Bonjour, je m’appelle Yann Kahloun et suis Consultant technique chez Talentsoft. J’ai récemment eu l’occasion de discuter avec une personne travaillant dans un domaine particulier et peu connu (de moi en tout cas) : l’encadrement et l’accompagnement des décisionnaires. Pour dépeindre rapidement ce métier, on pourrait dire qu’il s’agit d’un genre de psychologue de la vie professionnelle. Comme pour les professionnels de la psychanalyse, ces coachs doivent être suivi par un de leur pairs. Pendant ces séminaires, il leur est demandé d’expliquer et de mettre à plat les relations qu’ils entretiennent avec leurs clients.
Au fil de ces rencontres, mon interlocuteur s’est aperçu que les soucis, risques et autres besoins, dont lui fait part sa clientèle, varient en fonction de l’âge. Alors oui, l’âge joue sur le degré de responsabilité hiérarchique du « patient », mais ce n’est pas là où nous souhaitons en venir. Notre « professionnel de la santé » a identifié deux catégories aisément calquées sur les générations X et Y.
Respectueux de la déontologie, il choisit de rencontrer la personne qu’il a choisie pour son suivi. C’est ainsi qu’il se vit convier à un énième atelier dont le sujet était « Les tabous innés« . De quoi s’agit-il ? Les tabous innés seraient des barrières à ne pas franchir que l’on nous fixe très tôt. Nous sommes intimement persuadés du bienfondé de ces tabous mais éprouvons quelques difficultés à expliquer pourquoi.
Nous sommes bien d’accord, les deux générations présentent des différences :
- Moyens de communication privilégies
- Méthode d’approche et de résolution d’un problème
- Sujets d’inquiétudes
- Sens du respect
- Mobilité professionnelle
- ….
Changement de mœurs, certes, mais de quoi découlent-ils ? J’aime beaucoup l’idée de s’interroger sur les différences de tabous entre générations. Je peux affirmer par exemple que mes parents se seraient pendus plutôt que de parler de leur rémunération annuelle à toute personne n’appartenant pas à notre famille nucléaire. Personnellement (et je le constate chez d’autres spécimens), je n’ai aucun problème à m’en ouvrir et estime même sain de parler d’argent avec les personnes proches de moi sur les plans professionnels et/ou privés (non je n’irai pas jusqu’à l’écrire dans les commentaires…).
Mieux encore que le constat, la recherche de l’origine ! Pourquoi ce changement de cap ? J’aurais tendance à parier sur une influence étatsunienne. A moins que le besoin de mobilité de la nouvelle génération ne soit à l’origine de cette nouvelle « liberté d’expression » ?
Et vous ? Avez-vous perçu la disparition de certains tabous et l’apparence de nouveaux ? Que vous soyez d’une génération ou de l’autre, c’est avec plaisir que je lirai vos commentaires. Après tout, on est encore ensemble pour un moment :).
J’aime quand un plan se déroule sans accroc…
Well done Yann!
Aidés par l’avantage générationnel exorbitant que leur procure leur approche naturelle des réseaux et applications informatiques, beaucoup de membres de la Génération Y se sentent très vite à l’aise dans l’environnement de l’entreprise et souvent trop tôt selon les X et de façon trop violemment affirmée pour les cadres rigides de l’entreprise. Quand cela ne mène pas à un rejet rapide, ces questionnements précoce des Y marquent leur incompréhension des tabous structurants de l’entreprise traditionnelle, globalement intégrés par les générations plus âgées. C’est l’occasion pour l’entreprise de questionner ces tabous (et pour les plus têtus des Y de prendre aussi un peu de plomb dans la cervelle!). Ces règles qui veulent qu’on fasse sagement ses classes avant de s’affirmer pour – au train où vont les carrières et les innovations – n’avoir l’occasion de le faire que lorsque le quotidien et les contraintes de la structure les auront usés.
Le jeune Y prend donc ses aises rapidement. Il sacrifie en outre plus volontiers les tabous de séparation vie privée / vie pro ce qui questionne à la fois certains principes (donc certains tabous) liés à la protection et l’encadrement des salariés mais ruine aussi tous les efforts qu’avait fait l’entreprise pour ignorer et éloigner les considérations affectives dans le travail.
Comme l’ont souligné les rares sociologues sérieux qui se sont penchés sur la question de la jeunesse en France (et qui prendront donc le Y avec les pincettes dont cette lettre à la forme), cette jeunesse y est particulièrement éclatée avec des fractures plus importantes en son sein que celles qui les distinguent de leurs aieux de même milieu social, d’environnement familial ou de traditions professionnelles similaires. Mais si une expérience commune doit transcender la diversité trop souvent sous-estimée de la génération Y et faire évoluer des tabous dans le cadre de l’entreprise, il me semble qu’elle se situe bien au niveau de l’expérience affective que cette génération projette dans son environnement de travail. C’est ce qu’avaient fait sous un forme différente les baby-boomers qui ont eux aussi brisé leur lot de tabous. Quand on se demande si cette génération s’est volontairement fondue dans la moule en assumant ses frustration (tabou du cynisme) ou si elle n’a au contraire pas été écoutée faute d’être assez nombreuse démographiquement comme les baby boomers ou de n’avoir eu d’autres révolution technique sur laquelle surfer que le Fax et la suite Office.
Cette question des tabous est intéressante en ce qu’elle dépasse la question des générations X et Y et pose celle du vecteur de changement profond dont toutes les jeunesses ont toujours été le véhicule. Un domaine de réflexion qui est encore largement du domaine de l’inpensé au sein des entreprises françaises.
Merci beaucoup pour cette réflexion !
La complexité du sujet tient au fait que l’analyse est largement multidimensionnelle, liée à :
– la culture et géographie considérée : quels déterminants communs entre – par exemple – la jeunesse chinoise, américaine ou italienne ?
– le secteur d’activité considéré ?
– le métier considéré ?
– le niveau de qualification ?
– la personnalité (eh oui, cela reste finalement le différentiant le plus important entre deux individus… 🙂
– etc.
L’intérêt de ce type de réflexion est que les personnes concernées, RH en tête, puissent se l’approprier au sein de leur environnement afin d’adapter la culture, l’organisation, le rapport à la technologie, etc.
Et je vous rejoins, la question est largement sous-estimée, malgré la prolifération par passes d’articles sur la question.
++
Alex