Comme l’expliquait le précédent post (Savoir jouer avec ses qualités), la gestion des talents revêt des significations différentes selon les entreprises. Selon son organisation, sa culture, son secteur d’activité, sa taille, sa maturité, ses pratiques, etc., les enjeux prioritaires de la gestion des talents peuvent varier d’une entreprise à l’autre.
En schématisant un peu, on peut considérer qu’une démarche de gestion des talents suit trois grandes vagues :
1. L’efficacité
Une démarche de gestion des talents démarre souvent par la volonté d’optimiser certains processus RH mal structurés. Il y a 4 ans, on rencontrait fréquemment des entreprises nous expliquant qu’elles employaient trois stagiaires tout l’été pour transférer les entretiens d’évaluation papiers sur des template Excel et en tirer ensuite quelques statistiques.
Bien souvent, ces mêmes entreprises nous expliquaient que cela prenait tellement de temps que les statistiques attendues arrivaient souvent après qu’elles aient déjà bâti leur plan de formation…. Et que bien sûr, les template Excel en questions était truffés d’erreurs dues à la recopie manuelle.
Même si cela paraît anecdotique, beaucoup d’entreprises étaient – et sont encore – dans ce cas.
Pour ces entreprises, construire un plan de formation, organiser la revue des salaires ou même centraliser des informations sur leurs collaborateurs n’est pas beaucoup plus simple.
Une démarche de gestion des talents doit donc en priorité viser trois enjeux : Fluidifier les processus RH ; les optimiser ; donner plus de flexibilité aux acteurs RH.
2. L’intégration
Quand la première vague est passée et que les processus RH sont plus efficaces, la question se pose de savoir comment les faire mieux communiquer entre eux :
- Utiliser son référentiel emplois-compétences dans le cadre des entretiens annuels
- Tirer profit des entretiens annuels pour construire son plan de formation
- Exploiter sa revue d’objectifs dans le cadre de la revue salariale
- Mettre en cohérence plans de succession et plans de recrutement
- Tout aussi ambitieux pour les entreprises décentralisées ou internationales, faire qu’un processus RH soit à peu près exécuté de la même façon d’une entité à l’autre
L’enjeu d’intégration est clé pour donner une certaine cohérence à la politique RH et faire en sorte que celle-ci soit directement corrélée à la stratégie de l’entreprise.
3. La collaboration
Peu à peu, de par la montée en puissance sur le marché du travail de la désormais fameuse « génération Y », de par « l’aplatissement » des organigrammes dans de nombreuses entreprises, mais aussi de par l’émergence d’applications informatiques faisant passer l’utilisateur de la position de « lecteur » à celle de « contributeur », les collaborateurs de l’entreprise se voient confier de plus en plus de responsabilités.
Encore récemment, dans le domaine grand public, Google a accentué cette position de contributeur occupée par l’utilisateur. Avec sa version Panda, Google a fait passer les moteurs de recherche d’une logique SEO (Search Engine Optimization) à une logique UO (User Optimisation). Le fournisseur s’efface au profit de l’utilisateur avec son nouvel algorithme destiné à donner une plus grande visibilité aux contenus web originaux, uniques et de qualité.
Impossible dans ce contexte de ne pas impliquer les collaborateurs dans la gestion de leur propre carrière (cf. post Le collaborateur acteur de sa carrière : mythe ou réalité ?).
L’enjeu de la gestion des talents est ici d’associer les collaborateurs, mais aussi les managers, aux processus RH afin d’accroître leur efficacité et de renforcer leur intégration. Il s’agit de permettre aux collaborateurs :
- D’exprimer leurs souhaits de mobilité (fonctionnelle ou géographique) et de formation
- De candidater aux offres d’emploi
- De compléter leur profil en ligne
- D’accéder aux matériaux RH de l’entreprise : référentiels emplois-compétences, catalogue de formation, bourse à l’emploi
- …
Les managers sont eux chargés de devenir de véritables « partenaires RH » en charge de piloter une campagne d’évaluation au sein de leur équipe, d’identifier les talents de demain, de s’impliquer toujours davantage dans les processus de recrutement, etc. Plus l’entreprise est décentralisée ou dispersée géographiquement, comme par exemple dans le secteur de la grande distribution, plus ce rôle RH est important pour les managers.
Bien sûr, cela ne doit pas se faire au détriment de leurs activités opérationnelles. Il s’agit donc de leur fournir les outils appropriés, ce qui est également nécessaire pour les collaborateurs.
Alors pour les entreprises les plus chanceuses qui ont déjà surfé avec succès sur ces trois vagues, what’s next ?
4. La vague sociale
La déferlante Facebook et le succès grandissant de réseaux sociaux tels que Twitter, LinkedIn et plus récemment Google+ montrent que la vague « sociale » n’est plus un épiphénomène. Concernant la gestion des talents, la principale différence avec la vague collaborative est qu’il ne s’agit plus seulement d’outils pilotés par la RH requérant la participation des managers et des collaborateurs. Il s’agit de l’outil de travail de tous !
Concrètement, la vague sociale doit permettre de poursuivre les efforts entrepris pour améliorer l’efficacité et l’intégration de processus RH « top-down » tels que la construction du plan de formation ou l’exécution des revues de salaires. Mais cette vague doit aussi permettre d’initier de nouvelles pratiques RH et de faire vivre ces mêmes processus RH selon une démarche « bottom-up » !
Quelques exemples ? L’exécution des plans de formation demande aujourd’hui aux RH de couteux efforts afin de faire connaître le plan auprès des collaborateurs d’une part et d’aligner le calendrier des sessions de formation avec le calendrier opérationnel des collaborateurs d’autre part.
En favorisant les fonctionnalités de ‘Partage’ de l’information et de ‘Commentaires’, les collaborateurs contribuent eux-mêmes à faire connaître le plan et facilitent le travail des RH.
En étendant la notion de notifications automatiques à tous les évènements RH de l’entreprise, les collaborateurs sont informés en temps réel des initiatives RH et peuvent adapter eux-mêmes leur calendrier aux initiatives qui les concerne.
S’il est nécessaire d’obtenir la validation du manager avant de confirmer l’inscription d’un collaborateur à une session de formation, rien n’empêche de désigner le manager en question parmi son réseau de contacts plutôt que de gérer des workflows de validation bien trop complexes.
Dangereux ? Utopique ? Le CE n’acceptera jamais ? En réalité, cette vague est déjà en train de déferler au sein de nos entreprises mais par le biais de réseaux sociaux externes. Le « gap » à franchir consiste précisément à accepter cette vague et à surfer dessus, en mettant les innovations proposées par les réseaux sociaux au service des processus de gestion des talents de l’entreprise. Et associer ainsi l’ensemble des collaborateurs à la démarche de gestion des talents.
Bien sûr, cela doit s’accompagner d’une réflexion au plus haut niveau de l’entreprise, d’une démarche bien pensée de conduite du changement, etc. Mais plutôt que de gadgétiser les réseaux sociaux en voulant développer son propre réseau social d’entreprise, mieux vaut prendre le problème par le bon bout et investir sur le long terme 😉