Bonjour à tous,
Je suis Christophe Benveniste, Responsable produit chez Talentsoft et contrairement au titre de cet article je ne fais pas partie de la nouvelle génération arrivant sur le marché, ayant déjà dépassé la trentaine. Avec le recul de mon expérience en RH, je souhaite ici faire un focus sur la gestion des talents de cette nouvelle génération qui arrive sur le marché du travail : les « Digital natives ».
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec cette population, les « Digital natives » sont ces jeunes qui n’ont connu qu’un environnement numérique pendant leur jeunesse. Cette emprise du web et des jeux vidéo notamment a exacerbé certains traits de caractères qu’il faut apprendre à gérer en entreprise. Plus zappeurs, impatients voir capricieux et ayant un besoin de renouveau permanent, comment peut-on gérer ces nouveaux talents ?
En me posant cette question, je me suis surpris à comparer ces attitudes (certes caricaturales) à celles de nos chères têtes blondes. Ce rapprochement m’est apparu récemment alors que je m’occupais de donner à manger à une jolie petite fille de 6 mois prénommée Sélena. Au menu, moitié d’un pot de compote et grand biberon. Après quelques pleures dûs à la faim, elle montra toute sa détermination à manger la compote mais n’a guère apprécié quand sa mère m’a dit d’arrêter à la moitié du pot pour des raisons digestives. Elle ne reprit le sourire et arrêta son caprice qu’une fois le biberon arrivé. Elle ne se fit alors pas prier pour le descendre goulument avant de m’oublier totalement pour un autre jouet ou un autre adulte qui passa par là quelques instants plus tard.
La nouvelle génération n’est évidemment pas aussi volatile qu’un enfant de 6 mois, cependant l’attention qu’on doit leur porter est beaucoup plus grande que celle donnée aux précédentes générations. Elevé au web, ils sont plus exigeants, plus demandeurs, plus impatients et un engagement fort n’est pas simple à obtenir et à conserver.
Partant de cette comparaison fortuite, je me suis demandé si les techniques de l’éducation parentale pouvaient apporter un semblant de réponse à la gestion de ces nouveaux talents.
Il n’est pas envisageable de dire amen à toute les demandes de nos enfants, sans quoi l’escalade arrivera très vite (au lit à minuit, frites et bonbons à tous les repas..) et aucun retour en arrière ne sera possible. Avec nos talents ? Idem, élevé à la culture du gratuit et du piratage, l’incompréhension est de mise quand on parle de payer pour le téléchargement. En entreprise, au premier « non » survenant après une série de « oui », ils seront à un doigt de lancer l’application mobile de monster.
Faut-il alors être très strict ? Faut-il se servir du « je suis ton père » qui donne de facto tous les droits en tant que géniteur, ou le fameux « c’est pour ton bien » ? Le premier cas de figure n’est pas envisageable en entreprise mais le second s’applique déjà. Il arrive que le manager prenne une décision sans expliquer (intentionnellement ou non) les tenants et aboutissants. Le collaborateur devra s’y plier de par le lien de subordination et l’acceptera la plupart du temps en considérant que son manager à une connaissance du contexte plus grande que lui. Son expérience et sa position lui donne cette crédibilité, un temps du moins.
Malheureusement ce schéma d’omniscience marche beaucoup moins bien avec la nouvelle génération. Ces derniers acceptent mal de ne pas connaître les raisons d’un refus même partiel et de s’en remettre au seul jugement de leur manager.
Quelle solution intermédiaire peut-on trouver ? La réponse se trouve finalement dans le contexte de la réponse et dans le lien qui lie les deux protagonistes.
Même sans dire oui à tout, répondre par la positive sans motiver la réponse est aussi risqué que de répondre non en usant de son autorité uniquement. Un enfant qui se voit répondre « oui » à une demande sans qu’on borne les conditions de l’acceptation, estimera qu’à chaque fois la demande devra être acceptée puisqu’il ne perçoit pas les raisons sous-jacentes à l’acceptation de sa demande. Il en ira de même pour notre jeune talent assez rapidement. Il est important que les demandes et leurs réponses se placent dans un contexte processé dont l’acceptation ou le refus est la combinaison d’un besoin individuel et d’un besoin stratégique de l’entreprise. Ce contexte est un processus de gestion des carrières clairement connu et établi. Les outils seuls ne suffisent plus, il faut les rassembler dans un projet qui s’inscrit dans la continuité de l’entreprise.
Le processus dans lequel s’inscrit la réponse ne signifie pas pour autant une justification exhaustive et systématique à un refus. Avoir à se justifier de tout affaiblit son autorité en tant que parent ou manager. Un enfant finira par passer à autre chose par manque d’options. Cependant le jeune talent lui peut démissionner du jour au lendemain. Par ailleurs la méfiance est plutôt de mise car les relations en entreprises sont vues comme « politiques » avant tout.
Pour pallier à cela, il faut apprendre à construire ce lien si particulier avec chacun de ses collaborateurs. Au travers d’échanges réguliers sur le contexte ou les enjeux business et d’une transparence mesurée, une confiance pourra s’installer sur les intentions du manager dans ses choix.
Une chose est certaine, manager les talents d’aujourd’hui demande autant d’énergie que d’élever nos têtes blondes. On aura le bonheur de les faire grandir et de les garder avec nous le plus longtemps possible. Cependant, malgré tout ce qu’on mettra à leur disposition, comme les enfants, ils finiront par aller voir ailleurs de par leur nature, mais nous espérons toujours que ce sera le plus tard possible !
Christophe
Merci pour votre article, il synthétise clairement nos questionnements nos interrogations sur l’embauche de cette nouvelle génération et nous conforte dans nos propres observations venant d’une part d’expérience familiale (deux filles de 23 et 17 ans) et d’autre part de notre milieu professionnel (embauche de jeunes dans notre entreprise). Nous essayons de voir le positif dans leur façon de s’imposer dans le milieu du travail et de regarder aussi de notre côté ce que nous devons laisser à 50 ans de mauvaises habitudes dûes le plus souvent à la culpabilité des autoditactes et aussi à une éducation avec encore beaucoup de traces des années 50-60.
Ce n’est pas simple de relier les deux mentalités.
Bien à vous
Catherine Tuypens