Le 3ème âge à la rescousse ?

Il y a une petite semaine, Jean-Noel Chaintreuil nous lançait à Julien Moulin et moi-même un petit challenge dans son billet intitulé : « Et si on dépassait les préjugés liés à l’âge ? ». La question posée est de savoir pourquoi en Europe, contrairement aux Etats-Unis, vieillir rime davantage avec exclusion qu’avec valorisation ? Valorisation des expériences, connaissances, compétences accumulées….

Un article du Monde de ce week-end m’a fourni quelques pistes de réflexion intéressantes. Cet article explique que pour rendre possibles la rentrée 2012 et ses 14000 nouvelles suppressions de postes programmées, le ministre de l’éducation Vincent Peillon a imaginé que des enseignants retraités exercent une mission ponctuelle de tutorat auprès de leurs jeunes collègues. Différents réflexions émergent dans cet article :

  • Si des jeunes retraités pensent que leur expérience peut être utile à la génération qui arrive, pourquoi pas ?,
  • Un syndicat préfère creuser la piste intergénérationnelle : On souhaite un travail d’analyse des pratiques entre jeunes collègues pour qu’émergent les outils dont ils ont besoin, plutôt  que d’être dans la transmission de l’existant, et donc dans la reproduction, surtout si l’on décide que le métier doit évoluer,
  • Encadrer les jeunes enseignants, ça ne s’improvise pas…. Ce n’est pas parce que vous avez été un bon professeur que vous ferez un bon tuteur.

Toutes ces réflexions sont très intéressantes parce qu’elles soulèvent finalement deux questions : pourquoi une expérience qui a été utile à l’un serait utile à l’autre ? Et si elle est utile, comment arriver à la transmettre ?

Pas de transmission sans recontextualisation

La connaissance, la compétence, le talent, l’expérience… tous ces éléments n’ont de valeur que dans un contexte donné !!! Le pays, la culture, l’organisation, le métier d’une entreprise font qu’une information peut s’avérer tour à tour très inutile ou totalement inutile ! On m’a toujours appris que porter un costard-cravate était un signe de respect vis-à-vis de ses interlocuteurs. Mais le premier client pour lequel j’ai travaillé s’appelait Apple, et venir en costard-cravate m’a vite permis d’avoir le surnom de « Men in black » ! Mon grand-père n’avait de cesse de me répéter que porter une barbe de trois jours était impossible en entreprise. Que vaut cette remarque à une époque où tous les magasines de mode mettent en couverture des hommes mal rasés et où cela est devenu mainstream ?

Il s’agit bien sûr d’illustrations triviales, mais est-ce réellement différent lorsqu’il s’agit de conseils managériaux ? Suffit-il aujourd’hui d’être affublé du titre de manager pour motiver ses troupes à la moindre directive ? Ou est-ce au contraire nécessaire d’expliquer, de convaincre, de donner du sens pour que ses équipes soient motivées et puissent donner le meilleur d’elles-mêmes ? Nul doute que les modes de management ont évolué avec le temps, et que ce qui fonctionnait en 1990 ne fonctionne peut-être plus, ou en tout cas pas de la même manière en 2012… Sur cette illustration, on comprend à quel point l’époque dans laquelle on se trouve, qui est un élément essentiel de contexte, transformera une recette magique en une recette obsolète.

Pour s’avérer utile, l’expérience de nos ainés doit systématiquement être replacée dans son contexte afin d’assurer que les conseils qu’ils nous dispensent sont toujours valables aujourd’hui. Mais recontextualiser ne veut absolument pas dire qu’il ne faut pas écouter ou que ce qui nous est dit est sans intérêt !

Mon grand-père, outre ses conseils capillaires quelque peu obsolètes, m’a également donné mille recettes pour garder son sang-froid en toutes circonstances, et ces conseils sont éternels…. De même que ceux de mon directeur de thèse qui m’a sensibilisé à l’infinie vertu d’être rigoureux dans tout ce que l’on fait à une époque où je trouvais cela superflu. Celui qui reçoit des conseils doit donc être en position d’ouverture afin de pouvoir en bénéficier, sans quoi cela revient à verser de l’eau sur un bol retourné.

En résumé, l’expérience des ainés peut être extrêmement utile à condition que le tuteur et le tutoré travaillent ensemble, sans préjugés de part et d’autre, à se demander si tel ou tel conseil est toujours valable, et à réfléchir au meilleur moyen de l’adapter au contexte actuel !

Pas de transmission sans pédagogie

Il y a des gens bien plus doués que d’autres pour transmettre leurs connaissances et compétences. Pas convaincu ? Je connais deux personnes qui jouent toutes deux très bien au tennis. Lorsque le premier m’a vu frapper en coup droit et a constaté que je pouvais consécutivement gagner un point ou casser un carreau de l’immeuble d’en face, il m’a dit : « Je sais pas trop quoi te dire pour t’aider là…. ». Pourtant, il a un excellent coup droit. Le deuxième constatant la même chose m’a donné trois conseils qui m’ont immédiatement permis d’être plus régulier et efficace. Les deux savent frapper un coup droit, mais l’un est un semi-professionnel et l’autre est prof de tennis, ce qui fait toute la différence ! Cela signifie que l’on peut détenir une compétence sans nécessairement être capable de la transmettre à un autre…. Et cela n’a rien à voir avec l’âge. 

Alors oui l’expérience des ainés peut évidemment être utile aux plus jeunes, qui ont par définition moins d’expérience, mais il faut disposer de la pédagogie nécessaire pour que celle-cui puisse être transmise correctement.

Et vous, avez-vous quelques retours d’expérience ou avis sur le sujet ?