Cette édition de iRecruit 2014 était particulièrement intéressante car elle illustrait parfaitement le combat (idéologique ?) féroce qui oppose les adeptes des ATS (Applicant Tracking System) contre ceux du CRM (Candidate Relationship Management).
De très nombreuses sessions extrapolaient sur l’ère post-ATS et étaient intitulées : « Recruiting in a post-ATS world », « Re-invent recruiting » , … L’idée force des tenants de l’ère post-ATS est que plus personne ne souhaite postuler sur les sites carrière des entreprises, remplir de long formulaires, vivre une expérience jonchée de 17 clics, etc. Ces mêmes personnes arguent que l’expérience offerte par les ATS est si peu adaptée aux attentes de ceux qui les consultent que seuls quelques « élus » vont au bout de la procédure, engendrant un nombre – non négligeable – de personnes qui s’arrêtent en chemin. Parmi ces « désengagés », le candidat rêvé de l’entreprise ? That is the question…
Alors que faut-il faire ? Les gourous de l’iRecruit recommandent d’accrocher toute personne susceptible d’être intéressée par l’opportunité avec un « I’m interested » plutôt que de le dégoûter avec un formulaire, pour mieux l’engager ensuite dans un processus de candidature qui ne porte pas son nom. Tout le travail du recruteur consiste alors à engager une conversation avec l’intéressé, à interagir avec lui, à lui pousser du contenu, tout cela afin de le séduire et l’attirer (cf. mon précédent billet à ce sujet).
Ce travail du recruteur s’apparente véritablement à un travail de marketer, et le recrutement se rapproche alors du Customer Relationship Management, si ce n’est ici que le « C » ne signifie pas Customer mais Candidate.
On peut alors se poser la question : le fait de postuler à une offre est-il devenu obsolète ? Cela incarne-t-il de trop un type de dialogue distant et asynchrone entre un chercheur d’emploi et un chercheur de candidat, dans un monde social qui prône la proximité et le temps-réel ?
Faux répondent les adeptes des ATS qui considèrent qu’une personne motivée à rejoindre l’entreprise doit a minima démontrer cette motivation en suivant le parcours du candidat concocté par l’entreprise. Charge à l’entreprise de rendre ce parcours le plus sympathique, adapté et personnalisé possible. Cela est aujourd’hui possible grâce à un ATS, comme l’a expliqué Chris Hoyt, Global Leader & Marketing Leader chez Pepsico qui a décrit l’approche qu’il a suivie avec succès.
Les amateurs d’ATS expliquent de façon générale que si le CRM est très intéressant pour attirer quelques profils bien spécifiques qui ne se prêteront pas au jeu de la candidature traditionnelle, cela demande beaucoup trop de temps et d’énergie pour être appliqué à la majorité des candidats. De plus, comme son nom l’indique, les ATS permettent de suivre le parcours des candidats, savoir qui a fait quoi, qui en est où, calculer le rendement de tel ou tel job-board, autant d’informations qui sont demandées aux recruteurs. Mais demandées par qui ? La direction en quête de reporting, ou les managers en attente d’un recrutement ?
Et c’est là que l’on rentre dans le deuxième grand débat de l’iRecruit sauce 2014. Les 3/4 des interventions visaient à faire émerger un nouveau paradigme, selon lequel le manager demandeur d’une nouvelle ressource n’est pas le client du recruteur mais son partenaire !!! Autrement dit, le recruteur n’est pas censé lui rendre des comptes, mais plutôt lui demander de l’aide, que ce soit en l’engageant dans la conversation avec des candidats (car après tout, qui mieux que lui peut expliquer en quoi consiste le job ?), ou en lui demandant de mettre son réseau de contacts à disposition.
Ce changement de paradigme milite davantage pour le CRM car il s’agit d’apporter du contenu et s’intéresser à ce que veut le candidat plutôt que de demander à ce dernier de remplir des tests et des formulaires pour pouvoir le filtrer plus facilement.
En réalité, je trouve que c’est Bill Boorman qui a apporté le plus de hauteur à ce débat en disant ceci : ceux qui candidatent (les candidates) s’intéressent à une entreprise quand ceux qui postulent (les applicants) cherchent du travail ! Quelqu’un s’intéressant à une entreprise voudra plus d’information la concernant, cherchera à en savoir un maximum, et il convient alors d’entamer avec lui un vrai dialogue (on est alors plutôt dans le CRM). En revanche, ceux qui cherchent du travail vont passer leur temps sur les job-boards et autres réseaux sociaux à la quête d’une offre d’emploi susceptible de les intéresser. Ces personnes là n’hésiteront pas à postuler si elles trouvent leur bonheur, que le formulaire soit un peu long ou non. On est alors plutôt dans le monde de l’ATS.
Je pense que les deux approches vont cohabiter pendant un bon moment, d’une part pour répondre aux besoins et organisations de différentes entreprises, différents pays, différentes industries, d’autre part parce qu’elles sont davantage complémentaires qu’opposées. Cela signifie néanmoins pour beaucoup d’entreprises qu’elles vont devoir s’intéresser à l’approche CRM, faire évoluer le métier du recruteur, le doter de nouveaux outils, etc. Aucun doute, une nouvelle page de l’entreprise est en train de s’ouvrir 😉