Etre noté est-il « old school » ?

J’ai lu hier un article dans le Figaro qui posait la question suivante : « Etes-vous favorables à la suppression des notes à l’école ? ». Sur 21,242 participants, 87,73% ont dit non et 12,27% ont dit oui. Je vous laisse deviner ce que j’ai voté… ;).

Cela m’a immédiatement fait penser au système d’évaluation en cours au sein des entreprises, auquel je participe très largement dans le cadre de mon activité pro. Et me suis donc évidemment posé la question (déjà soulevée par Damien Joliot sur son blog – faut-il abolir l’entretien annuel-devaluation) de savoir si l’on s’y prenait de la bonne façon….

Qu’il s’agisse de la notation des enfants à l’école ou de l’évaluation des collaborateurs dans l’entreprise, les questions sous-jacentes sont les suivantes :

  • Comment mesurer sa « performance » sans système d’évaluation ?
  •  A-t-on vraiment besoin d’évaluer sa performance ?
  • La motivation ne suffit-elle pas largement à compenser la peur de la sanction ?
  • La motivation peut-elle naître sans mécanisme incitatif extérieur ? Ce qui renvoie finalement à la réalité de l’autodiscipline ..
  • L’enfant à l’école ou l’adulte en entreprise peuvent-ils définir un chemin par eux-mêmes, librement, sans contrainte ou pression extérieure ?
  • La peur de la sanction crée-t-elle un stress inhibiteur ou stimulant ?
  • Tout système d’évaluation de la performance a-t-il une quelconque pertinence s’il n’a pas cours en situation réelle ?

Ces questions peuvent trouver un certain nombre de réponses dans le système éducatif finlandais qui est réputé pour être l’un des meilleurs au monde, que tous les autres pays étudient en permanence.

Ce système éducatif ne valorise pas du tout la notion de punition ou de réprimande, et les élèves peuvent développer eux-mêmes leur cursus en fonction de leurs intérêts et de leurs capacités. En deux mots, ce système est marqué par une responsabilisation très précoce des élèves et une quasi absence de stress.

En ce qui concerne l’évaluation, un enfant n’est pas mesuré par rapport aux autres à l’aide de notes mais est évalué dans son processus d’acquisition des compétences par rapport au projet qu’il poursuit !

Alors quelle résonnance avec le système d’évaluation des collaborateurs dans l’entreprise et la gestion des ressources humaines en général ?

Evaluer les compétences d’un collaborateur par rapport au poste qu’il occupe actuellement et la carrière dans laquelle il souhaite s’inscrire est évidemment un pré-requis indispensable ! Notons que cette approche centrée sur la notion d’employabilité et de compétences est plus européenne qu’américaine, l’Amérique se tournant plutôt vers la notion de performance et d’atteinte d’objectifs.

De façon plus générale et plus profonde, évaluer les collaborateurs est-il nécessaire ? Pour répondre à cette question, dites-vous simplement ceci : l’attribution d’une part variable a-t-il ne serait-ce qu’un léger effet sur la motivation des collaborateurs ? Plus drôle : un collaborateur pourrait-il lui-même définir la part variable qui lui revient en fin d’année compte-tenu de ses résultats et de la qualité de son travail ?

Cela vous fait sourire ? C’est que vous n’êtes probablement pas encore convaincu des vertus de l’autodiscipline et de l’amour du travail bien fait….

Il ne s’agit pas ici d’être cynique, mais de comprendre que le système éducatif finlandais dont je parlais plus haut n’existe pas dans une bulle décorrélée de la société, mais s’insère au contraire dans la culture et l’histoire d’un pays !

La peur de mal agir, l’honnêteté, la confiance en autrui sont des valeurs fondatrices de la société finlandaise. Le mode de vie des familles  (la Finlande possède le 3ème taux de divorce le plus élevé au sein de l’Europe) a également un impact sur la capacité des enfants à se responsabiliser assez tôt. Le climat qui fait que les élèves trainent peu dans les rues peut également expliquer qu’ils soient plus enclins à travailler chez eux, même si les devoirs sont par ailleurs moins importants en Finlande qu’en France par exemple.

En bref, rien ne sert de juger le système d’évaluation ou la capacité des collaborateurs à s’auto-discipliner sans tenir compte de l’entreprise et du pays (avec leur culture, leurs valeurs, leur organisation, …) dans lesquels cela a lieu ! Certaines start-ups entrainent un degré d’engagement des collaborateurs hors du commun alors que ceux-ci ont un salaire en-dessous du marché, quand d’autres entreprises dépensent des fortunes en séminaire de motivation sans résultats probants….

La complexité des facteurs exogènes à l’enfant ou l’individu entrant en ligne de compte dans sa motivation, sa performance, sa discipline, etc., est telle que les ministres et les directions générales se succèdent sans trouver de solution miracle. Alors à défaut de chercher la solution universelle miracle, continuons à nous poser les bonnes questions localement et pragmatiquement, en n’ayant pas peur de « sortir du cadre » !

Et vous, plutôt pour ou contre la suppression des notes à l’école ? 😉