En lisant le GQ numéro 57 du mois de novembre, j’ai découvert avec stupéfaction dans un article de Dorian Dumont le successeur de l’übersexuel. Il s’agit du datasexuel ! Ce n’est pas tant le fait que les médias chassent les tendances qui m’a étonné, mais plutôt la description de cette nouvelle catégorie d’individu. Pour faire simple, le datasexuel est une personne qui se forge une solide image d’elle à partir de Like, de followers, et de toutes les données personnelles qui lui permettent de forger sa légende sur le Web ! L’article répond indirectement par la positive à la question posée il y a quelques temps dans un billet : le personal branding influence-t-il nos comportements ?
Ce terme de datasexuel ne nous fait pas découvrir que les réseaux sociaux font largement appel à la dimension narcissique qui est en nous. Il explique en revanche que l’on peut finir par croire à la réalité de notre alter-ego virtuel, que nous avons construit – plus ou moins consciemment – à grand renfort de photos de vacances nous montrant en train d’hypnotiser un cobra, de check-in dans des endroits « cool », etc. Le datasexuel utilise bien sûr tous les outils relatifs au mouvement du « Quantified Self » très bien décrit pas Emmanuel Gadenne.
L’article met en évidence que cette construction virtuelle a une réelle incidence sur notre confiance en soi, à tel point que certains twittos ayant plusieurs milliers de followers se croient irrésistibles. Comment la séduction, ce phénomène aussi intangible, mystérieux et magnétique, peut-il être influencé par une donnée quantitative provenant des réseaux sociaux ? Un beau-parleur numérique peut s’avérer d’une infinie maladresse dans la vraie vie, et casser le charme discutable d’un imposant réseau de contacts. Le journaliste souligne d’ailleurs intelligemment que les personnes charmées par une star numérique espèrent en fait davantage que la star en question parle d’elles sur Twitter plutôt que de passer une nuit endiablée.
L’article met également très bien en évidence que la course aux followers ou une omniprésence sur les réseaux peut masquer un vide ressenti dans la « vraie vie ». Sherry Turkle n’a-t-elle d’ailleurs pas très bien résumé cette étrange situation dans le titre de son ouvrage Alone together ? Les réseaux sociaux, et Facebook en tête, nous donnent l’impression d’être connecté les uns aux autres, quand bien même on est seul devant son écran par un pluvieux dimanche après-midi.
Et cette volonté d’échapper à la solitude n’est-elle pas démasquée lorsque l’on guette toutes les 3 minutes l’arrivée d’un email, d’un commentaire, d’un Like ou toute autre forme de manifestation nous donnant l’impression d’être au centre de toutes les attentions ? Notre addiction aux réseaux sociaux ne crée-t-elle pas finalement un mirage relationnel ? Comme je l’ai déjà dit dans un précédent billet, on peut très bien avoir 800 contacts Facebook et déjeuner tout seul à la cantine….
Sommes-nous toujours, comme l’indique le journaliste, en train de rechercher à être le plus cool de la classe ? La surconnexion est-elle censée réparer l’adolescent frustré de ne pas avoir été la star du lycée ? Autant de questions auxquelles les sociologues pourront tenter de répondre dans les années à venir puisque l’on en est probablement qu’aux balbutiements de l’ère sociale…. A suivre 😉
Très bon, merci pour ce billet !
Pour la postérité, il faut se poser la question.
Perso, je suis au niveau le plus bas de l’utilisation des réseaux sociaux et préfère sans équivoque la rencontre « réelle » plutôt que la rencontre « virtuelle » quand c’est possible. Quoi qu’en train de passer au stade « timide ». Les réseaux sociaux apportent un vrai service, selon moi, pour échanger avec les proches ou amis qui sont loin et que l’on ne voit pas régulièrement. Mais c’est tellement plus « vrai » (malgré les maladresses ou les bourdes) de se voir physiquement. Je conçois que c’est un moyen pour certains de se faire « connaitre » ou « liker » mais c’est très éphémère quand même comme émotion. Si communiquer via les RS est une pratique pour ceux qui n’aiment pas communiquer en « live » qui mène à apprécier les bienfaits et à se lancer pour échanger davantage en « live », alors c’est utile.
Mais non Alex tu n’as pas besoin de millions de followers pour être irrésistible auprès de ces dames ;0) , merci pour cette découverte en tous cas !!!
Je n’ai pas attendu d’avoir des milliers de followers pour savoir que j’étais le meilleurs…
Comment ça je n’ai pas de milleiers de followers… ahh.
Très bon article sinon, qui montre bien les limites de ce que j’ai déjà vu appelé « le posteur merdeus » il y a quelques années, à savoir la personne qui après avoir posté un twitte,un statut facebook, un commentaire sur un blog ou un article passe le reste de sa journée à actualiser son navigateur dans l’attente fébrile de commentaires…
F5.
F5. 😉
100% d’accord.
Autrement dit, quel est le sens d’une communauté virtuelle ? Liker n’est-il rien d’autre qu’un artefact… Le procès non pas en sorcellerie, mais en ringardise qui peut en découler de cette constatation à parfois raison du simple bon sens.
Les réseaux ouvrent des nouveaux champs (horizons ? !) par exemple les liens faibles, difficiles à matérialiser dans la vie réelle. Se rencontrer brièvement dans un séminaire, par exemple, et discuter sympathiquement donne difficilement lieu à une suite « classique ». Elle pourra en revanche susciter un lien sur un RS. Qui pourra trouver sa place lors d’un échange dont l’implication sera cohérente avec une relation très tenue. Mais confondre ceci avec un lien plus affirmé est illusoire.
Nous n’avons pas de mot spécifique pour désigne ce type de lien faible. Notre vocabulaire assez peu nuancé (lien, relation, contact, sans parler bien sur d’amis) favorise-t-il cette perte de repères ? Où la quète d’une « starisation » , promesse implicite du RS ?
A suivre !