tu as été entendu, il vient d’y avoir un massacre dans le Colorado à la première de Batman »…. Ce à quoi je réponds par un petit message gêné, se voulant tout de même suffisamment humoristique pour bien faire comprendre que je n’étais évidemment pas au courant : « Ca casse un peu l’ambiance… je me contenterai de spoiler le contrevenant dans les 30 prochaines années ». Il me répond un peu plus tard avec un petit smiley.

Puis dans la soirée, ce même copain m’envoie un message en me disant que j’avais bien fait de retirer l’image de mon mur. Même s’il a tout à fait raison, réalisant à cet instant que j’aurais du me contenter de retirer l’image plutôt que d’ajouter un commentaire, je n’ai jamais retiré l’image du mur… Facebook l’a fait pour moi !

Je pense qu’en l’occurrence, Facebook a eu raison d’agir à ma place puisque je n’ai pas eu le réflexe de le faire. Mais sur le fond, cela pose tout de même une question beaucoup plus inquiétante : de quel droit Facebook s’autorise-t-il à « administrer » mon mur ? Sommes-nous conscients que nos échanges, partages et autres post sont en fait modérés ? Selon quels critères s’effectue cette modération ? En l’occurrence, à partir de quand le mauvais goût n’est plus jugé acceptable ? La réponse est dans ce cas assez simple : à partir du moment où d’autres souffrent ou ont subi de terribles préjudices ! Mais qui juge de la nature de ces préjudices quand ils ne sont pas évidents à identifier ?

Une petite anecdote supplémentaire vient renforcer ces interrogations. Il y a environ 6 mois, du jour au lendemain, je n’ai plus eu le droit de partager les liens renvoyant vers mon blog. Et il y a environ 2 mois, j’ai découvert en faisant une fausse manip’ que l’autorisation m’avait été ré-accordée, sans notification ou explication quelconque…. Qui a décidé de quoi quand, et pourquoi ? 

Jusqu’à quand nous autorisera-t-on à afficher nos opinions politiques ? Une règle interne va-t-elle être créée pour stipuler qu’au-dessus d’un certain nombre de friends, il sera impossible à la personne de se moquer d’un homme politique avec un dessin ou commentaire humoristique sur  son mur ? En un mot, sommes-nous en train d’assister à l’émergence d’une forme de censure ?

Et plus globalement, cela pose la question de notre identité numérique. Si celle-ci se bâtit à partir de tout ce que nous faisons, disons, partageons sur le Web et les médias sociaux, n’est-elle pas déformée dès lors qu’un tiers gère à notre insu ces différentes publications ? D’autant que cette identité numérique est faussée dès le départ puisque nous avons tous plutôt tendance à partager des éléments (photos, vidéos, propos, …) qui nous valorisent plutôt que ceux qui nous ridiculisent.

Ces questions sont évidemment sans réponse lorsqu’elles sont posées de façon aussi globale et générale. Il est par contre du rôle de chaque internaute et de chaque entreprise de définir sa propre règle de conduite, sa propre éthique, afin de construire l’identité numérique la plus en accord avec l’image que la personne ou l’entreprise souhaite renvoyer. En espérant qu’elle sera jugée conforme par le « mystérieux modérateur du Web »….