Aujourd’hui, c’est le candidat qui choisit le recruteur : info ou intox ?

Je réagis aujourd’hui à un article du Journal Du Net intitulé : « C’est le candidat qui choisit le recruteur !« . D’un côté je partage totalement le constat mis en avant par l’auteur, et de l’autre j’ai peur que l’on schématise par trop une situation qui reste complexe. Voici quelques éléments de réflexion.

Oui, le rapport candidat/recruteur a tendance à s’inverser

En quelques années, nous sommes passés d’une situation où les candidats s’inséraient dans des files d’attente interminables afin de remettre un formulaire papier à un interlocuteur tout puissant (qu’il s’agisse de l’ANPE, de cabinets de recrutement ou autres) à la situation illustrée par l’image ci-contre.

On peut tranquillement, lové dans son canapé, surfer sur le web (qu’il s’agisse de job-boards, de réseaux sociaux, de sites carrière ou sur leboncoin.fr) afin de découvrir les offres d’emploi publiées par les entreprises, et candidater à celles qui nous intéressent en quelques clics. Et tout ça sur une tablette tactile, voire sur un smartphone dans le cas d’entreprises qui ont développé une application de recrutement dédiée.

Fait étonnant : si l’internaute, qui reste au demeurant une personne en recherche d’emplois ou souhaitant bouger de son entreprise, considère qu’il est difficile d’accéder aux offres d’emploi, qu’elles sont mal présentées, ou que postuler nécessite trop de clics, il peut renoncer à candidater. Son expérience utilisateur conditionne directement son acte de candidature ! Dès lors, on peut bien considérer que le rapport de force entre les candidats et l’entreprise a changé, voire même se demander si les candidats ne sont pas un peu devenus des divas…

Cette facilité technologique attendue par les candidats s’inscrit dans un contexte où il y a une pénurie sur le marché de l’emploi d’un certain nombre de profils, comme par exemple les développeurs informatiques et ou les commerciaux. Cela influence donc forcément le rapport entre l’entreprise et les candidats, puisque celui qui offre a tout d’un coup plus de pouvoir que celui qui demande (relire Alfred Marshall pour s’en convaincre).

Dernier point, l’information aujourd’hui disponible à profusion permet bien au candidat d’avoir, lorsqu’il sert la main du recruteur, au moins autant d’information sur ce dernier et son entreprise que le recruteur n’en a sur le candidat. Dans ce contexte, il devient difficile pour l’entreprise de raconter n’importe quoi au candidat simplement pour l’attirer dans ses filets. Le buzz actuel autour du sujet de la marque employeur témoigne d’ailleurs de la volonté des entreprises d’afficher de façon – plus – transparente leurs valeurs et leur mode de fonctionnement afin d’engager une relation saine et durable avec les candidats et collaborateurs.

Non, le rapport candidat/recruteur n’a pas tendance à s’inverser

Tout ce qui vient d’être énoncé précédemment est certainement vrai… mais est-ce que cela s’applique à tout le monde ? Le problème des articles au titre évocateur tels que celui du Journal Du Net est de laisser penser aux lecteurs qu’une même situation s’applique indifféremment à tous les profils, tous les secteurs d’activité, tous les pays. Or cela est absolument faux !

Il suffit d’allumer la télé ou de regarder les journaux pour se convaincre que cela s’applique davantage au secteur tertiaire que primaire par exemple. Et là encore, je ne suis pas certain qui les vigiles ou les caissières de supermarché aient réellement inversé la posture candidat/recruteur. Fondamentalement, le renversement du rapport de force dans le processus de recrutement concerne d’abord ceux qui ont quelque chose à offrir qu’il difficile de se procurer. Seule la rareté de certaines compétences ou certains profils bouleversent la donne pour quelques élus.

En conclusion, je pense que les rapports entre candidats et recruteurs gagneraient à s’humaniser, au travers notamment d’une véritable conversation, de véritables échanges, plutôt que de s’inscrire dans la théorie de l’offre et la demande. Cela est aujourd’hui une absolue nécessité pour toutes les entreprises en quête de profils rares. Mais au risque de paraître un peu démagogique, cela devrait être une obligation morale de tout recruteur, et ce quel que soit le profil de son interlocuteur.