Jeudi dernier, nous avons organisé avec Sébastien Biessy, Directeur du développement RH de Clarins, un petit-déjeuner avec quelques journalistes sur le thème du « Collaborateur acteur de sa carrière ».
3 thèmes phares étaient abordés :
- La « pyramide inversée », ou comment les collaborateurs deviennent décideurs
- Le social networking et son influence sur les politiques RH
- Le manager 2.0, ou comment le manager constitue aujourd’hui l’indispensable articulation entre RH et collaborateurs
L’objet de ce post n’est pas de retranscrire exhaustivement les deux heures de discussion, mais plutôt de faire ressortir quelques points saillants.
Le collaborateur acteur de sa carrière : Mythe ou réalité ?
J’ai ardemment soutenu durant le petit-déjeuner que les collaborateurs de l’entreprise, de par l’influence de la Génération Y et du fait de l’émergence de toutes les nouvelles technologies, s’impliquent de plus en plus dans la gestion de leur propre carrière. Ils veulent de la visibilité sur leur évolution de carrière au sein de l’entreprise, substituent l’autorité à la compréhension du « pourquoi », font passer la rémunération après le sens qu’ils souhaitent donner à leur activité, etc.
Pourtant, selon Sébastien Biessy, le constat chez Clarins est légèrement différent, notant que ce constat peut probablement s’étendre à toutes les aventures entrepreneuriales que sont les entreprises « familiales ». Dans le cadre de ces « aventures », le sens est naturellement trouvé par le sentiment d’y participer et les dirigeants incarnent naturellement ce sens. Le sens est avant tout collectif plutôt qu’individuel. De fait, les collaborateurs, en tant qu’acteurs, que parties prenantes de l’entreprise, remettent moins en cause chaque décision. Dans ce cadre, le collaborateur peut certes gérer sa carrière, mais en l’inscrivant toujours au sein de l’intérêt collectif, et non en privilégiant son seul et unique intérêt.
Le sondage en ligne Ifop – réalisé du 2 au 7 mai 2011 auprès d’un échantillon de 1003 personnes représentatif de la population cadre sous contrat de droit privé – et publié dimanche dans le JDD tend à démontrer que « gagner plus » reste la raison principale motivant un changement d’emploi. Cela vient également altérer la fameuse « quête de sens » des collaborateurs.
On peut donc se demander si le thème du collaborateur acteur de sa carrière est un mythe ou une réalité ! Je crois que finalement ce thème est d’actualité et émerge fortement pour de bonnes raisons, mais ne s’applique pas de la même façon à toutes les populations et à toutes les entreprises. De nombreux post vont suivre concernant la façon de s’y prendre.
Sébastien Biessy confirme néanmoins qu’impliquer les collaborateurs dans la gestion de leur carrière et les amener à davantage se remettre en cause est aujourd’hui une nécessité, compte-tenu de l’environnement extrêmement compétitif dans lequel les entreprises évoluent.
Le social networking s’apprivoise-t-il ?
La vague du social networking a largement dépassé les frontières de la sphère privée pour s’inviter dans le monde de l’entreprise. Mais tant de questions se posent :
- Quel est l’intérêt d’un réseau social pour l’entreprise ?
- Comment maîtriser la communication ayant cours au sein d’un réseau social ?
- Doit-on parler d’administrateur, de modérateur, de superviseur, … ?
- L’insertion d’un réseau doit-il modifier l’organisation de l’entreprise ?
- Etc.
La conclusion sous forme humoristique proposée par Sébastien Biessy, paraphrasant Jean Cocteau est assez simple : « Quand les évènements nous dépassent, feignons de les organiser ». Les réseaux sociaux d’entreprise ne sont-ils ainsi qu’une tentative d’organiser ce qui échappe aujourd’hui à l’entreprise, et en particulier son e-réputation ?
Je pense personnellement que si la question de la « maîtrise » de la communication reste un vrai sujet, les fonctionnalités proposées par un réseau social d’entreprise peuvent constituer de vrais avantages pour les RH :
- Fluidifier la gestion de projets en offrant au sein d’un même outil des mécanismes d’invitation des participants, de partage de documents, de communication informelle, etc.
- Faciliter la vente des plans de formation en impliquant les collaborateurs eux-mêmes dans le processus de vente
- Faire du « push intelligent » des offres d’emplois
- Avoir davantage de visibilité sur les aspirations et attentes des collaborateurs
- Insérer des » valeurs RH » dans le travail mené par le marketing sur l’e-reputation
- Etc.
Comment s’y prendre ? Quand ? Avec qui ? Ces questions demeurent, et peuvent également donner lieu à de nombreux posts…. S’il est difficile d’apporter des réponses fermes et définitives par manque de recul, il faut assurément les prendre en considération, et ce quelque soit le type d’entreprise, car l’usage des réseaux sociaux est aujourd’hui omniprésent.
Le rôle du manager a-t-il réellement changé ?
Selon Sébastien Biessy, le manager a toujours eu pour vocation d’accompagner ses collaborateurs afin de les développer et de les amener à plus de performance. Ce qui change, ce sont finalement les moyens dont il dispose pour accompagner ses collaborateurs.
Il peut aujourd’hui s’éviter d’aller à la pêche aux informations grâce à toutes les notifications et autres alertes proposées par les nouvelles technologies, peut faciliter la communication informelle avec les « chat » et autres post, peut également mettre à disposition de ses collaborateurs tout un ensemble de matériaux RH difficilement partageables il y a encore quelques années, etc.
Je pense également que le rôle du manager en tant que développeur/coach est plus important que jamais car l’un des grands enjeux auxquels les collaborateurs sont confrontés est de faire face à une complexité croissante de l’environnement de travail. Il doit comprendre comment ses collaborateurs vont pouvoir se développer dans cet environnement complexe, développer davantage de proximité avec eux, adapter leur environnement de travail, clarifier les enjeux et objectifs de l’entreprise, etc. Sébastien Biessy met pour sa part en évidence le rôle du manager « porteur de sens », bouclant ainsi avec le premier paragraphe ! En retour, le manager doit faire comprendre à ses collaborateurs que la tenue des objectifs est plus importante que jamais compte-tenu de la compétitivité ambiante. En bref : communiquer sur les droits et les devoirs de ses collaborateurs.
En conclusion de notre petit-déjeuner, nous sommes tombés d’accord pour dire que le rôle du collaborateur au sein de l’entreprise est incontestablement en train de changer , même si la nature et la rapidité de ce changement sont à adapter en fonction de chaque entreprise, chaque culture, chaque organisation, etc. En particulier, notre discours concerne essentiellement les cadres de l’entreprise car pour parler de réseaux sociaux et de 2.0, il faut déjà avoir accès à un poste de travail informatique, ce qui est loin d’être systématiquement le cas pour les populations non cadre.
La cible reste toujours la même : une relation gagnant-gagnant entre les collaborateurs et l’entreprise, le développement et l’épanouissement des uns alimentant la performance et les contraintes économiques de l’autre. Veillons à ce que cet objectif ne concerne pas qu’une poignée de collaborateurs !
Mythe! Mais on peut toujours rêver…
Le collaborateur, acteur de sa carrière: a-t-il vraiment le choix ?
Les objectifs d’une entreprise et des collaborateurs finissent souvent par diverger.
Par exemple: vouloir gagner plus peut correspondre à une évolution de la vie personnelle du collaborateur: mariage, enfants, etc… Ce qui ne correspond pas forcément aux objectifs de l’entreprise.
Sans compter les changements à l’intérieur des entreprises, susceptibles d’être accompagnés de décisions douloureuses pour les collaborateurs.
Par conséquent, il faut que les entreprises, comme les collaborateurs acceptent cette nouvelle donne.