Vacances illimitées : miracle ou mirage ?

Quelques articles et reportages ont récemment mis en évidence des entreprises qui ont innové en matière de congés puisqu’elles ont décidé qu’ils seraient dorénavant illimités ! S’agit-il d’une évolution majeure dans le monde de l’entreprise, du même ordre que l’avènement des congés payés ? Ou s’agit-il d’un simple coup marketing ?

Combien de personnes autour de nous se retrouvent dans la situation de ne pas pouvoir prendre de vacances parce qu’elles n’ont plus de jours ? Et combien se voient rappeler par la RH qu’ils leur restent 12 jours de vacances à poser avant la fin mai, du fait qu’ils bossent trop pour pouvoir prendre des vacances ? C’est bon, vous avez répondu ? Alors maintenant, pensez-vous que l’on propose des vacances illimitées à la première ou à la deuxième catégorie de personnes ? 😉

Même si je suis là un brin provocateur, on peut quand même constater que cette approche innovante survient dans des environnements type start-up où les collaborateurs sont trop sollicités pour pouvoir s’absenter longtemps. Les risques d’abus sont donc faibles.

Mais au fait, à partir de quand peut-on parler d’abus ? Que dire à quelqu’un qui prendrait 12 semaines si ses résultats sont là ? L’approche proposée voudrait qu’on le félicite et qu’on lui souhaite de bonnes vacances. Néanmoins, comment empêcher les dirigeants et managers de penser qu’en prenant moins de vacances, il pourrait en faire davantage ?

Pour un salarié, décider de prendre des vacances devient un acte volontaire qu’il faut assumer puisque ce n’est plus une « obligation ». Cela signifie que si ses objectifs ne sont pas atteints, il pourra s’entendre dire : « Normal avec toutes les vacances que tu as prises ».

Par ailleurs, s’il n’y a plus un quota de vacances prédéfini et partagé par tous, l’impression que l’on donnera en termes de congés dépendra fortement du comportement des autres. Si l’on prend 3 semaines, ça fera toujours 3 fois plus que celui qui n’en prend qu’une….

Une fois ces interrogations soulevées, on peut revenir sur l’évolution significative que représente ces congés illimités. C’est un signal fort émis par l’entreprise à ses salariés leur signifiant qu’ils sont libres d’organiser leur temps comme ils le souhaitent, tant que les résultats sont là. C’est un gage de confiance qui donne davantage à chacun l’impression de travailler comme il l’entend sur ses projets, un peu à la manière d’entrepreneurs. Cela peut s’avérer très stimulant et motivant. 

Il faut bien sûr que cette autonomie – comme évoqué précédemment – ne nuise pas à la bonne conduite de projets sur lesquels d’autres personnes sont impliquées. Disposer de plus de vacances ne signifie pas que l’on n’ait plus à anticiper ses absences, sans quoi il deviendra difficile de se coordonner.

Je trouve que le plus intéressant dans ce phénomène, c’est finalement la réflexion plus globale sur la gestion du temps de travail qui peut en découler. Nous connaissons tous ce fléau – particulièrement en France – consistant à jauger de l’implication de quelqu’un à ses horaires de travail. Ce qui m’a valu de voir lors d’un stage des consultants jouant au Tétris jusqu’à 19h30 plutôt que de partir à 18h, pour ne pas s’entendre dire : « Alors, tu prends ta journée ? ».

L’ère fortement connectée dans laquelle nous évoluons aujourd’hui nécessite de revisiter en profondeur la notion de conditions de travail, voire la notion de travail elle-même. S’il est clair que les vacances illimitées ne changeront pas fondamentalement la vie des salariés, cela va dans la bonne direction. Reste à voir si le phénomène prendra véritablement de l’ampleur ou non.