Que faut-il retenir de 2013 ? Quels auront été les sujets dont on aura parlé en Ressources Humaines ? Quel mot aura marqué cette année ? Est-il révélateur d’une tendance forte ou est-il devenu insupportable à force d’être utilisé à l’user, le vider de son sens ? Comme l’an dernier, le Général Franck La Pinta a fait appel à 12 salopards des RH pour qu’ils partagent leur mot de 2013, sans langue de bois. Clairement, l’humain, son insertion dans un collectif et le management qui l’accompagne, son usage des technologies digitales, et surtout le sens à donner à tout ça, sont au cœur des préoccupations ! 2014 sera-t-elle l’année où l’entreprise redonne du sens à ce qui n’en a pas (ou plus) ?
En attendant bonne lecture !
Salopard n°1
Transformation digitale : L’année 2013 a été marquée par l’incantation impérieuse de « la transformation digitale », sonnant comme « une évidence » ou « un passage obligé » en écho aux évolutions des comportements des consommateurs. Mais à y regarder de plus près, de l’incantation à la réalisation, peu d’entreprises se sont forgées de vision de leur propre transformation numérique. La digitalisation transforme tous les processus, elle est stratégique, également pour nous, DRH, qui avons l’opportunité de voir se renouveler notre métier à condition de la saisir non pas comme un problème à résoudre mais plutôt comme une réalité à vivre et à expérimenter (au-delà du recrutement et de la marque employeur). Loin d’être un concept théorique ou de se résumer à une kyrielle d’outils 2.0, la transformation digitale ne s’improvise pas et implique une transformation de nos entreprises elles-mêmes, et donc de son management. Et si en 2014, nous laissions tomber nos outils, pour nous attaquer aux choses sérieuses ? 😉
Salopard n°2
Algorithme : Oyé Oyé messires les recruteurs (F/H), j’ai une grande nouvelle à vous annoncer : il existe désormais des algorithmes qui vous disent qui embaucher… Oui, oui, fini le temps du sourcing à la papa, maintenant il vous suffit d’appuyer sur un gros bouton, et hop, un super algorithme « mimétique » vous dit qui recruter ! C’est magique ? Non, encore mieux, c’est scien-ti-fique : l’algorithme apprend automatiquement de votre comportement pour répondre de mieux en mieux à vos attentes (mais lui, il ne louchera jamais sur le décolleté des candidates). Alors que nous n’avons jamais autant loué les vertus du « social » et de « l’humain », voilà qu’en bons schyzophrènes nous nous évertuons à mécaniser encore plus nos processus… Ne devenons pas les esclaves de nos outils.
Salopard n°3
Expérience utilisateur : L’expérience utilisateur ou user expérience va devenir en 2014 le mot favori des RH. Non pas parce qu’ils vont soudainement se passionner pour l’ergonomie des logiciels… Mais parce que ce mot incarne la prise de conscience que l’entreprise doit intégrer dans son fonctionnement les usages que les collaborateurs ont développé dans leur sphère personnelle plutôt que de faire l’inverse. Du coup, des notions comme adoption ou appropriation vont rapidement devenir obsolètes puisque celles-ci ne s’appliquent qu’à une entreprise qui veut habituer les collaborateurs à des usages qui ne sont plus les leurs !
Salopard n°4
Datafication : Cher(e)s DRH, voilà au moins 10 ans que vous investissez dans l’informatique pour votre gestion des ressources humaines. Mais le retour sur investissement est encore trop insatisfaisant. Vous avez du mal à anticiper les problèmes, à prendre les bonnes décisions et en justifier les gains. Pourtant la solution est sous vos pieds, ou plutôt dans vos bases de données avec leurs millions de mega-octets qui ne servent qu’aux reportings. Il est grand temps de vous mettre serieusement au raffinage de ces données pour en faire des informations à forte valeur ajoutée !
Salopard n°5
Talent(s) : Il est devenu ringard d’utiliser le mot « candidat ». Aujourd’hui, on ne recrute – au minimum – qu’un « talent », c’est-à-dire une aptitude davantage qu’une personne (mieux, on les chasse ces talents !). Le drame est bien là, avoir une personnalité compte bien moins qu’être un talent… En tant qu’homme, en tant que candidat, je suis une personne qui A du talent, mais je ne suis pas UN talent. Par conséquent, ne me considérez plus comme un moyen mais bien comme une fin, cela devrait participer à l’amélioration des relations entre l’entreprise et la société, l’un des fondements de la confiance restaurée.
Salopard n°6
Révolution Agile : Et si on en finissait avec le vocabulaire minier dans la sphère Managériale. Arrêter de parler de ressources humaines c’est sortir de la phase d’exploitation de l’homme comme ressource au même rang que la matière et la machine. Accepter de considérer l’humanité en entreprise comme un flux d’énergies renouvelables c’est mettre en place des mécaniques managériales permettant de primer la motivation sur la seule compétence, le plaisir à la place de l’effort , la valeur à la place de la durée, le leadership à la place du statut bref faire un bon premier pas vers l’agilité …alors agilisez-vous , libérez vos entreprises , déboulonnez les statuts, jouez au travail, retrouvez votre raison sociale et retrouvez le bon sens près de chez vous ( une chance supplémentaire de comprendre le titre en consultant le manifeste agile et en essayant de l’appliquer à la sphère RH.
Salopard n°7
Efficacité : Ces dernières années ont été marquées par la découverte des nombreuses possibilités RH offertes par le web, notamment social, et les nouvelles technologies. Et avec ces possibilités sont arrivées les théories, les envies de refaire le monde, de voir des révolutions d’usages partout, là où il y a seulement des opportunités de niches. Espérons que 2014 soit l’année du retour sur terre, avec la remise au centre des attentions de la notion d’efficacité. Que veulent vraiment les candidats ? Quels outils ont les meilleurs retours ? Ce retour à l’essentiel permettra peut-être de faire émerger de vraies innovations plutôt que des effets d’annonce.
Salopard n°8
Le command and control collaboratif : Le génie français est remarquable et notre management ressemble parfois à celui des grands corps d’état et de nos brillants énarques : une partition tout en délicatesse pour élaborer des usines à gaz. On s’étonne que les réseaux sociaux d’entreprise, les projets transversaux collaboratifs aient du plomb dans l’aile alors qu’on a gardé le même logiciel social qui est celui de l’excellence de nos élites et de l’obéissance des niveaux inférieurs, que l’on demande de collaborer tout en individualisant la performance et les résultats et que l’on donne de l’autonomie en posant des règles, des chartes, des codes et du contrôle à priori. La transformation des entreprises ne passera pas uniquement par les outils mais bien par notre vision du comment travailler ensemble plus efficacement et moins de stress !
Salopard n°9
Marque Employeur : Après Community Manager, Réseaux Sociaux, c’est l’expression de 2013 qui comme au lendemain d’un nouvel an vous provoque une indigestion. C’est le burger du McDO, on nous la propose à toutes les sauces, et souvent par des fast-penseurs aussi experts du sujet que les employés de McDO en cuisine traditionnelle (alors que dire en cuisine gastronomique) ! Et certains poussent même le vice à reprendre, à l’identique, les ingrédients de la recette en changeant juste le nom ! Vivement 2014 pour qu’on puisse voir sortir de leurs fourneaux de nouvelles variétés tels que le Mobile, le Big Data et les Mooc’s 😉
Salopard n°10
Engagement : Le mot « engagement » est un des termes les plus récurrents dans la veille RH anglophone (et de plus en plus dans la veille RH francophone). Une traduction littérale serait « engagement des employés », soit une forme d’attachement à l’entreprise. Néanmoins, deux questions majeures se posent dans toute la conversation. Quelle définition ? En effet, la traduction d’engagement par… engagement, renvoie au mot anglais « commitment » qui représenterait seulement un seul des aspects. Peut-on remplacer « engagement » par un terme plus parlant et plus équilibré ? A qui revient la responsabilité ? Quelle vision et quelles pratiques internes propres, pour aller dans le sens du développement d’environnements stimulants ?
Salopard n°11
R.O.I. : Tous les gens qui travaillent en mode projet savent très bien que » l’on ne pilote pas un projet par les moyens, mais à partir des objectifs que l’on s’est fixés ». Alors pourquoi les dirigeants qui nous entourent ne s’intéressent qu’au ROI de nos actions « innovantes » nécessaires au bon déploiement de notre image employeur ?? Pas sur d’avoir envie de devenir dirigeant au risque de changer à ce sujet 🙂
Salopard n°12
Adoption : On ne parle aujourd’hui que d’adoption par les utilisateurs. Adoption des outils, adoption de nouvelles pratiques de travail. Un mot qui dit ce qu’il veut dire : c’est une démarche volontaire qui vient de l’individu sans que rien ne lui soit imposé. Une approche qui montre ses limites quand on voit le faible niveau…d’adoption des technologies sociales dans d’entreprise. Il fait croire à l’entreprise qu’elle peut se passer d’une approche fondée sur le sens puisque c’est l’attrait pour l’outil et ce qu’il permet qui devient le point d’entrée de la démarche. L’adoption est individuelle et la somme des adoptions individuelles n’est pas une adoption collective. L’adoption fait porter l’intégralité du poids du changement sur les collaborateurs dans une entreprise qui ne remet pas en cause ses modes de fonctionnement officiels et formels. L’adoption transforme les démarches de changement en concours de beauté. Faute de s’appuyer sur le sens, faute d’être organisationnellement acceptable, le changement individuel ne se provoque plus que par la séduction, voire la supplication. Les projets se retrouvent ainsi vidés de leur substance, l’utilisation de la technologie est le seul objectif, peu importe ce qu’elle apporte concrètement à l’entreprise et à l’utilisateur.