Je suis Jean-Sébastien Chanal et j’ai récemment rejoint Talentsoft en tant que Responsable Avant-Ventes. A 35 ans, un cursus scolaire on ne peut plus académique et plus de 10 ans d’expérience professionnelle dans le secteur des Ressources Humaines, j’ose donner mon avis en matière de Gestion des Talents en France.
Cela paraît évident pour certains… moins pour d’autres mais pourtant c’est un fait : la Société française est beaucoup trop élitiste et risque d’en pâtir dans un monde qui est en train de changer de visage…
En France, il est aujourd’hui très difficile d’envisager une vie professionnelle à la fois motivante, épanouissante et rémunératrice (on ne travaille pas que pour la Gloire quand même !) si l’on n’a pas le bon « pedigree » (comprenez un bon diplôme et/ou un bon réseau).
Difficile également pour des diplômés – et à plus forte raison pour des autodidactes – d’avoir une vie professionnelle riche et variée qui leur permette, tout au long de leur carrière, de révéler leurs différentes aptitudes, leur talent aux multiples facettes et de réussir à en vivre !
Pourtant tout le monde sait bien qu’un individu « ne fait pas qu’un », qu’il n’a pas qu’un domaine de compétence, qu’il a souvent de nombreux talents cachés qui ne demandent qu’à être « révélés ».
Le problème c’est que contrairement aux pays anglo-saxons par exemple (qui ont aussi leurs défauts mais qui sur ce point, au moins, sont beaucoup plus ouverts d’esprit…) notre système éducatif et nos entreprises ont une vision trop étroite de l’Etre Humain (un grand paradoxe pour le pays du siècle des Lumières….) :
- Nos écoles forment non pas des Hommes mais des Salariés (En Angleterre ou aux US, il est possible de faire des études d’Histoire contemporaine et être embauché comme responsable marketing…en France à part l’enseignement ou la recherche, les débouchées sont rares)
- Nos entreprises quant à elles, dans leur grande majorité, manquent encore de pragmatisme à ce sujet et n’ont pas vraiment compris à quel point un collaborateur stimulé et épanoui est deux fois (dix fois ?) plus performant.
1. Les autodidactes :
Hormis pour certains métiers (acteur, peintre, écrivain…) et à condition d’avoir du talent, un réseau et/ou beaucoup de chance… il est difficile pour un « non-diplômé » de décrocher un poste qui lui convienne et l’épanouisse. Sa vie ressemble la plupart du temps à une suite de galères… ponctuée de petits espoirs souvent vains… alors qu’il existe certainement un potentiel en lui.
2. Les diplômés :
Même des diplômés bac + 5 (ESC, Ingénieurs, Mastères en tous genres etc.), qui ont certes plus de facilités à trouver un emploi, se retrouvent souvent cantonnés / catalogués dans certaines fonctions dont ils ont bien du mal à sortir alors qu’ils n’y étaient même pas entrés par vocation…
Combien de fois avez-vous vu, par exemple, une entreprise proposer à un responsable ressources humaines de changer de métier et de devenir commercial ? (alors qu’un RRH est aussi un commercial qui doit savoir « vendre » ses offres d’emplois, de formation, son nouveau système d’évaluation…)
Pire, le sentiment de devoir choisir (ou subir…) une orientation très tôt dans sa vie : dès 14 ans au collège…en optant pour la filière générale ou technique… en 1ère en devant choisir entre les maths, la philo ou l’éco… Après le Bac… où là pour le coup c’est le choix cornélien : quelle filière universitaire, quelle prépa… ?).
Et pour le 1er emploi… la sensation de faire quasiment le premier et le dernier choix du reste de sa vie professionnelle… Je me souviens d’ailleurs à ce sujet d’une anecdote lorsque j’étais étudiant en école de commerce : des représentants d’une très grande entreprise (très prisée des étudiants, « The place to work » à l’époque) étaient présents au forum de l’école pour recruter de futurs collaborateurs. Leur Discours ? Honnête mais terrible : « les postes en marketing sont réservés aux 4 meilleures écoles françaises…nous ne vous proposons que des postes de commerciaux. Et autant vous dire tout de suite qu’il est inutile de penser à évoluer sur une fonction marketing, votre évolution se fera au sein de la filière commerciale ».
Il y avait tout de l’élitisme à la française dans ce discours :
- D’abord nous faisons un classement des écoles. Pourquoi pas, mais l’objectif devrait être de tirer les autres écoles vers le haut plutôt que de marquer au fer rouge toutes celles qui ne sont pas sur le podium…
- En fonction du classement certains postes sont ou bien réservés (pour les meilleures écoles) ou bien proscrits (pour les autres…). Cruel et frustrant à un moment de sa vie (l’entrée dans la vie active) où l’on se dit que tout devrait être encore possible…
- Entre commercial et marketing il y aurait donc une vraie différence de poids, presque de standing ! Là aussi…on crée dès le départ des différences qui resteront gravées dans l’inconscient collectif alors qu’elles n’ont aucune légitimité initiale.
Alors oui, quand même, les mentalités ont évolué et continuent à évoluer… mais il reste encore beaucoup de chemin à faire. La compétitivité et la force du système français passera par un vrai changement de la gestion de ses Talents, en gardant ses spécificités, certes, mais en s’inspirant également des autres modèles.
C’est en écoutant ses élèves, ses étudiants, ses salariés, en leur ouvrant le champ des possibles, en leur faisant confiance, en suscitant de l’ambition et non de la frustration, en les formant (et pas uniquement sur ce pourquoi ils sont utiles ou immédiatement productifs), en montrant l’exemple, en osant afin qu’ils osent… bref en leur donnant les clés de leur réussite, que nos écoles, nos entreprises et toute la Société française dans son ensemble, réussiront à relever les challenges du monde de demain.
Le dernier paragraphe ne serait-il pas le discours de l’avenir, le discours du talent.?
le 4 ème paragraphe reste à prouver.
le 6 ème paragraphe : « notre système éducatif et nos entreprises ont une vision trop étroite » : merci pour oser ce constat global.
De tout cela il ressort que le talent est en panne là où en toute logique il devrait se trouver, se découvrir, s’épanouir.
Combien de temps? d’années, de siècles faudra-t-il pour améliorer cette donne?
Faudra-t-il hélas attendre la mise en place solide des fondations d’autres difficultés sociétales?
Bel article, félicitations ! Il faudrait faire confiance aux résultats et aux comportements plutôt qu’au pédigrée… sinon on risque de créer une véritable aristocratie chez les managers français
Bel article, félicitations ! Il faudrait faire confiance aux résultats et aux comportements plutôt qu’au pédigrée… sinon on risque de créer une véritable aristocratie chez les managers français
Tout est tellement vrai dans cet article… je me permettrais d’y ajouter quelques élements que voici:.
Le marché de l’éducation français est proportionnellement segmenté à celui de l’emploi. Il est surcatégorisé, et tout un chacun est effectivement mis dans des cases depuis le collège juqu’à arrivé à un certain niveau de responsabilités dans la hiérarchie sociale (environ 35-45 ans), suite à quoi des prémices de flexibilité commencent à s’installer pour une certaine catégorie de salariés qui a marqué « grande école » sur le CV . Il s’agit d’une vision réductrice et dévalorisante de l’individu en tant que salarié mais surtout en tant qu’homme. Cela fait-il pour autant du reste des salariés n’ayant pas fait de grande école une partie de la population active incompétente, dénuée d’une capacité d’innovation et de talent???
Sur les entreprises françaises:
La reproduction institutionnalisée des diplômés des grandes écoles dans le tissu des entreprises françaises est plus qu’établie. On trouve des offres d’emplois, que je qualifierais de top du top, qui n’apparaissent QUE via circuits internes, c’est à dire dans les boites mails des étudiants et diplômés de 4 ou 5 des écoles de commerce du « classement », le même depuis presque 15-20 ans. (« Attention Grenoble et BEM ont monté d’une place cette année! Bouuuh Audencia descend de deux places par rapport à l’an dernier). Tandis le haut du tableau lui sera probablement le même dans 30 ans, vive la compétitivité!
Un diplômé lambda ne verra jamais dans les circuits « normaux » une offre de Junior Marketing Manager chez l’Oréal… Triste constat.
Sur la non-insertion des diplômés universitaires français:
En Angleterre et en Allemagne, les entreprises sont plus enclines à former les diplômés dès leur arrivée. Ils peuvent donc venir d’horizons plus divers puisqu’ils sont « adaptables ». Elles peuvent se le permettre car moins de charges pèsent sur elles qu’en France (IR, Fiscalité…). Il s’agit d’ un cercle vicieux.
En Angleterre, un diplômé titulaire d’une licence d’histoire du Lesotho peut travailler dans l’automobile haut-de-gamme pour bifurquer plus tard dans les fusions-acquisitions sans problème. il peut aussi postuler à la City. La même chose serait-elle envisageable en France? Allons, pas de gros mots!!!!
A contrario, en France, le courant de pensée archaïque des employeurs stipule que le même diplômé en histoire ne sait nécessairement pas compter ni ne faire preuve de sensibilité marketing, et fera un très mauvais vendeur.
Sur l’importance du bout de papier que constitue le diplôme en France:
Là où partout ailleurs sur cette planète priment l’expérience et la motivation, et bien non, en France, une (pas si) ancienne monarchie et pays suradministré, le « nom du diplôme a bien davantage d’influence sur l’attitude du recruteur en face de vous que votre motivation et votre expérience.
Aujourd’hui, il y a urgence pour l’avenir du pays. Face aux marchés émergents, la France va avoir de plus en plus de mal à exister. L’Inde et la Chine ne vont pas fabriquer des t-shirts et des portables éternellement. Leurs industries de toutes sortes se mettent en place plus vite qu’on ne le croit. Et la France, elle, se complait dans ce système élitiste, où les milliers de diplômés universitaires sont laissés sur le carreau, et où les 5% de la population ayant un label sur son CV contrôlent le pays.
Pas étonnant que l’on (nous, frais diplômés) partions tout à l’étranger, comme si le pays était en guerre civile, rongé de l’intérieur par un mal qu’une partie seulement de la population accepte de voir, tandis que l’autre partie se gave
Tout compte fait, on peut se permettre de se poser la question de savoir si la France n’a pas reproduit les codes du schéma monarchique et social abolis à la fin du XVIIIème siècle (la Cour, la Haute et l’aristocratie) pour les appliquer au monde économique et du travail actuel.
Tout est tellement vrai dans cet article… je me permettrais d’y ajouter quelques élements que voici:.
Le marché de l’éducation français est proportionnellement segmenté à celui de l’emploi. Il est surcatégorisé, et tout un chacun est effectivement mis dans des cases depuis le collège juqu’à arrivé à un certain niveau de responsabilités dans la hiérarchie sociale (environ 35-45 ans), suite à quoi des prémices de flexibilité commencent à s’installer pour une certaine catégorie de salariés qui a marqué « grande école » sur le CV . Il s’agit d’une vision réductrice et dévalorisante de l’individu en tant que salarié mais surtout en tant qu’homme. Cela fait-il pour autant du reste des salariés n’ayant pas fait de grande école une partie de la population active incompétente, dénuée d’une capacité d’innovation et de talent???
Sur les entreprises françaises:
La reproduction institutionnalisée des diplômés des grandes écoles dans le tissu des entreprises françaises est plus qu’établie. On trouve des offres d’emplois, que je qualifierais de top du top, qui n’apparaissent QUE via circuits internes, c’est à dire dans les boites mails des étudiants et diplômés de 4 ou 5 des écoles de commerce du « classement », le même depuis presque 15-20 ans. (« Attention Grenoble et BEM ont monté d’une place cette année! Bouuuh Audencia descend de deux places par rapport à l’an dernier). Tandis le haut du tableau lui sera probablement le même dans 30 ans, vive la compétitivité!
Un diplômé lambda ne verra jamais dans les circuits « normaux » une offre de Junior Marketing Manager chez l’Oréal… Triste constat.
Sur la non-insertion des diplômés universitaires français:
En Angleterre et en Allemagne, les entreprises sont plus enclines à former les diplômés dès leur arrivée. Ils peuvent donc venir d’horizons plus divers puisqu’ils sont « adaptables ». Elles peuvent se le permettre car moins de charges pèsent sur elles qu’en France (IR, Fiscalité…). Il s’agit d’ un cercle vicieux.
En Angleterre, un diplômé titulaire d’une licence d’histoire du Lesotho peut travailler dans l’automobile haut-de-gamme pour bifurquer plus tard dans les fusions-acquisitions sans problème. il peut aussi postuler à la City. La même chose serait-elle envisageable en France? Allons, pas de gros mots!!!!
A contrario, en France, le courant de pensée archaïque des employeurs stipule que le même diplômé en histoire ne sait nécessairement pas compter ni ne faire preuve de sensibilité marketing, et fera un très mauvais vendeur.
Sur l’importance du bout de papier que constitue le diplôme en France:
Là où partout ailleurs sur cette planète priment l’expérience et la motivation, et bien non, en France, une (pas si) ancienne monarchie et pays suradministré, le « nom du diplôme a bien davantage d’influence sur l’attitude du recruteur en face de vous que votre motivation et votre expérience.
Aujourd’hui, il y a urgence pour l’avenir du pays. Face aux marchés émergents, la France va avoir de plus en plus de mal à exister. L’Inde et la Chine ne vont pas fabriquer des t-shirts et des portables éternellement. Leurs industries de toutes sortes se mettent en place plus vite qu’on ne le croit. Et la France, elle, se complait dans ce système élitiste, où les milliers de diplômés universitaires sont laissés sur le carreau, et où les 5% de la population ayant un label sur son CV contrôlent le pays.
Pas étonnant que l’on (nous, frais diplômés) partions tout à l’étranger, comme si le pays était en guerre civile, rongé de l’intérieur par un mal qu’une partie seulement de la population accepte de voir, tandis que l’autre partie se gave
Tout compte fait, on peut se permettre de se poser la question de savoir si la France n’a pas reproduit les codes du schéma monarchique et social abolis à la fin du XVIIIème siècle (la Cour, la Haute et l’aristocratie) pour les appliquer au monde économique et du travail actuel.
Merci « Londoner » pour ce complément éclairé et argumenté qui précise parfaitement mon propos.
Je rejoins également votre dernier point de vue sur les codes monarchiques du système politique français…qui déteignent malheureusement sur le monde économique et du travail.
Un comble quand on sait que l’Entreprise (avec un grand E) a un objectif de performance qui devrait logiquement l’amener à beaucoup plus de pragmatisme…
J’ai quand même bon espoir que cela change…c’est le sens de l’histoire. La seule question qui se pose est celle de savoir quand ?
Allons-nous anticiper ou subir…? Dans le 1er cas on pourra rivaliser avec les nouvelles puissances du monde, dans le 2ème cas…j’en doute.
Au plaisir en tout cas d’échanger avec vous.
Merci « Londoner » pour ce complément éclairé et argumenté qui précise parfaitement mon propos.
Je rejoins également votre dernier point de vue sur les codes monarchiques du système politique français…qui déteignent malheureusement sur le monde économique et du travail.
Un comble quand on sait que l’Entreprise (avec un grand E) a un objectif de performance qui devrait logiquement l’amener à beaucoup plus de pragmatisme…
J’ai quand même bon espoir que cela change…c’est le sens de l’histoire. La seule question qui se pose est celle de savoir quand ?
Allons-nous anticiper ou subir…? Dans le 1er cas on pourra rivaliser avec les nouvelles puissances du monde, dans le 2ème cas…j’en doute.
Au plaisir en tout cas d’échanger avec vous.
Je suis totalement d’accord avec toi. Ton article raisonne dans ma tête comme une histoire déjà vécu. Je suis diplômée d’une petite école de commerce (dans le top 7 quand même !) et j’ai aussi travaillé pour une très grande société française dont je ne citerai pas le nom. Et je confirme : nous « élèves» de petites écoles de commerce sommes cantonner a des postes de commerciaux tandis que les grandes écoles ont droit @ des postes de marketeurs. Malgré des résultats exceptionnels et des idées innovatrices reprises par mes charmants collègues marketeurs d’HEC et ESSEC lors de nos réunions nationales, je me suis vu refusé des postes de marketing malgré les recommandations de mes managers.
Résultats : mes idées et moi avons quitté la France et sommes allés en Allemagne !
Merci Fatima pour ton commentaire. Je comprends ta détresse mais je veux aussi être positif. Il faut garder espoir ! Je suis convaincu que ton expérience en Allemagne sera un véritable tremplin et que tu nous reviendras plus forte dans quelques temps.
Merci Fatima pour ton commentaire. Je comprends ta détresse mais je veux aussi être positif. Il faut garder espoir ! Je suis convaincu que ton expérience en Allemagne sera un véritable tremplin et que tu nous reviendras plus forte dans quelques temps.
Merci Ludovic, là encore affaire de génération et question de temps…
A bientôt
Merci Ludovic, là encore affaire de génération et question de temps…
A bientôt
Merci pour ton article qui ho tellement vrai qu’il est transcrit les idées que je me fais de la société depuis quelques années déjà!
Il est rare de voir des personnes raisonner sur ce sujet et plutôt se laisser abattre par un système absurde de classification dans des tiroirs de compétences…
A noter que l’ambition et l’investissement utilisés de bon gré ne seront jamais reconnus, j’en ai fait l’expérience bien trop souvent!
A quand des formations réelles et solides qui ne font pas des nous de machines mais des êtres unmiques et à-même d’avoir une pensée unique? Peut-être quand les entreprises auront perdu cette notion homme/salarié=> rendement et objet, non?
OK, je suis assez d’accord avec toi. Mais honnêtement, il n’y a rien de neuf dans ce que tu dis! On peut lire pratiquement les mêmes trucs sur des centaines de pages … J’espère que ton prochain article sera plus original !