The Michael Bay Experiment, où l’art (délicat) de prendre la parole en public !

A l’occasion d’un des plus grands salons du monde, Michael Bay devait donner la réplique au PDG de Samsung pour vanter les mérites de leur dernière innovation. Il arrive sur scène, se frotte les mains, on ne le sent pas forcément très à l’aise mais il commence rapidement à parler.

Au bout de quelques secondes, on sent le discours un peu hésitant. Il avoue que le prompteur est tombé en panne. Son interlocuteur tente de le faire parler de son métier, sujet qu’a priori il connaît parfaitement. Pourtant quelques instants plus tard, il quitte la scène de façon totalement inattendue, après avoir tenté de bredouillé une excuse.

Comment un metteur en scène qui travaille depuis plus de vingt dans le métier peine-t-il à s’exprimer en public sur son domaine d’expertise ? Au-delà des raisons qui peuvent expliquer ce qui s’est passé, et que je ne peux qu’imaginer, voici quelques explications qui restent valables pour beaucoup :

Ce n’est pas parce qu’on aime son métier qu’on aime en parler

J’ai récemment lu Quiet (qui fera l’objet d’un prochain billet), de Susan Cain, qui décrit en détail la personnalité des introvertis et des extravertis. Pour beaucoup de personnes, dont de nombreux introvertis, parler en public est un exercice difficile. Voir l’un des plus redoutés qui soit…. Aimer son métier, développer une forte expertise au fil des ans, n’avoir de cesse de vouloir se perfectionner, ne signifie en rien que l’on soit capable de décrire ce que l’on fait et pourquoi on le fait devant un auditoire : vivre de son métier et en parler en public requièrent des compétences qui n’ont strictement rien à voir. La question se pose donc du choix des personnes que l’on envoie sur scène pour parler de ce qu’elles font : tout le monde en est-il vraiment capable ?

Sans être trop manichéen, je pense que rares sont les personnes qui sont réellement dans l’incapacité de s’exprimer en public. Mais la vie étant très injuste, certains ont une grande facilité à parler de ce qu’ils font, voir aiment ça, et d’autres devront travailler et répéter beaucoup pour y arriver. Michael Bay fait a priori partie de la deuxième catégorie.

Certaines personnes ne peuvent parler en public sans savoir précisément ce qu’elles vont dire

Pour la deuxième catégorie d’individus mentionnés ci-dessus, savoir à l’avance ce que l’on va dire est essentiel ! Il faut dans ce cas humblement structurer sa présentation, écrire son texte, l’apprendre pour éviter d’avoir à compter sur un prompteur ou sur des notes. L’enjeu est de s‘en imprégner au maximum afin d’être aussi à l’aise que possible. Pourquoi ? Parce que le stress occasionné par la peur de s’exprimer en public obscurcit notre esprit, peut nous rendre confus et nous empêcher de parler du sujet que l’on connaît le mieux au monde. Sachant cela, il faut préparer plutôt qu’improviser.

L’écueil associé à une trop grande préparation est d’être trop concentré sur ce que l’on a à dire, et ne plus être suffisamment ouvert à l’auditoire. La prise de parole en public, c’est 50% d’expression et 50% d’écoute : écoute des réactions survenant dans l’auditoire, écoute des questions posées, « écoute » du niveau d’attention de l’auditoire afin d’accélérer ou ralentir si besoin, etc.

Le tort de Michael Bay est probablement d’avoir trop misé sur son prompteur, et donc d’avoir été totalement déstabilisé lorsque celui-ci s’est arrêté. Et de toute évidence, il n’a pas sur être à l’écoute de son interlocuteur. Mais les imprévus font partie des prises de parole en public, et s’avoir s’en abstraire est tout un art !

Prise de parole en public et imprévus se marient souvent mal

La prise de parole en public étant pour beaucoup un exercice délicat, la dernière chose que l’on souhaite voir se produire est précisément ce à quoi l’on avait pas pensé. Il m’est arrivé d’apprendre quelques secondes avant de monter sur scène que la présentation ne se ferait plus en français mais en anglais, d’avoir des problèmes de micro, d’ordinateur, de vidéo-projecteur, d’avoir un speaker extrêmement bruyant dans la salle d’à côté, etc.

Cela fait presque partie du jeu. L’enjeu dans ce type de situation est d’arriver à ne pas se concentrer sur l’évènement qui peut fortement perturber la présentation, mais plutôt sur les moyens de passer outre. Dans les trois cas évoqués précédemment (panne de micro, de vidéo-projecteur ou voisin bruyant), la meilleure option était de se « rapprocher » de l’auditoire et de créer davantage de proximité avec les personnes présentes. Ce qui est au départ une faiblesse peut alors se transformer en avantage.

L’une des clés est de rebondir sur l’évènement et de l’intégrer dans votre présentation. Dans le cas de Michael Bay, j’aurais joué sur la panne de prompteur pour expliquer que le métier de metteur en scène (qu’on lui demandait de décrire) consiste à écrire le meilleur story-board possible, trouver le meilleur cadrage, développer la meilleure direction d’acteurs, mais surtout savoir lors d’un tournage rebondir sur les milliers d’imprévus – comme ici la panne de prompteur – qui surviennent en permanence : acteur qui ne se pointe pas, conditions météorologiques désastreuses, problèmes techniques, contraintes de dernière minute du studio, etc.

En résumé, la prise de parole en public s’improvise finalement assez peu, et pour quelques heureux élus qui peuvent briller sans grande préparation, la plupart doivent longuement préparer ce qui va se passer pendant l’intervention. Mais s’agissant d’un exercice live, on ne sait jamais très bien ce qui peut se produire durant l’intervention. Alors il faut savoir rebondir sur le moindre imprévu pour ne pas voir sa préparation réduite à néant. Tel un instrument à cordes, il faut être ni trop tendu, ni trop détendu, et trouver le juste équilibre.

N’hésitez pas à me faire part de votre expérience pour étayer ce post 😉