Avec la récente sortie de mon livre (les nouveaux Horizons RH), j’ai eu l’occasion d’échanger avec de nombreux consultants, RH, clients et collègues, à propos du rôle du DRH dans l’entreprise. J’ai également récemment eu une riche discussion avec Franck La Pinta à ce sujet. Pour toutes les raisons évoquées dans l’ouvrage (et le billet associé), je considère que le DRH est aujourd’hui le mieux positionné pour conduire le changement et aider l’entreprise à muter !
La mutation dont il est question ici consiste à réconcilier notre façon d’être dans notre vie perso, de collaborer, de partager, de converser, encouragés par les médias sociaux, avec notre comportement en entreprise. Celle-ci a encore largement l’habitude de positionner – en tout cas en France – les collaborateurs dans un simple rôle d’exécutant, fort de l’influence du Taylorisme et de notre histoire, et de les priver de toute l’autonomie dont ils bénéficient dans leur sphère personnelle. Autonomie ne rime pourtant pas avec « menu à la carte » mais avec capacité à décider de la meilleure façon de répondre aux responsabilités qui nous sont confiées ! Un meilleur usage des médias sociaux en entreprise peut aider à réconcilier sphères personnelle et professionnelle.
Face à ce postulat concernant le rôle du DRH, on m’avance souvent un certain nombre de contre-arguments, de contre-exemples, l’un des plus récurrents étant le fait que le directeur de la communication (i.e. Dir Com’) est finalement – et bizarrement ? – un sérieux concurrent du DRH quant à la mutation sociale de l’entreprise.
Le lien entre l’entreprise et les médias sociaux s’est effectivement bien illustré en 2012 sur la publication d’offres d’emploi sur les réseaux sociaux de type LinkedIn ou Facebook. Mais la publication d’offres d’emploi renvoie de façon plus générale à la question de la marque employeur de l’entreprise, qui est aujourd’hui à cheval entre communication et RH. Et encore avant cela, l’entreprise a d’abord perçu l’intérêt des médias sociaux comme un fabuleux vecteur de communication sur la marque tout court ! Ce n’est pas Burberry et ses 15 millions de fans qui me contrediront.
Le Dir Com’ a donc une longueur d’avance en termes d’application des médias sociaux à ses processus métiers. Par ailleurs, il a l’écoute naturelle de la Direction Générale, de par la nature même des activités du secteur communication. Corrélé à cette interaction avec la Direction Générale, le Dir Com’ a une forte culture de négociation des budgets, ce que le DRH n’a pas forcément dans ses compétences métiers. Cela présente l’avantage de pouvoir mettre en place un certain nombre de dispositifs et de pilotes, notamment sur les médias sociaux, que le DRH peine davantage à mettre en place.
Je vois par exemple comment bon nombre de mes clients, qui sont majoritairement des RH, ont du mal à imposer la nécessité de disposer d’une page entreprise LinkedIn ou Facebook pour faire connaître les métiers de l’entreprise et supporter leur processus de recrutement. Et quand ils y arrivent, ils doivent de toute façon se coordonner avec la communication qui reste maître du « contenant ».
Une fois cette apparente opposition établie entre DRH et Dir Com’, je pense en réalité qu’il s’agit d’un partenariat qui s’ignore ! Le Dir Com’ n’a pas dans sa feuille de route l’objectif de rendre les collaborateurs heureux, pas plus que de chercher à mettre en adéquation les compétences des collaborateurs avec les besoins de l’entreprise pour la rendre performante. Communication et ressources humaines ont des missions complètement différentes qui ne se rejoignent souvent que le temps de faire bon usage des médias sociaux. Pourquoi ne pas plutôt voir ici une formidable opportunité de bâtir une stratégie globale autour de la marque de l’entreprise, de sa culture, ses valeurs, ses métiers, ses produits ? Stratégie qui se déclinera de différente façon selon l’angle par lequel on l’aborde, plutôt RH ou com’.
Sans compter que la satisfaction des collaborateurs passe également par une amélioration de la communication interne. Les employés sont souvent les derniers a être informés des projets de l’entreprise, la communication se focalisant d’avantage sur l’extérieur que l’intérieur. La RH a tout intérêt a mieux travailler avec la communication afin de palier à ce dysfonctionnement tant répandu. A ce titre, les réseaux sociaux d’entreprise constituent un outil intéressant, qui peine néanmoins à trouver ses membres s’il ne sert pas un ou plusieurs processus métiers. Leur application aux processus RH est naturelle puisqu’ils concernent par définition l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise.
Et puis parler de compétition dans le cadre du bon usage des médias sociaux est totalement paradoxal puisque tout l’enjeu est de tendre vers plus de collaboration. Alors DRH et Dir Com’, tandem clé de 2013 ?
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On pourrait aussi argumenter que le Directeur marketing doit travailler plus la main dans la main avec le Directeur Commercial (pour mieux aligner les campagnes de communication avec celles de prospection), ou que ce dernier doit mieux se coordonner avec le Directeur de production (pour éviter les retards de livraison), ou encore que le DRH a intérêt à s’allier au Directeur de Production (pour faire diminuer le turnover), …
Je crois surtout que ce qu’il faut arriver à faire, c’est que les Directeurs, quel que soit leur département, apprennent à travailler ensemble pour tirer le bateau ‘Entreprise’ dans la même direction au lieu de se voir comme des chefs d’un clan à protéger contre les attaques sournoises des autres départements …
Bonjour Xavier.
Tout à fait d’accord avec vous.
Cependant, difficile d’atteindre ce noble objectif en un coup… D’où l’idée de commencer par créer des binômes « naturels ».
Affaire à suivre donc 😉
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bonjour Alex, merci pour la citation, et pour ce billet 🙂
Je te rejoins pleinement, et je crois effectivement que les équipes RH et COMM, et leurs patrons n’ont d’autre choix que collaborer, et ce pour différentes raisons :
> les traditionnelles segmentations entre les différents territoires d’expression des marques (comm financière, mécénat, promotion produit…) sont en train de disparaitre car cette logique s’appuyait sur la segmentation entre médias, entre le médias et le hors médias
> les territoires de comm RH ne peuvent être ignorants de la stratégie de l’entreprise : c’est cette stratégie qui définit l’identité RH, l’identité RH qui définit le marketing RH et les grandes orientations, le marketing RH qui va avoir une traduction resserrée dans la marque RH
> le volet RH sera demain un des plus important aspects de la réputation corporate, car l’emploi et le chomage vont durablement devenir des préoccupations majeures de la société civile, on va se soucier de plus en plus des conditions dans lesquelles un bien est produit ou un service délivré. Je pense notamment à Apple et ses usines en Chine, les délocalisations de Renault, ou le discours « made in France » de A. Montebourg, qui quoi qu’on pense du personnage est à mon avis une tendance profonde
> autre point, la communication, qui avait pour vocation de communiquer sur le métier, est en train de devenir de plus en plus le métier lui-même (cf les knowledge worker, les NTIC, …) ; l’information devenant le bien échangé dans la transaction.
> et pour finir sur un registre très terre à terre, les contraintes financières pesant sur les entreprises les obligent à optimiser des budgets de communication qui ne l’étaient pas toujours.
Merci pour ce commentaire éclairé !
Hello Alex,
allez je vais un petit peu casser le consensus qui tourne un peu au monde des bisounours. Certes le DRH est légitime, mais dans le monde merveilleux qui s’appelle théorie tout fonctionne, dans la vraie vie…
Dans la réalité, et c’est la pas la dernière étude sur la DRH et la e-transformation (http://poncier.org/blog/?p=5791) qui dira le contraire, le DRH est à la « ramasse ». Avoir une vision sur l’entreprise digitale, je connais peu de DRH qui ont une vision de ses enjeux et je ne parle pas d’une pratiquen parce que là… Chaque début d’année, depuis des années, je publie une tribune sur le rôle légitime du DRH et quand j’arrive à la partie maturité et développement j’ai l’impression de ne pas avoir trop avancé de psui des années.
Donc légitime oui de par son rôle, mais pas par son discours et sa matrîse du sujet. Sans parler de son engagement dans ce type de projet. Et comme la nature a horreur du vide, oui la Dircom c’est engouffré dans la brêche par opportunisme mais aussi pour de bonnes raisons. Et l’IT n’a pas dit son dernier mot. Si la DRH veut retrouver une véritable légitimité, elle va falloir qu’elle montre sa valeur ajoutée. Ce n’est pas fait pour le moment, car cela veut dire remettre à plat les processus RH face au collaboratif et ça elle n’y est pas prête.
Mmmm, un débat, excellent ! 🙂
Je ne suis qu’à moitié d’accord avec toi ! Sur le thème « le DRH est-il prêt, aujourd’hui, à retrousser les manches et à faire bouger culture, orga, process, etc., pour aller vers plus de collaboration », je dirais qu’il est de plus en plus sensibilisé, mais pas qu’il est prêt ! A de rares exceptions…
En revanche, pour ce qui est de la mise à plat des process, j’ai un certain nombre de clients qui font bouger les lignes et remettent en question des valeurs refuges telles que les tests de recrutement, les workflows de validation à 12 niveaux, la tenue du plan de formation par le seul responsable formation, etc. Ils voient depuis le milieu des années 2000 l’intérêt d’impliquer davantage les collaborateurs dans leur carrière, car c’est à la fois un gage d’efficacité et de satisfaction. Ils commencent seulement, c’est vrai, à prendre conscience que les médias sociaux en général (et les réseaux sociaux en particulier) peuvent aider à la manœuvre. Mais contrairement à 2012, j’ai cette année des projets concrets qui visent à faire le pont entre RH et médias sociaux, et ce au sein d’entreprises de renom.
Alors je dirais ceci : la bataille est loin d’être gagnée, mais elle est maintenant entamée !
On en reparle à l’E20 summit de mars ? 😉
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L’antinomie historique entre DRH et Dir’Com trouve, à mes yeux, ses origines dans leurs formations initiales et objectifs.
Basiquement, l’objectif du Dir’Com est de « faire parler de l’entreprise » et de prendre des risques (mesurés) pour y parvenir. Le DRH, généralement expert du droit social, a un objectif opposé : ne surtout pas faire de bruit ; éviter les mouvements sociaux, les grèves… et un « bruit médiatique » qu’il perçoit négativement.
L’un des enjeux pour que le binôme fonctionne est sans doute, pour le DRH, de passer d’une analyse du risque à celle de l’opportunité… C’est un vaste, mais passionnant chantier.
Bonjour,
Je rejoins le commentaire de Xavier même si effectivement la collaboration en entreprise est parfois très loin du monde des bisounours. D’autant que les objectifs de chaque pôle cité peuvent parfois sembler être en contradiction avec ceux des autres.
Mais il me semble pour pour le cas précis des réseaux sociaux d’entreprise la coopération doit être à 3 têtes : RH, Com’ _ET_ DSI.
Car la DSI rencontre elle aussi des demandes et besoins qui peuvent être comblés grace à l’installation d’un RSE (sécurisation des échanges, partage de données, archivage en ligne, etc), sans parler du fait que c’est elle qui va se retrousser les manches pour le mettre en place.
A mon sens la DSI est trop souvent considérée comme la branche « ouvrière » de l’entreprise, et dévalorisée vis à vis de pôles plus « intellectuels » tels que la Com’ par exemple, alors que son rôle dans la modernisation des outils de travail, tels les RSE, est primordial.
Au final l’installation d’un réseau social d’entreprise devrait être l’occasion de faire évoluer les modes de travail au sein de l’entreprise vers un fonctionnement véritablement collaboratif, à tous les niveaux.
Tout à fait d’accord sur le tryptique que vous évoquez !
Même si je suis tout à fait d’accord avec vous sur l’apport possible de la DSI, je crois que son implication dépend beaucoup de la taille et de la culture de l’entreprise.
Salesforce parle directement avec la SI d’AXA pour implémenter Chatter car il s’agit d’un groupe du CAC40 et rien – afférent à la technique – ne peut être décidé sans l’implication de la SI.
En revanche, quand j’aborde la publication d’offres d’emploi sur Facebook avec des PME telles que La Française des Jeux, Faiveley, Vivarte ou PagesJaunes, j’en parle à des RH. Les personnes de la com’ ne sont jamais très loin. Mais à partir du moment où l’usage des médias sociaux ne nécessite pas forcément de compétences techniques, les SI ne sont que très rarement sollicités, sauf quand sont abordées les questions de sécurité informatique.
Néanmoins, je vous rejoins sur le fait que la SI peut être force de proposition sur des outils tels que les RSE et qu’ils devraient être systématiquement mis dans la boucle, moins pour aborder les traditionnelles questions informatique que pour éclairer sur les futurs usages.
A suivre 😉
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