Vu sur le blog de « médias sociaux, marketing et RH » de Franck Lapinta

Aujourd’hui, je reprends un article de Franck Lapinta, Responsable Marketing Web et RH 2.0 – sur le thème « L’Inde, terrain d’innovation pour les RH ? » et me permet d’y apporter quelques constats personnels.

Je crois peu au hasard. Aussi, j’ai dans la même semaine terminé la lecture du livre de Vineet Nayar, Président de HCLT « les employés d’abord, les clients ensuite », et lu une interview de Narayana Murthy, PDG d’Infosys, une autre entreprise IT indienne. Le point commun à ces deux chefs d’entreprise : repenser le modèle traditionnel des entreprises et mettre le collaborateur au premier plan de leurs préoccupations. Pourquoi ces deux exemples se retrouvent en Inde, portés par le PDG, et dans le secteur IT ? Faut-il y voir un nouveau laboratoire d’expérimentation du management ?

Ce que dit Vineet Nayar

Il faut redonner le rôle central aux collaborateurs, notamment ceux créateurs de valeur, (Vineet Nayar parle de « zone de création de valeur »), entendez ceux en contact direct avec les clients. Aujourd’hui, l’organisation, la structure et le management des entreprises est plus souvent un frein qu’un facilitateur à la création de valeur, et à l’épanouissement de ces collaborateurs. Vineet Nayar insiste sur la nécessité de créer des conditions qui favorisent la confiance et la transparence, notamment dans la communication, indispensable pour développer l’engagement et favoriser l’innovation. D’après l’auteur, une hiérarchie pesante, qui concentre les pouvoirs et reste maître de l’information ne peut répondre aux enjeux d’un environnement fluctuant, imprévisible et hyper compétitif.

Commentaire

Pour compléter le constat de Vineet Nayar, je dirais que les managers de proximité jouent un rôle essentiel dans la remontée d’informations de ceux qui sont dans la « zone de création de valeur ». Bien souvent, la difficulté rencontrée tient au fait que le top-management attend des managers de proximité qu’ils soient des relais de la bonne exécution de la stratégie d’entreprise plutôt que des forces de proposition. Ces mêmes managers de proximité voient de l’autre côté les collaborateurs leur faire part de toutes les innovations à envisager pour rester compétitifs et être en prise directe avec les attentes des clients. Ces deux mouvements s’opposent malheureusement plus souvent qu’ils ne convergent, créant ainsi de la frustration du côté des collaborateurs ou un sentiment de remise en cause permanente du côté de la direction. Il s’agit donc en deux mots de faire évoluer les mentalités des acteurs de l’entreprise se trouvant en haut de la hiérarchie pour qu’ils se positionnent davantage en « catalyseurs » qu’en omniscients. Par ailleurs, comment davantage imprégner les collaborateurs de la stratégie de l’entreprise pour que les innovations et autres axes de progrès proposés tendent vers les enjeux stratégiques définis ? Cette « réconciliation » des deux pôles de l’organisation est selon moi au cœur de la problématique  évoquée par Vineet.

Ce que dit Narayana Murthy

Ce sont les êtres humains qui font la réussite de l’entreprise et donc, la qualité des logiciels développés est directement liée à la valeur, aux compétences et au bien-être des collaborateurs. L’entreprise doit faire quelque chose pour chacun de ses employés. Je comprends qu’il s’agit de ne pas se concentrer uniquement sur les traditionnels « futurs hauts potentiels » ou autres « talents ». N. Murthy est également très fier de son campus, un centre de formation qui accueille chaque nouveau recruté pendant 6 mois, au cours desquels les nouveaux collaborateurs sont payés :« Au lieu de d’avoir à payer pour étudier, nous les payons pour qu’ils étudient. »

Commentaire :

Nous sommes tous constitués de la même façon : la qualité des résultats obtenus dans nos activités est souvent proportionnelle à l’intérêt que l’on porte à ces activités. Ce constat s’accentue avec les membres de la Génération Y. Le sentiment d’appartenance à une entreprise, de pouvoir influer sur le destin et les résultats de celle-ci, décuplent la motivation des collaborateurs qui est elle-même un levier de performance. Au-delà du secteur de l’IT et de l’Inde, il me semble que performance et bien-être ne peuvent définitivement plus être décorrélés !

La situation des IT en Inde

Les entreprises de IT sont confrontées à un turn-over extrêmement important, favorisé par un fort développement de l’activité (plus de 7% estimés pour 2011). La présence de nombreuses implantations d’entreprises occidentales alimente une tension sur le marché de l’emploi, malgré les 75 000 nouveaux diplômés en IT chaque année, complétés par les centaines de milliers de jeunes ingénieurs (hors IT) qui rejoignent également, pour une large part, les entreprises IT. A noter qu’en deux ans, le nombre de travailleurs étrangers en Inde a augmenté de 200 %. Cette croissance est portée par une volonté forte du gouvernement indien qui a investi des sommes considérables pour développer des infrastructures fonctionnelles, par exemple à Bangalore. Ajoutons à cela un système politique stable et une maîtrise de l’anglais.

Commentaire

Dans ce contexte, tout comme en Chine, la question de la « fidélisation » des talents devient prégnante ! D’où l’émergence des notions de bien-être au travail dans des contextes qui historiquement mettaient peu cette notion en avant….

Une raison culturelle

La société indienne reste assimilée à la logique des castes. Pourtant, cette organisation est de plus en plus remise en cause, notamment chez les jeunes générations, qui aspirent à davantage de libertés dans leurs choix individuels. Mais cette critique des castes porte également sur son inefficacité en matière de progrès, notamment économique. En échangeant avec de jeunes diplômés indiens, cette remise en cause d’une organisation trop stricte et rigide de la société gagne également l’organisation de l’entreprise. Nos deux PDG répondent ainsi à des attentes nouvelles fortes de la part de leurs jeunes collaborateurs : les GenY sont aussi en Inde !

Quel enseignement pour les RH ?

A aucun moment la contribution des RH n’est évoquée dans ces 2 exemples. Cela signifierait que ce nouvel état d’esprit qui souffle sur ces deux entreprises n’est pas à l’initiative des RH, mais uniquement de leurs patrons ? C’est-à-dire des membres de l’entreprise qui, plus que tous autres, ont les yeux rivés sur leurs résultats ? Le bien-être des collaborateurs n’est pas présenté comme une fin en soi (le plus souvent hypocritement il faut bien le reconnaître) mais véritablement comme un préalable indispensable à la réussite de l’entreprise. La valeur du capital humain, que l’on semble redécouvrir à l’aune de la crise, a dans la plupart des entreprises, le plus grand mal à trouver une véritable existence au-delà des discours RH. Pourtant, ces deux exemples tendent à prouver qu’un nouveau modèle associant étroitement (mais avec sincérité et réelle volonté) « efficacité » et « bien-être des collaborateurs » est possible, alors que l’on a encore le plus grand mal à ne pas les opposer : une piste nouvelle pour un vrai marketing RH ?

Commentaire

Là encore, en Inde comme en Chine, il me semble que la fonction RH est dans l’état dans lequel elle se trouvait en Europe il y a une quinzaine d’années. Elle est perçue comme une entité chargée d’occuper des fonctions administratives, dont on ne perçoit pas encore tout l’impact qu’elle peut avoir sur capital humain de l’entreprise et sur la performance de celle-ci. La mutation est en train de s’opérer, et l’observation de la mue en cours de réalisation sur les marchés européens ou américains va probablement leur permettre d’opérer cette transformation plus rapidement.