Dans le cadre du bouquin que je suis en train d’écrire, je rencontre beaucoup de RH, de consultants, d’experts, pour leur demander de s’exprimer sur différents sujets : les nouveaux enjeux RH, les médias sociaux, la gestion des talents, etc. Et une question émerge régulièrement : l’entreprise doit-elle chercher à rendre ses collaborateurs heureux ?
C’est en lisant le JDD et l’interview du chef Thierry Marx, célèbre juré de Top chef, expliquant que le plus important pour réussir, ce sont des collaborateurs heureux, que j’ai eu envie d’écrire ce billet, en espérant que vous m’aiderez à répondre à cette épineuse question 😉
Les notions de bien-être, de satisfaction, de stress, d’engagement, qui sont des notions éminemment psychosociales, inondent actuellement les médias. L’union européenne rédige des directives visant à lutter contre la souffrance au travail. S’il est certain que l’entreprise peut influer négativement sur la santé mentale de ses collaborateurs en générant trop de stress, de pression, de conflits, …, ne fait-on pas fausse route en pensant que l’entreprise puisse influer positivement sur une notion aussi personnelle et intime que le bonheur ?
Le bonheur… de quoi parle-t-on ?
On pourrait consacrer des centaines de blogs à cette seule question, qui relève plus des sciences humaines que des sciences de gestion. Chercher à rendre ses collaborateurs heureux est en soi une hérésie puisque l’on ne sait même pas ce que revêt ce terme !
J’ai rencontré à de très nombreuses reprises des amis au Népal, très défavorisés, pour qui le bonheur se résumait simplement à avoir un travail afin de ne plus dormir dehors et pouvoir manger plus régulièrement. En France, pour une grande majorité de personnes (notamment les cadres), il est clair que le simple fait de percevoir une rémunération permettant d’avoir un toit et de quoi manger ne suffit pas pour être heureux. On en veut plus, du fait d’être placé dans un contexte économique et social plus favorisé où la question de la consommation est centrale et les comparaisons sont reines.
Puisqu’il est impossible de répondre sérieusement à la question posée, on peut tenter cette approximation : on s’estime heureux dans son travail lorsque l’on occupe un emploi qui nous plaît, dans un environnement qui nous convient, avec une rémunération que l’on trouve acceptable.
Mais ne parle-t-on pas alors davantage de satisfaction que de bonheur ?
Si le bonheur est inaccessible, concentrons-nous sur la satisfaction
Beaucoup d’entreprises mènent ce que l’on appelle des enquêtes de satisfaction ou des enquêtes de climat social. J’ai rarement entendu parler d’enquêtes de bonheur… C’est peut-être parce que cette notion de bonheur n’a pas sa place dans l’entreprise. Un employeur peut offrir les meilleurs conditions du monde à ses employés, un simple drame personnel annihilera instantanément tous les efforts de cet employeur ! Cela montre d’une certaine façon que le bonheur n’est pas du ressort de l’employeur.
En revanche, l’employeur peut grandement influer sur la satisfaction du collaborateur en agissant sur des éléments tels que les emplois, l’environnement, les salaires, les relations interpersonnelles, les valeurs, le « sens », …. Autrement dit, s’appuyer davantage sur les travaux de Fréderick Taylor que sur ceux d’Elton Mayo. Du point de vue économique, sans même parler de la dimension humaine, accroître la satisfaction des collaborateurs est une priorité car toutes les études montrent à quel point celle-ci a une forte incidence sur la productivité !
Mais la satisfaction, au-delà des quelques éléments cités, résulte d’un équilibre fragile et instable. On peut être très satisfait pendant un moment d’avoir un job passionnant sans forcément gagner beaucoup d’argent, mais il suffira de voir sa situation personnelle changer pour que l’argent redevienne la priorité et que l’on soit alors insatisfait de son travail. La satisfaction est une notion dynamique et temporelle !
À quel point la satisfaction professionnelle influe-t-elle sur notre bonheur ?
Je vous laisse répondre à cette question dans la zone commentaires 😉
Les éternels insatisfaits diraient, pour sûr, que ça influence bcp sur le bonheur / malheur.
Entre le travailleur au Népal qui se satisfait du seul fait d’avoir un travail et une personne gravement malade qui apprécie les petits bonheurs de la vie, il n’y a pas une grande différence. Sauf que dans notre société il ne faut pas se leurrer le seul fait de chercher à exercer une activité qui nous plaît et dans laquelle on trouverait un sens… Euh on est voué à des insatisfactions qui influencent plus ou moins sur notre vie privée puisqu’on ne travaille pas (plus) juste pour pouvoir profiter de nos proches et avoir une vie descente mais pour être reconnu dans notre activité et s’épanouir (c’est surtout valable pour les cadres). Les cadres sont prêts à donner de leur temps et de leur esprit mais attendent plus de leur employeur, qui n’a que trop peu de chance de satisfaire tout le monde.
Les petits plaisirs font les grands bonheurs 😉
Article intéressant… Le travail est juste une des composantes du bonheur. Il y a plusieurs facteurs d’épanouissement pour l’individu dont le travail. Pour résumer et imager, on peut concevoir le bonheur comme les 4 pieds d’une table : la famille – les amis – le travail – l’amour. C’est très simplifié comme vision mais réaliste je pense. Si vous êtes satisfait de ces 4 facteurs, on peut imaginer que vous serez totalement heureux. Bonne continuation et bon courage pour votre livre !
Alex, j’adore ton article car je pense qu’il est clef aujourd’hui dans la vie des collaborateurs qu’ils partagent le projet de l’entreprise avec bonheur et surtout qu’ils puissent bien vivre leur vie personnelle quand on sait combien d’heures ils passent au travail.
Un petit clin d’oeil et réflexion, le magazine Forbes aux US propose le classement « best place to work » et j’aime à croire que ces sociétés cherchent oui la productivité de leur entreprise mais aussi à ce que leurs employés puissent expérimenter ce qu’est le bonheur de travailler pour leur société.
La question est donc de savoir pourquoi ces sociétés et comment ces sociétés arrivent à donner ce niveau de bonheur à leurs employés (et non juste une motivation) ?! Sûrement pas que le salaire… Mais peut être une vision , un projet , un rêve, une adhérence forte à des valeurs partagées par tous, comme le respect, l’écoute, la mise en valeur des choses réussites, les zones d’amelioration, de progression, de la sincérité et ça grâce à une exemplarité et une implication sans faille du top management .
Cela m’amène a une question pour toi (car je sais que tu aimes ca ;-)) ….
Quelle est la place et l’impact du top management sur le bonheur de ses collaborateurs?!…
Amicalement
Nicolas
Vision peut-être simpliste comme vous dites mais je prends ! 🙂
Merci pour votre commentaire et vos encouragements.
Alex
Merci pour ton commentaire Louise 😉
Salut Nico.
Concernant le classement dont tu parles, tu auras quelques éléments de réponse puisque j’ai eu la chance d’échanger avec Ludovic Cinquin, le VP France d’Octo classée première des PME.
D’autre part, je pense que l’impact du top-management sur le bien-être (pour être cohérent et ne pas parler de bonheur dans un cadre pro 😉 est énorme ! Pour faire simple, il règne dans l’entreprise l’atmosphère que le top-management fait régner ! Si le top-management porte une véritable attention aux collaborateurs, avec la sincère intention de concilier les besoins et exigences de l’entreprise avec les attentes et aspirations des collaborateurs, alors le bien-être au sein de l’entreprise devient possible. C’est tout le sens du management des talents, le talent désignant l’individu et pas une ressource qu’il porte en lui.
Autrement, le top-management gère effectivement bien des ressources humaines et positionne les uns et les autres en fonction d’une stratégie, d’une tactique, en faisant fi de toute la dimension humaine accolée aux ressources concernées….
Après, mille choses entrent en ligne de compte pour favoriser le bien-être en entreprise, mais en résumé, le bien-être des collaborateurs n’est possible que s’il s’agit d’une préoccupation majeure du top-management. D’ailleurs, je pense que lorsque ce sens de l’humain est absent de l’entreprise, les managers devraient s’appeler des gestionnaires, cela serait beaucoup plus fidèle à la réalité.
Ca c’est la partie qui concerne les top-managers. Les collaborateurs doivent eux aussi faire leur part du boulot, en commençant par se rappeler qu’aussi sympa soit leur situation professionnelle, il s’agit quand même d’un travail, avec son cortège de droits et de devoirs…. Cela fera surement l’objet de nombreux autres posts….
Je pense que tu ne seras pas trop surpris par mes propos…. 😉
++ et merci pour ton commentaire.
Alex
Bonjour,
Reprendre tout simplement ce qu’a dit Jean Louis Trintignant, 81 ans, à Cannes 2012: « Et si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple »… voilà une belle leçon… RH…
Aymeric Vincent
@aymericvincent
Un rien fataliste, non… ?
Qui accepte les choses et ne fait rien pour s’opposer à leur déroulement. A 81 ans on peut être résigné… mais à 81 ans seulement 😉
Selon moi, l’organisation a son rôle à jouer dans le bonheur des individus qui y travaillent, quels qu’ils soient.
Un de commentaires évoque 4 piliers. Pour ma part, j’ai développé il y a quelques temps un concept intitulé « le réseau de sphères » qui permet de d’analyser la qualité de vie. Le niveau de qualité de vie optimum correspondant à un optimum du bonheur.
Comme pour la qualité de vie au travail, le bonheur et sa composante « bonheur au travail » dépendent d’une articulation entre responsabilité individuelle et responsabilité collective, chacun ayant ses propres attentes et sa propre capacité à profiter du bonheur … du moment et c’est bien l’idée proposée par Tal Ben-Shahar, professeur de psychologie positive à Harvard : le bonheur est plus à rechercher sur le chemin que comme objectif ultime, souvent irréaliste, donc inaccessible.
Des études ont montré qu’au delà d’un seuil minimal de niveau de richesse, le niveau de bonheur plafonne et peut même décroître. Les attentes deviennent de plus en plus nombreuses dans une espèce de fuite en avant avec le bonheur comme objectif ultime conditionné par l’atteinte d’objectifs qui sont irréalistes ou remplacés par d’autres dès qu’ils sont atteints (cf mythe de Sisyphe).
Une étude américaine a mis en évidence l’existence du phénomène de contagion du bonheur. Je suis persuadé avec d’autres que la contagion du bonheur au travail existe également et que le monde du travail peut y contribuer par la participation des différentes parties prenantes.
Olivier Hoeffel
Responsable Editorial de laqvt.fr, site d’actualité sur la qualité de vie au travail
Bonjour,
Le bonheur au travail n’est pas inaccessible, en revanche même si l’employeur peut y contribuer, il ne peut, à mon sens, pas le contrôler.
Le bonheur, comme il a été précisé plusieurs fois déjà, trouvera une définition différente dans la bouche de chacun d’entre nous. Il n’a pas de règle ou de procédure, ni même de recette. De plus, je ne crois pas aux quotas à remplir pour être 100% heureux (famille+amour+amis+travail), il y a trop de variable et de variante pour chaque individus!
Néanmois, la satisfaction professionnelle peut influer sur notre bonheur. Quand on sait que pour une majorité, nous passons en moyenne entre 8h à 10h par jour au travail, soit environ 60 à 70% de notre temps (après déduction de la nuit), il vaudrait mieux que les choses se déroulent bien…car même si il est dit que la vie perso s’arrête à l’entrer de l’entreprise et vice versa….l’homme n’en reste pas moins un homme munis d’une raison, certes, mais aussi de sentiments, de ressentis. Je ne veux pas tomber dans le mélo, mais on ne peut pas traiter des collaborateurs comme une machine sur laquelle il faudrait de temps en tremps faire des contrôle ou changer une pièce.
Pour autant, comme précisé au début de mon commentaire, l’employeur ne peut pas tout contrôler dans l’environnement de travail d’un collaborateur, ni même ne peut répondre à toutes les demandes ou besoins des uns et des autres. Nous avons tous une part de responsabilité dans notre bonheur, y compris au travail. Pour aller plus loin, je dirai même, que aussi difficile qu’il puisse paraître, nous avons également tous le choix d’accepter ou non ce qu’il nous arrive. Encore une fois, mes mots sont faciles à écrire…sujet pour autant très interessant voir philosophique!
Jessica, Aymeric, les deux Olivier, un grand merci pour vos commentaires !!!
Bénéficier de vos éclairages est l’une des raisons d’être de ce blog !
Il est impossible de faire la moindre synthèse sur un sujet aussi vaste que celui-ci, mais voilà finalement les quelques pistes de réflexion qui émergent :
– Je pense que l’on ne peut pas travailler dans la RH sans se soucier du bien-être de ses collaborateurs. Comme le dit Jessica, l’homme n’est pas une « machine ». Cela m’amène presque à penser que les termes « ressources » et « humaines » sont quasiment antinomiques, puisque l’humain n’est pas une ressource comme les autres…
– Le « bonheur » est bien trop fragile et complexe pour se résumer à la simple satisfaction professionnelle, mais celle-ci y contribue assurément ! Il appartient donc aux dirigeants et au top-management (ce qui renvoie à la question de Nicolas) de faire le maximum pour assurer cette satisfaction.
Avant un US Open, un journaliste à demandé un jour à Tiger Woods s’il était inquiet de la météo. Tiger Woods lui a répondu qu’il ne se souciait jamais de ce qu’il ne pouvait pas maîtriser. Il me semble que dans le cas du bonheur des collaborateurs, les RH doivent quand même s’en soucier, à défaut de pouvoir l’assurer à eux seuls 😉
Je trouve ce billet et les commentaires très intéressants. Je pense également que le bonheur étant une notion tellement subjective et « fourre-tout », ce n’est pas à l’entreprise de rendre les gens heureux. D’autant plus que pour beaucoup le bonheur se situe en dehors de la sphère du travail. Cependant, il semble évident que l’entreprise a un rôle considérable à jouer pour que ses collaborateurs et salariés s’y sentent bien et tirent une satisfaction de leur travail. De plus, l’argument du bien-être au travail peut être mis en avant par les entreprises pendant le recrutement. En revanche, autant ceci semble plus accessible dans les grandes entreprises, autant le souci du bien-être est souvent quasi absent dans les petites boîtes… Quelles solutions concrètes pourrait-on mettre en oeuvre pour d’une part, sensibiliser les dirigeants des PME à cette problématique et de l’autre, permettre à leurs salariés de s’y épanouir?
Bonjour Nadia. C’est amusant parce que personnellement, compte-tenu de mon expérience personnelle, j’aurais plutôt dit que les petites boites se souciaient davantage du bonheur de leurs collaborateurs que les grosses, simplement parce que la proximité est plus grande.
Comme quoi, les avis diffèrent vraiment selon l’expérience de chacun.
Il est clair que dans le cadre de l’entreprise, le terme de satisfaction est plus approprié. Et satisfaire les attentes de ses collaborateurs est déjà un difficile et noble objectif 😉
Bon we
Le bonheur ça se travail! Donc le bonheur à sa place au travail!!!
Simplement il faut y mettre les bons enseignants, et, favoriser l’enseignabilité de nos co-équipiés sur ce chemin qui transgresse les hiérarchies et donne un sens véritable aux ressources humaines!
Pardonne moi mon manque de politesse…
Bonjour, Alex, ton sourire sur cette photo laisse à penser que tu fais partie de ceux qui connaissent le Bonheur! Pourtant tes propos laissent à croire que tu ne le connais pas véritablement.
Du moins tu as encore besoin d’information sur ce sujet qui t’intéresse.
Je suis junior en la matière mes j’ai tout de même une expérience qui me permet de tenir ces propos!
Bonne journée!
Junior en matière de bonheur ou de RH ? 🙂
Mes propos tendaient moins à parler de mon propre bonheur que de poser la question de savoir si cela était pertinent d’utiliser ce terme en entreprise ou non. Car c’est un sujet qui revient souvent et sur lequel il est difficile de trancher.
Ce qu’il ressort globalement est l’idée que le bonheur relève plus de la sphère privée, alors que la notion de satisfaction relève bien de l’entreprise. Et la satisfaction professionnelle a bien sûr une incidence sur le bonheur individuel.
Je te souhaite une heureuse semaine donc 😉
++