J’ai lu dans le Monde d’hier un article sur les « comiques 2.0 », c’est-à-dire ces personnes qui utilisent la caméra de leur smartphone pour se filmer et collecter des millions de vues sur YouTube. Outre les Norman et Cyprien dont on entend beaucoup parler, j’étais étonné d’apprendre qu’il y a derrière eux un paquet « d’artistes » qui commencent à se faire remarquer, au point même d’être appelés pour animer une chronique à la TV. Toutes ces personnes savent bien sûr nativement tirer profit de la viralité des réseaux sociaux pour se faire connaître, Norman et Cyprien collectant par exemple davantage de followers Twitter que Jamel Debouze.
Autrement dit, le phénomène « j’me filme dans ma chambre » prend de l’ampleur et renforce ce que Seth Godin appelle la révolution des amateurs professionnels, désignant le fait que l’on n’ait plus besoin de l’aval d’un organisme officiel pour faire ce que l’on veut ! Les producteurs TV et autres rédacteurs en chef de magasine sont remplacés par une ligne internet haut débit et un téléphone.
Dans le même registre, j’étais étonné l’autre soir – en regardant je ne sais plus quelle émission musicale – du fait que le succès d’un titre est à présent comptabilisé en nombre de vues YouTube plutôt qu’en nombre de ventes, ce qui est tout de même assez symbolique.
Le phénomène Harlem Shake est également étonnant. Tout est parti d’un vidéaste japonais qui a filmé quatre personnes déguisées dansant de façon absurde dans une pièce, vidéo reprise ensuite par quatre skateurs australiens et lançant un véritable phénomène. Depuis, partout dans le monde, tout le monde s’amuse à reproduire la séquence, qu’il s’agisse d’indiens dans un centre d’appels ou de l’équipe toute entière des Miami Heat. Comme si le monde entier se servait du Web pour communier, faire sauter frontières et classes sociales, …
Il y a pléthore de billets, articles et autres conférences traitant de la fameuse Génération Y, dont on se demande toujours si elle résulte d’un coup de génie marketing ou d’une réalité. Mais une chose est sûre : il existe bien une génération YouTube ! Une génération qui intègre dans ses habitudes, dans ses réflexes, dans sa culture, le fait de communiquer sans l’autorisation de qui que ce soit ce qu’elle veut à qui elle veut. Une génération qui a visiblement a coeur de s’adresser à tous, sans distinction aucune.
YouTube est l’extension du phénomène consistant à poster ces photos sur Facebook ou Flickr, partager des infos sur Twitter, ses compos sur MySpace, etc. Tous ces médias annihilent totalement la notion de corps intermédiaire.
Comment imaginer que cela restera sans impact sur le mode de fonctionnement de l’entreprise ? Quand cette génération YouTube prendra les commandes de l’entreprise, elle remettra forcément en cause ces managers dont la principale utilité est de servir de relais entre les collaborateurs et la Direction, voire entre les collaborateurs eux-mêmes. Elle annihilera à coup sur les fameux workflows de validation à 5 ou 6 niveaux qu’elle considérera comme moyenâgeux. Elle communiquera de la même façon à l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un homme de service ou du P-DG. Elle aura un autre rapport au temps, à l’autorité, à la prise de parole en public, etc.
Elle horizontalisera au maximum l’organisation de l’entreprise afin de faire en sorte que les circuits de communication soient toujours plus pertinents que politiques…. A moins qu’au-delà de ses bonnes intentions, cette génération trébuche sur les mêmes peaux de banane que ses ancêtres : individualisme, quête de pouvoir, et autres réjouissances que l’on peut parfois rencontrer dans l’entreprise. Réponse dans quelques années 😉