Lors de l’E20 Summit auquel j’ai participé mercredi dernier, nous constations avec Bertrand Duperrin que certains acteurs se félicitent d’avoir éradiqué les emails grâce à leur réseau social d’entreprise. Mais recevoir 200 notifications par jour sur son fil d’actualité est-il vraiment la solution au problème de surinformation ? A la limite, les outils de messagerie disposent aujourd’hui de plus de fonctionnalités de tri et de filtre que beaucoup de réseaux sociaux d’entreprise.
Remplacer un outil par un autre, aussi élaboré soit-il, n’a jamais résolu aucun problème. Par exemple, concernant les emails, la vraie question à se poser est : de quoi ai-je besoin d’être informé et quand ? Sur les 50 emails dont j’étais en copie aujourd’hui, combien m’ont apporté des informations dont j’avais besoin pour agir ou prendre une décision ? Mais comment les expéditeurs peuvent-ils savoir s’ils doivent ou non m’informer d’une décision ?
En fait, l’enjeu pour l’entreprise 2.0 est le même que celui de l’entreprise 1.0 : s’attaquer aux causes des problèmes plutôt qu’à leurs effets. Concernant la fameuse infobésité, il ne s’agit pas de chercher de nouveaux outils mais plutôt de savoir comment réduire le nombre d’informations produites et consommées. Est-ce à chaque collaborateur de se responsabiliser pour aller à la pêche aux infos quand bon lui semble, en fonction des questions survenant sur ses différents projets ? Ou est-ce de la responsabilité de chacun de pousser à ses collègues les informations qu’il juge pertinentes et utiles ?
Les médias sociaux s’insèrent plutôt dans une logique de pull car chaque utilisateur décide d’intégrer une communauté, d’ajouter un contact ou suivre une personne, et donc d’être notifié de leurs activités. Mais les médias sociaux favorisent l’ajout en masse de contacts à son réseau ou le suivi de comptes (qu’il s’agisse de Twitter, Instagram, Pinterest, …).
A ce titre, Spotify offre un bon équilibre entre push et pull, et favorise les comportements intelligents :
- Au démarrage, votre espace est totalement vide. A vous d’aller rechercher les titres qui vous intéressent grâce au moteur de recherche
- Vous pouvez sélectionner les contacts Facebook que vous souhaitez ajouter sur Spotify, mais on n’est pas dans une logique du « tous ou aucun ». Dès lors, vous pouvez accéder aux bibliothèques musicales que vos contacts ont ouvert au partage, et vous abonner aux listes qui vous intéressent
- Vous pouvez être notifiés de ce que vos contacts écoutent, mais il vous faut pour cela cliquer sur une icône dédiée (un petit haut-parleur). Votre écran n’est donc pas pollué par un feeds à n’en plus finir
- Pour découvrir de nouveaux titres, outre les playlists de vos copains, vous pouvez écouter une radio similaire à un artiste que vous aimez. Chacun peut également pousser vers un contact un titre de son choix. Au lieu d’ensevelir ses contacts de titres à écouter, comme on a tendance à le faire avec les emails, on pousse un titre à quelqu’un quand on sait ou pressent qu’il va l’aimer. Au fait, pourquoi ne ferait-on pas pareil avec les emails ?
L’une des grandes différences entre Spotify et n’importe quel client de messagerie ne réside pas dans les fonctionnalités, mais dans le contexte d’utilisation de ces outils ! Sur Spotify, qui est un outil que l’on utilise plutôt dans un cadre privé, on prend le temps : le temps de rechercher et de découvrir des titres, le temps de réfléchir à ce qu’un contact pourrait aimer, etc. Alors qu’un client de messagerie s’utilise dans un contexte professionnel où l’on est speed et ne prend pas le temps : celui de correctement lire un email, de l’analyser avant d’y répondre, ou de réfléchir à deux fois avant de mettre quelqu’un en copie. L’enjeu est donc de faire évoluer l’environnement de travail plutôt que de s’acharner à trouver l’outil miracle qui filtrera les bruits.
La preuve que le problème réside davantage dans le contexte d’utilisation de l’outil que dans ses fonctionnalités est que si vous vous abonnez à toutes les listes Spotify de tous vos contacts, vous allez vite vous retrouver avec une bibliothèque musicale dont vous ne saurez plus quoi faire tant elle comprendra tout et n’importe quoi….
Finalement, pour ne pas faire de l’entreprise 2.0 une entreprise 1.0 disposant d’outils plus modernes (qui seront de toute façon bientôt obsolètes), il vaut mieux se concentrer sur un élément qui est la cause de bien des maux : la gestion du temps ! Celui que l’on se donne pour agir, pour décider, pour dialoguer, pour comprendre, pour pousser de l’information, pour aller en rechercher, etc. Ce temps que l’on sait encore prendre dans notre sphère privée mais que l’on ne prend plus dans notre sphère professionnelle.
L’entreprise 2.0, pour être vraiment responsable et collaborative, doit développer une cadence différente. Mais comment prendre davantage de temps pour agir dans un monde en constante accélération ? Ca ferait un bon sujet de post d’ailleurs, je vais prendre le temps d’y réfléchir 😉
Comme quoi finalement, le changement commence par un changement individuel…l’individu avant l’outil 😉 Moi aussi je vais prendre le temps d’y réfléchir…c’est le mouvement alternant « thinking fast and slow » , alternance fondamentale pour la créativité et la prise de recrul.
A moins que l’esprit rechigne à vivre à la vitesse de circulation de l’information. 2.0 contre slow attitude?