Si vous aimez le cinéma et le Talent Management, vous devez allez voir le Stratège, le film sorti au début du mois avec Brad Pitt, Jonah Hill et Philip Seymour Hoffman. Et si vous comptez aller le voir, alors allez vite lire un autre article du blog car celui-ci sera pour vous un vrai « spoiler » :).
Le film raconte comment le general manager d’une équipe de base-ball s’appuie sur un jeune diplômé en économie de Yale pour bâtir une équipe gagnante avec un budget ridicule comparé à celui des grands clubs. Le film est d’autant plus intéressant qu’il est tiré d’une histoire vraie.
Je trouve que les quelques postulats énoncés par ce film s’appliquent très bien au monde de l’entreprise.
Modifier la configuration du terrain pour gagner la guerre des talents
Le film commence par une discussion entre le personnage qu’interprète Brad Pitt, le general manager de l’équipe, et le propriétaire de cette équipe. Brad Pitt voit ses talents partir vers les équipes concurrentes qui leur offrent des ponts d’or sur lesquels Brad Pitt ne peut s’aligner.
Ainsi, Brad se voit comme l’éleveur de talents des clubs les plus riches.
Il explique donc au propriétaire qu’il lui faut un budget supérieur s’il veut pouvoir rivaliser à armes égales. Le propriétaire lui répond qu’à petit club, petit budget, et qu’il lui faudra donc faire avec.
Brad, à l’aide du jeune diplômé de Yale interprété par Jonah Hill, va donc devoir innover puisqu’il ne peut se battre sur le même terrain de jeu que ses riches concurrents. Cela rappelle la stratégie du « Blue Ocean » de Kim W. Chan et Renee Mauborgne : quand on ne peut rivaliser sur une aire de jeu avec ses compétiteurs, autant créer une nouvelle aire de jeu sur laquelle il n’y aura pas de compétition !
Brad décide donc de ne pas suivre les 5 critères habituels selon lesquels la valeur des joueurs est calculée pour utiliser tout un ensemble de critères que les compétiteurs ignorent, à tort.
Chers amis recruteurs, ne fait-on pas la même chose quand on compulse une pile de CV ? 80% des recruteurs n’ont-ils pas tendance à vouloir conserver les mêmes 20% de candidats présentant un CV répondant aux normes : la bonne école, la bonne première expérience, … ? Interdit ou pas, la discrimination a toujours bien lieu.
Plutôt que de se concentrer trop longtemps sur le « pedigree » du candidat, ne devrait-on pas plutôt se concentrer sur des éléments autrement plus importants :
- La possible adéquation du candidat à la culture et au fonctionnement de l’entreprise ?
- Sa motivation ?
- Sa capacité d’adaptation ? Autrement dit, sa capacité à acquérir les connaissances et compétences qui pourraient aujourd’hui lui manquer ?
- L’envie que l’on a de travailler avec lui ?
Et plus généralement, faire confiance à son instinct ou son intuition.
Compétence ne rime pas forcément avec réussite
Le personnage de Brad Pitt est considéré très jeune comme un futur espoir du baseball, ce qui lui vaut d’être chassé très jeune avant même de pouvoir intégrer l’université de Stanford. Pour autant, Brad Pitt ne confirmera jamais les espoirs placés en lui par manque de confiance.
Le film montre très intelligemment que les compétences d’un individu lui valent de se faire repérer et de se voir proposer de belles opportunités. Pour autant, détection ne rime pas forcément avec réussite !
Ramené au monde de l’entreprise, un candidat pourra se faire embaucher grâce à un beau CV, un collaborateur pourra se faire promouvoir grâce à de belles évaluations, mais cela ne leur fournira en rien la confiance dont ils auront besoin pour développer tout leur potentiel.
La confiance ne vient qu’avec la réussite ! Il faut donc arriver à se forger ses premiers succès afin de bâtir sa confiance, socle indispensable de la réussite et de l’accomplissement.
Il est donc de la responsabilité de l’entreprise, et plus exactement des managers de proximité et des RH, d’aider les jeunes talents à relever leurs premiers défis, leurs premiers challenges, afin qu’ils puissent prendre confiance en eux et commencer véritablement à exprimer tout leur potentiel.
Le système tend à fonctionner en « circuit fermé »
Dans le film, Brad Pitt utilise pour mener son équipe à la victoire une méthode qui va totalement à l’encontre du système puisqu’il valorise des critères de détection des talents et des principes de management méprisés par le système en question.
Par exemple, il engage un joueur incapable de tenir le poste qu’il occupait autrefois pour occuper un autre poste, ce qu’aucun de ses pairs ne comprend bien sûr, à commencer par l’entraineur de l’équipe.
A vouloir sortir des rails imposés par le monde du baseball, il se fait violemment critiqué, jusqu’au moment où il commence à collectionner les victoires bien sûr….
Tout système a tendance à valoriser les éléments qu’il peut appréhender, et donc qui respectent les règles qu’il a érigées. Il est donc très difficile de disposer de suffisamment d’autonomie et de moyens pour innover et imposer des principes qui n’ont pas été éprouvés auparavant. Mais par définition, innover n’exige-t-il pas de mettre en œuvre des principes que personne n’a encore mis en œuvre, au risque effectivement d’échouer ?
En revanche, une fois que la recette a conduit à un premier succès, tout le monde aura envie de la réutiliser et l’imposer comme une évidence.
C’est pourquoi Hollywood préfère produire des suites à n’en plus finir, adapter des romans à succès ou adapter des Comics plutôt que de mettre en scène le scénario d’un inconnu.
L’enjeu pour les entreprises est donc d’accepter de mettre à disposition de ceux qui ont des idées et l’énergie pour innover les moyens et ressources nécessaires pour le faire ! Bien sûr, les risques doivent être mesurés, les échecs analysés afin d’éviter de les reproduire, les « anticonformistes » encadrés. Mais il faut néanmoins accepter de « tenter » de nouvelles expériences pour libérer des talents jusqu’ici ignorés.
Bref, allez voir ce film (même si je vous l’ai bien spoilé:)) car c’est vraiment une belle leçon de management des talents !