La culture d’entreprise, à quoi ça sert ?

J’ai récemment co-animé avec Marie Vézy (Schneider Electric), Thierry Delorme (ORC) et Patrick Plein (Vinci Concessions) un atelier organisé par RH&M sur le thème de la culture d’entreprise. Finalement, la question qui s’est rapidement posée est la suivante : La culture d’entreprise, à quoi ça sert ? Quelques pistes de réflexion intéressantes ont émergé du débat.

Faire la différence

Quel quel soit le secteur d’activité considéré, à bien y réfléchir, pourquoi souhaiter candidater dans telle entreprise plutôt que telle autre ? Parce que l’une recrute et pas l’autre ? D’accord… Parce qu’on préfère les produits de l’une plutôt que ceux de l’autre ? Peut-être… Parce que l’on pense que l’on « vivra mieux » dans celle-ci plutôt que celle-là ? Surement ! C’est en tout cas l’avis d’André Comte-Sponville, pensant que l’on travaille tous pour de l’argent mais que l’on décide de travailler dans une entreprise plutôt qu’une autre parce que l’on croit que l’on y sera plus heureux. Et ce bonheur dépend directement de la culture d’entreprise.

La culture d’entreprise, c’est cet ensemble de valeurs, de rites, d’us et coutumes, ce « mode d’emploi » invisible édictant tacitement les règles du jeu de la vie collective : la bière du jeudi soir, le fait de ne jamais tolérer la moindre faute d’orthographe dans un PowerPoint, le fait de ne pas se contenter d’un client à peu près satisfait, le fait de ne pas trop dire les choses ou au contraire de s’adonner à l’impertinence, venir travailler en jeans-basket ou ne jamais se départir de sa cravate, autant d’éléments apparemment insignifiants qui s’avèrent pourtant clés ! Car derrière ces éléments peuvent se cacher des valeurs faisant à elles seules accourir ou fuir les candidats et collaborateurs…

Mais attention aux leurres : la culture d’entreprise, ce n’est pas mettre une table de ping-pong ou un baby-foot dans un coin des bureaux. Si ces objets symbolisent une certaine idée du « fun », leur présence dans les locaux ne transformera pas une boîte à l’atmosphère pesante en parc d’attractions…. Il est fondamental que l’entreprise soit lucide et honnête avec elle-même, apprenne à se connaitre, et ne communique ni oralement ni à l’aide d’artifices sur des valeurs qui ne sont pas les siennes.

Estomper les différences

La culture d’entreprise, c’est aussi l’énergie, l’impulsion que donne celle-ci pour faire en sorte que des collaborateurs aux personnalités, aux jobs et aux géographies différentes sentent appartenir à une seule et même « tribu ». Paradoxalement, si la culture peut faire la différence dans la volonté des candidats ou collaborateurs à travailler dans telle ou telle entreprise, elle vise aussi à définir le plus petit dénominateur commun entre des collaborateurs ou équipes par nature très différents.

Par exemple, dans le secteur bancaire, il peut facilement y avoir autant d’entreprise que d’agences…. Pour faire en sorte qu’un collaborateur ait bien le sentiment de bosser pour un groupe et non une agence, celle-ci doit revendiquer des éléments communs à toutes les agences. Dans ce cadre, au-delà des éléments culturels mentionnés précédemment, les processus constituent des repères culturels fondamentaux. Et parmi eux les processus RH.

Le rôle clé de la RH

L’enjeu concernant la culture d’entreprise est de traduire ce fameux « mode d’emploi », initialement théorique, en réalité pratique ! La culture doit se traduire en comportements tangibles et observables. Quand une « major company » américaine décide des 46 piliers du management ou des 67 piliers du leadership, cela doit se décliner – ou plus exactement se localiser – en autant de réalités terrain existantes. Des notions comme l’autorité, la transparence ou la responsabilité revêtent des réalités extrêmement différentes d’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre…

La RH a un rôle clé à jouer dans cette localisation de la culture au travers au travers des processus dont elle est responsable (recrutement, onboarding, évaluation, formation, …). Par exemple, les évaluations sont un moment clé pour localiser la compréhension de ce que l’on attend des collaborateurs. Les fameux piliers du leadership doivent se traduire en comportements attendus, et derrière ça en compétences. S’il est nécessaire de donner une définition commune de la notion d’autonomie par exemple, l’illustration elle doit être adaptée à chaque réalité locale, avec des exemples qui auront un sens pour les personnes à qui elle s’adresse.

Plus globalement, c’est aussi la RH qui peut participer à l’organisation générale, en coordination avec les dirigeants et managers, sur des points tels que l’organisation des locaux, les horaires de travail, les modes managériaux à privilégier, etc. Autant de sujets qui n’étaient historiquement pas dans l’escarcelle de la RH. Mais à partir du moment où la culture est faite pour et par les collaborateurs, comment ne pas faire des RH les « gardiens du temple » ? 😉

Ils doivent a minima recueillir l’impulsion des dirigeants, écouter la volonté des collaborateurs, et sensibiliser les managers qui constituent – comme toujours – la clé de voûte indispensable de cet édifice fragile. Vaste sujet…