Qui l’eut cru : la finale de Top chef nous a fourni une belle leçon de management ! Alors pour ceux qui adorent Top chef et qui se réservent la finale en VOD pour ce week-end, passez votre chemin car je vais « spoiler » le dénouement. Pour ceux qui ont vu la finale ou qui s’intéressent au management plus qu’à la cuisine, ce post est pour vous !
La dernière épreuve de Top chef consistait pour chaque finaliste à se constituer une équipe et à la manager durant 10 heures pour réaliser un menu pour les 107 invités d’une grande soirée. Chaque participant, ainsi que les chefs, devaient voter pour le menu qu’ils avaient préféré et ainsi désigner le gagnant.
Voici les leçons de management que je tire de cette dernière épreuve :
Savoir choisir ses équipiers
Chaque finaliste devait au démarrage de l’épreuve bâtir son équipe en choisissant à tour de rôle un équipier, comme on faisait à l’école.
Jean, celui qui a gagné Top chef, a su choisir les personnes avec qui il s’entendait le mieux, au-delà de leurs compétences. Cyril, son opposant, a réussi l’exploit de choisir des personnes avec qui il ne s’entendait pas spécialement mais qui portaient une compétence qu’il souhaitait utiliser.
L’équipier de Cyril le plus motivé était la personne qu’il avait sélectionnée en premier. Cette personne, touchée d’avoir été choisie en premier, s’est vraiment démenée pour Cyril. A l’inverse, Julien, qui ne s’entendait pas spécialement avec Cyril et qui a été choisi en dernier, était peu motivé, peu engagé, et a ainsi livré (de l’avis même de Cyril) un travail moyen.
Jean, en choisissant ses copines et copains, avait une équipe très motivée qui avait à coeur de se battre pour lui ! Le résultat s’en est ressenti.
Savoir créer une ambiance de travail sympa
Dans l’équipe de Jean, ça parlait, ça rigolait, ça hurlait ! Certes, à certains moments, la concentration était requise et le silence se faisait. Mais ces moments de concentration étaient suivis de courts moments de relâchement et de détente. Et le plus bruyant de ses équipiers durant l’épreuve de dire : « Heureusement que je suis pas tombé dans l’équipe d’à côté, on dirait des bonnes-soeurs« .
Effectivement de l’autre côté, chacun travaillait un peu dans son coin sans réellement communiquer. De fait, il n’y avait pas d’émulation collective, et cela n’a pas permis à chacun de suffisamment se motiver pour donner le meilleur de lui-même et se dépasser. C’était le cas dans l’équipe d’en face.
Savoir cacher ses angoisses
Durant l’épreuve, Jean s’est coupé le pouce assez profondément. Cela lui a couté de précieuses minutes et a ensuite nuit à sa dextérité. Pendant qu’il était soigné, dans une pièce à côté de la cuisine, il a continué a faire part de ses directives et a harangué ses équipiers. Il expliquait qu’il était important de leur montrer qu’il était toujours là et que sa blessure ne changeait rien. En camouflant sa propre angoisse, il a évité que celle-ci se propage dans l’équipe et nuise à la productivité de celle-ci.
Savoir responsabiliser chacun
Au démarrage de l’épreuve, Cyril a distribué des fiches techniques précisant la façon dont il souhaitait que ses recettes soient exécutées et le rôle de chacun. Si cela présentait l’avantage d’aider à ce que les recettes soient exécutées comme il le souhaitait, cela étouffait toute la créativité de ses équipiers. Peut-on vraiment demander aux autres d’agir exactement comme nous ? Est-ce cela la délégation ?
En face, Jean est arrivé avec de vagues croquis, laissant beaucoup de flou dans l’exécution, mais aussi beaucoup plus de possibilités pour ses équipiers de s’approprier ses recettes. C’est aussi en responsabilisant chacun que Jean est arrivé à les motiver et à obtenir d’eux un certain engagement. A trop vouloir contrôler, on bride la créativité et l’engagement !
Savoir faire confiance
Durant la préparation du plat, Jean a raté une sauce qui constituait un élément clé de sa recette. Voyant qu’il ne pourrait pas exécuter son idée initiale, il s’est tourné vers deux de ses équipiers et leur a demandé leur avis. Se faisant, les deux personnes – qui se trouvaient également être de bons cuisiniers – ont fait part de leurs idées. Jean les a écouté ! Parce qu’il savait que cela ne servait à rien de s’obstiner sur sa recette initiale, et parce qu’il estimait suffisamment ses deux équipiers pour leur faire confiance. Le plat a du être apprécié puisque Jean a finalement gagné la finale.
Au-delà des compétences culinaires des deux finalistes, le gagnant est selon moi celui qui a su le mieux manager son équipe. Pour une fois que Top chef nous propose une belle recette de management, autant en profiter 😉
Haha moi qui suis fan de Top Chef, je ne regardais pas l’émission sous cet oeil là !
Mais vous avez bien raison !
Bien vu Alex ! J’avoue que je n’étais pas très fan de Jean au départ, que je trouvais assez prétentieux.
Il m’a bluffée lors des deux dernières émissions, où j’ai pu apprécier ses grandes qualités de manager. Ecoute, détermination et direction, mais avec une vraie ouverture aux suggestions de ses équipiers, récompense du travail bien fait… C’était flagrant, toute son équipe était archi motivée, mais aussi très compétente, condition sine
qua non… J’étais sûre qu’il allait gagner !! 😉
C’est amusant parce que j’ai vu cette finale avec le même œil que le tiens Alex mais pas avec la même lecture. L’exercice de tirer une leçon de management de cette émission a ses limites et ta démonstration est biaisée. Quelques éléments de réponse :
> « Savoir choisir ses coéquipiers » : tu dis que Jean a choisis ses coéquipiers par affinité, alors que la plupart était d’anciens finalistes : Tabata, Norbert… qui sont certes « cools » (encore que) mais qui sont à la fois compétents, créatifs et bosseurs. Ensuite, il est normal que le dernier participant à avoir été choisi soit déçu, cela aurait été la même chose si Jean avait eu à le faire.
> « Savoir créer une ambiance de travail sympa » : en effet l’ambiance était nettement différente d’une équipe à l’autre, mais l’attitude de Jean et de son équipe envers celle de Cyrille n’était par fair-play et a mis les concurrents mal à l’aise. Pas sur que cette attitude soit digne d’un bon manager.
> « Savoir cacher ses angoisses » : pour le coup Jean est celui qui a été le plus ébranlé par la finale et qui a fait le plus part de ses doutes. Concernant sa blessure, avec 100 000€ à la clef et après des semaines de compétition n’importe quel candidat aurait poursuivi la finale dans ces conditions. Et c’est amusant de remarquer que cette coupure a été causée par un geste « fun » d’un membre de son équipe.
> « Savoir responsabiliser chacun » : On ne peut pas reprocher à un chef d’équipe qui concourt pour lui-même d’avoir une vision précise et d’essayer de la faire partager avec son équipe. Jean était à l’écoute car il était dans le doute, d’ailleurs il a acceptés toutes les propositions de ses co-équipiers. Cyrille lui a été beaucoup sélectif tout en étant ouvert. D’ailleurs il a accepté de laisser revisiter son dessert phare.
Enfin, d’un point de vue personnel je préfèrerais travailler avec Cyrille qu’avec Jean, Cyrille est plus « authentique », plus vrai, plus sincère et plus humain. D’ailleurs cela ne l’a pas empêché de décrocher et de conserver 1 étoile. Vu l’égo de Jean, je serais curieux de connaître le taux de turn-over de son équipe.
ah ah 🙂
salut Nicolas, merci pour ce commentaire et cette contradiction.
ça illustre parfaitement la subjectivité accolée à la notion de talent ! c’est notamment cette subjectivité qui fait que la démarche d’une entreprise n’est pas forcément valable pour l’entreprise voisine.
pour rebondir sur tes différents points et compléter les miens, voici quelques éléments supplémentaires.
1. Etre « cool » mais compétent
Cela va sans dire que des gens sympas peuvent malheureusement parfois être totalement incompétents pour exécuter les tâches qui leur sont confiées. c’est à la seule condition qu’ils soient un minimum compétents que leur attitude positive peut apporter de la valeur. et oui, c’était effectivement le cas de Norbert et Tabatha.
2. le style managérial
c’est vrai que personnellement, je n’ai pas eu l’impression que l’équipe de Jean cherchait à embêter ou à nuire à celle de Cyrille. il y avait certes quelques pics lancés vers l’équipe adverse, mais c’était plus sur un mode potache que sur un mode agressif ou par trop déplacé. n’oublions pas qu’ils sont globalement assez jeunes, et j’observe tous les jours dans mes (jeunes) équipes que ça vanne pas mal ! la communication est un peu moins lissée que celle pratiquée par la génération d’avant.
je te rejoins par contre sur le fait que des limites doivent clairement être définies pour qu’on ne lance pas la « vanne de trop » qui finisse à heurter qui que ce soit. comme le dit le vieil adage, « c’est l’intention qui compte ! » 😉
3. la question de l’autonomie
donner des consignes précises est une chose, ne pas faire appel à la créativité de ses collaborateurs en est une autre. là-dessus, concernant l’attitude de Cyrille, c’est effectivement une question d’impression…
entre Cyrille et Jean, on a effectivement deux styles de management :
– un style plutôt « traditionnel » avec Cyrille en manager/superviseur, contrôlant la sortie de chaque plat et nettoyant lui-même les assiettes à la fin
– un style plutôt « affectif » avec Jean en manager/animateur, laissant plus libre-cours à la créativité de chacun mais avec un risque fort effectivement de « clash » en tous genres.
Pas si mal cette émission finalement, non ? 🙂
Encore merci Nicolas
Merci pour ce post, Alex : cela fait des années que je suis persuadée que la restauration offre un excellent terrain d’apprentissage pour les cours de management. Je l’avais essayé sur moi lors d’une formation de management pour débutants et on avait eu une animation dans la soirée avec un chef professionnel dans une vrai cuisine de restaurant. Très puissant ! Il y a plusieurs cabinets de formation qui utilisent la technique du « detour », avec aussi des chevaux, l’escrime, l’art, en fonction des compétences sur lesquelles on souhaite travailler. J’en connais un sur Paris, si besoin.
Merci Sara.
Toujours preneur des bonnes adresses 😉
Nous avions été avec quelques collaborateurs à l’Atelier des chefs, c’était très bien.
++
Alex
Le cabinet s’appelle « Detour & Croissance », leur site internet est très bien fait. Je suis dispo pour une mise en relation si besoin.
A mon sens, malgré les compétences et le désir de gagner des deux finalistes, la différence a eu lieu sur le fait que l’un a considéré son équipe comme une simple brigade exécutive (Cyrille) alors que l’autre a considéré les talents de chacun des coéquipiers en mettant « étrangement » son égo de côté (Jean pouvais souvent paraître antipathique dans certains épisodes). Je ne sais pas s’il était perdu lorsque sa sauce est ratée mais c’est un signe d’intelligence de demander conseil aux autres même si la décision finale lui revient.
Si j’avais du être dans une des brigades j’aurais été plus motivée dans celle de Jean.