La pyramide de Maslow 2.0 ?

C’est la période des entretiens annuels d’évaluation. C’est l’occasion pour collaborateurs et managers de faire le bilan de l’année écoulée, et de dresser ensemble (dans les bons cas) les perspectives de l’année à venir. C’est aussi une belle opportunité pour les collaborateurs de faire part de leurs attentes et aspirations, et bien sûr de parler salaire.

Pour en mener quelques uns et aider de nombreux managers à préparer les leurs, je me suis fait cette réflexion très simple : la pyramide de Maslow est à revoir ! 

En résumé, l’idée de la hiérarchie des besoins (qui se représente classiquement sous la forme d’une pyramide), initialement énoncée par le psychologue Abraham Maslow dans un article de 1943, est que nous ne pouvons satisfaire un besoin avant d’avoir satisfait celui du niveau inférieur. De bas en haut :

  • les besoins physiologiques
  • les besoins liés à la sécurité
  • les besoins d’appartenance et affectifs
  •  les besoins liés à l’estime
  • l’accomplissement personnel

Cela fonctionne un peu comme les vases communicants : chacun de nous a un potentiel fini d’énergie à dépenser, et s’il consacre 80% de son énergie sur un sujet, il lui reste 20% pour les autres sujets….

Lorsque la théorie a été énoncée, la France – comme bon nombre de pays – était en guerre. La question des besoins physiologiques étaient tristement d’actualité puisque la préoccupation première de beaucoup était la survie. Les questions de l’hygiène et du logement ne venaient logiquement qu’après. Ces deux premiers besoins consommaient à eux seuls tellement d’énergie que les questions d’estime ou d’accomplissement ne se posaient que pour une poignée de privilégiés. Quand aux questions affectives, notamment relatives à l’amour et l’amitié, elles se cristallisaient essentiellement dans la famille, dans des conditions plus ou moins chaotiques. Cela est bien sûr un peu schématique mais résume en tout cas assez bien ce qu’on pu vivre mes grands-parents. Tout cela varie évidemment en fonction du pays, de la classe sociale, etc. 

Pour nos parents et leur génération, les besoins affectifs prenaient de plus en plus d’importance puisque la société dans laquelle ils évoluaient présentait moins de menaces physiologiques, et les besoins de sécurité étaient un peu mieux adressés. La question de cette génération était cependant moins d’avoir un travail plaisant et épanouissant que d’avoir un travail tout court !  Les besoins liés à l’estime (reconnaissance, respect, confiance en soi) commençaient à pointer le bout de leur nez. 

En ce qui concerne ma génération et celles qui suivent, les enjeux sont bien différents. Nous n’avons – pour la plupart – jamais connu la guerre et les épidémies. Avoir de quoi manger, se loger et s’habiller n’est finalement plus véritablement source de satisfaction car cela est considéré – à tort ? – comme un du. Tout comme le fait d’avoir des amis. Facebook nous aidera de toute façon à retrouver ceux que l’on a perdu de vue. Les besoins affectifs restent une source de préoccupation importante car trouver l’amour reste difficile. Mais heureusement, Meetic, Attractive World, AdopteUnMec.com, etc., sont là pour nous aider. On ne sait pas si on trouvera l’élu mais on rencontrera à coup sûr de nombreux candidats. Et pour le travail c’est la même chose, les job boards et les réseaux sociaux finiront bien par me permettre de trouver mon job idéal….

Alors notre énergie se reporte en grande partie sur les besoins liés à l’estime et l’accomplissement personnel. Cela se traduit par une forme d’insatisfaction latente, que ce soit en couple ou au travail, puisque l’on se demande en permanence : cette situation me comble-t-elle pleinement ? M’épanouit-elle pleinement ? Me développe-t-elle pleinement ? Nos parents et grands-parents se posaient beaucoup moins la question parce que leur préoccupation première n’était pas celle-là, et ils avaient moins le sentiment qu’un « mieux » existait ailleurs. 

Cela est concomitant à ce que Seth Godin appelle la révolution des amateurs professionnels. Plus besoin d’une maison de disques pour faire entendre ma musique et m’accomplir en tant que musicien, MySpace est là ! Même chose côté photographie avec Flickr. Mon blog me permet d’être écrivain, journaliste, essayiste. Twitter me permet de suivre l’actualité de mes stars préférées et même de leur écrire. En bref, mes rêves et ambitions me semblent soudainement à portée. La question ici n’est pas de savoir si cela est vrai ou faux, mais plutôt de constater que cela influe probablement beaucoup sur nos mentalités.

Alors ne devrait-on pas faire évoluer cette belle pyramide de Maslow afin de l’adapter aux besoins de notre époque ? Et d’un autre côté, au moment où j’écris ces lignes, je me dis que les besoins physiologiques et de sécurité sont encore d’actualité pour une grande partie de la planète. Brefaprès Maslow, on est bon pour se replonger dans la « complexité » d’Edgar Morin ;).