J’ai eu l’occasion de travailler dans différentes organisations, publiques ou privées, dans l’industrie ou dans les services, en France et à l’étranger, dans des startups et dans des multinationales. J’ai été stagiaire, auditeur conseil, et salarié. Une chose m’a frappé : d’organisation en organisation, nous, RH, n’exerçons pas le même métier. L’idée même d’une pratique uniforme des ressources humaines est utopique, tant notre quotidien est dépendant du contexte dans lequel nous sommes plongés. Alors, c’est quoi, un RH dans une startup de la Tech ? Quels sont nos défis au quotidien ?
De nouveaux modes d’organisation, sur lesquels nous avons une influence
Pour avoir travaillé dans deux usines vivant au rythme des 3*8 (et même vécu dans l’une d’entre elles), je sais apprécier à sa juste valeur l’environnement de travail peu contraignant d’une startup du secteur tertiaire : horaires adaptables, travail on remote, environnement sympathique et Dirigeants abordables. Mes équipes de développeurs, de chefs de projets et de consultants ne connaissent rien des conditions de travail des opérateurs de production, barbotant dans la suie et vivant dans le ronronnement assourdissant des machines 8 heures à la suite, de jour comme de nuit.
Pourtant, des questions de Qualité de Vie au Travail (QVT) se posent dans les deux cas. Les risques ne sont pas les mêmes, mais les conséquences sont tout aussi graves. Ces risques se cachent derrière des sigles bien connus des RH :
- Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) notamment dus au travail sur écran,
- Risques Psycho-Sociaux (RPS) dus au stress, à la charge de travail, aux horaires variant et à un équilibre vie privée / vie professionnel parfois malmené,
- FOMO (Fear Of Missing Out), ou bien l’incapacité à déconnecter de son travail en soirée, en weekend ou en vacances, parfois aussi appelé le blurring, ou l’effacement des frontières entre ce qui appartient à la sphère professionnelle et ce qui appartient à la sphère personnelle.
- La liste est bien-sûr non-exhaustive…
La technologie a ouvert le champ des possibles en permettant à chacun de travailler de partout à toute heure (ATAWAD : Any Time, Any Where, Any Device, encore un sigle). Cependant, ces pratiques, bien qu’émancipatrices pour les collaborateurs, ont besoin d’être encadrées. En effet, le risque de blurring est grand, et les conséquences peuvent-être désastreuses. Les espaces de travail étant accueillants et conviviaux, les collaborateurs ont vite fait d’y passer l’essentiel de leurs journées, et ont parfois du mal à déconnecter lorsqu’ils rentrent tard chez eux.
Il n’est pas évident de créer un espace de travail favorisant simultanément le bien-être et la performance (pas nécessairement dans cet ordre, d’ailleurs), qui ne soit ni répulsif, ni addictif. Aux RH de savoir placer le curseur entre ces deux pôles, et accompagner le changement en douceur, notamment auprès des plus jeunes collaborateurs qui vivent scotchés à leurs écrans (moi le premier).
Cette omniprésence des écrans modifie non seulement notre rapport au travail, mais aussi notre rapport à notre environnement de travail. Les collaborateurs n’échangent plus à l’oral, et on tchat sur Skype avec son voisin de bureau car nous travaillons avec les écouteurs vissés aux oreilles ; la communication se fait maintenant… en silence !
Que faire quand la parole se libère ?
Le temps où la rétention d’information assurait le pouvoir est révolu. C’est celui qui créé l’information, la diffuse, l’enrichit, qui créé de la valeur pour l’organisation. C’est la raison même pour laquelle nos entreprises disposent de plus en plus de Réseaux Sociaux d’Entreprise (RSE), de newsletters, d’espaces d’échanges informels, etc.
Il n’y a pas que l’information portant sur les tâches à effectuer au sein de l’organisation qui est diffusée, mais l’information sur l’organisation elle-même. Vous avez tous déjà eu, à l’heure du déjeuner, des conversations sur les locaux, sur le fonctionnement de l’imprimante ou encore sur le rapport aux Dirigeants… Ou même sur la diffusion de l’information (une méta-information !). Que faire de ces données ? Elles sont perdues, bien qu’elles aient de la valeur pour l’entreprise !
Donner la parole aux collaborateurs, c’est leur donner un levier d’action pour amorcer les changements dont ils ont besoin au quotidien. Les entreprises qui tentent de faire taire les opinions divergentes ne peuvent que redouter un violent retour de bâton.
Cela permet d’éviter les déconvenues :
De notre côté, le dialogue au sein de l’organisation est l’affaire de tous, et de multiples initiatives sont mises en place afin que les informations circulent le plus efficacement possible. Voici une liste (non exhaustive) des actions en place en ce moment :
- Au plus haut de l’organisation, l’un des membres du General Management donne l’exemple : il a abandonné son bureau individuel pour intégrer l’open space et être au milieu de ses équipes au quotidien… Plus généralement, les membres de la Direction ne manquent jamais de passer dire bonjour à tous les collaborateurs quand ils circulent dans les bureaux !
- Nous sommes en plein remaniement de notre RSE. Actuellement sous-utilisé, il a vocation à devenir une véritable plateforme d’échange entre les collaborateurs.
- Nous travaillons actuellement sur une charte graphique interne pour faire passer les informations « officielles » à tous les collaborateurs. Cela permettra à chacun de distinguer les informations cruciales des informations quotidiennes.
- Nous favorisons l’apprentissage collectif au travers de retours d’expériences publics : tous les vendredis, un collaborateur vient briefer l’ensemble de l’entreprise sur un sujet qui lui tient à cœur, sur une problématique où il a pu acquérir de l’expertise. Ces moments sont l’occasion de mettre sur la table ce qui va bien… et ce qui peut être perfectionné.
Nous utilisons donc des canaux écrits pour faire passer les informations « officielles » (mails, RSE, charte graphiques), et des canaux plus informels sont à disposition pour échanger (RSE, espaces informels d’échanges, dialogue direct avec des dirigeants abordables, etc.).
Rien de révolutionnaire, donc, mais un équilibre à préserver pour que chacun trouve un canal qui lui corresponde, afin de recevoir de l’information (top-down) et d’en faire passer (bottom-up, ou horizontalement).
Comme nous ne nous satisfaisons jamais du statu quo, sommes actuellement en pleine réflexion sur le sujet. Nous investiguons les nouveaux canaux existants… mais comme nous aimons entretenir le mystère, nous n’en dirons pas plus. Affaire à suivre !
Il est d’autant plus simple de donner la parole aux collaborateurs dans l’univers des services qu’ils sont tous hyper-connectés : ordinateurs, RSE, smartphones… Les canaux ne manquent pas. Les entreprises du tertiaire n’ont plus d’excuses pour ne pas s’y mettre !
Adopter une attitude, éviter les postures
Alors, c’est quoi, l’enjeu des RH dans les startups de la Tech ? Avant tout, adopter une attitude-startup, une attitude d’intrapreneur, pour ne pas être « le service qui dit toujours non à tout » mais le service qui ouvre de nouveaux horizons ; il faut apprendre à jouer avec les (nouvelles) règles du jeu, voir toutes les évolutions (technologiques, culturelles, sociétales) comme des opportunités à saisir pour faire grandir l’organisation, ne jamais se satisfaire des outils en place et toujours chercher à les perfectionner, les renouveler, les faire disparaitre au profit d’outils plus pertinents pour l’organisation.
Les RH souffrent souvent d’une image négative, et notre existence est perpétuellement remise en question. C’est une excellente chose, ça nous pousse à nous dépasser et nous permet de nous challenger sur tous les sujets RH, au quotidien.
À nous de définir notre proposition de valeur, et d’apporter cette valeur à nos clients internes.
Et vous, quels sont vos défis au quotidien ?
François Gauthier